Les viols de la police russe
Le décès de Sergueï Nazarov à la suite d’une rupture du rectum provoquée par une bouteille de champagne soulève de vives interrogations.
Le décès d’un détenu après un viol dans un commissariat du Tatarstan, en Russie, a révélé le recours méthodique aux violences physiques et sexuelles dans ce poste, plusieurs victimes s’étant fait connaître mardi et mercredi, ternissant un peu plus l’image de la police russe. Cinq policiers du commissariat Dalny de Kazan (700 kilomètres à l’est de Moscou) ont été poursuivis pour « coups et blessures graves ayant entraîné la mort par imprudence » après le décès le 10 mars de Sergueï Nazarov, 52 ans, à la suite d’une rupture du rectum consécutive à un viol avec une bouteille de champagne, selon les enquêteurs.
Ces agents tentaient de lui faire avouer un délit mineur et avaient falsifié des documents pour le mettre en détention. Dès mardi, une jeune femme de 20 ans, Alia Sadykova, a accusé les policiers de ce même commissariat de l’avoir passée à tabac et menacée de viol avec une bouteille en janvier pour qu’elle avoue un vol. Le Comité d’enquête de Russie a indiqué avoir engagé dans le cadre de cette affaire des poursuites pour « abus de pouvoir » contre l’un des policiers accusés de la mort de Sergueï Nazarov. Mercredi, le journal Komsomolskaïa Pravda publiait le témoignage d’Oskar Krylov, un informaticien de 22 ans, qui affirme avoir été sodomisé avec une bouteille de bière en octobre 2011 dans le même poste de police pour avouer le vol de 58’000 roubles (1480 euros).
« Ils filmaient tout »
« Le chef des policiers a dit maintenant on va te prendre et il a saisi une bouteille de bière », a raconté le jeune homme. « Deux agents l’ont aidé. Je hurlais. Eux se marraient et me disaient qu’ils filmaient tout », a poursuivi la victime. « Ce cauchemar a duré 15 minutes, après quoi j’ai dit que je signerais des aveux », a expliqué Oskar Krylov. Il avait immédiatement déposé une plainte, mais l’enquête n’a débuté qu’après le décès de Sergueï Nazarov. De son côté, l’association de défense des droits de l’homme Agora a indiqué sur son site openinform.ru que deux autres victimes présumées, deux hommes, s’étaient fait connaître. L’un d’eux a aussi été violé, selon son épouse, l’autre a été longuement frappé.
La police et le Comité d’enquête étaient injoignables mercredi après-midi pour commenter ces accusations. Face au scandale, les autorités du Tatarstan ont ordonné l’installation de caméras dans tous les bureaux des policiers et dans les cellules. La direction du commissariat Dalny a été limogée, quatre policiers suspects ont été placés en détention provisoire, et le cinquième a été assigné à résidence. La réaction du ministère russe de l’Intérieur s’est limitée à un court communiqué annonçant l’envoi de quatre policiers « pour apporter une assistance pratique lors des vérifications » en cours à Kazan.
Tortures, trafics de drogue et meurtres
Cette affaire s’ajoute à une longue liste de crimes commis par la police, une institution honnie des Russes tant les forces de l’ordre sont réputées corrompues et font l’objet d’accusations de tortures, de trafics de drogue et de meurtres. Ainsi, deux policiers ont été arrêtés en janvier à Saint-Pétersbourg pour avoir battu à mort à l’aide d’un manche à balai un adolescent de 15 ans afin de lui faire avouer une agression. Cette affaire a provoqué le limogeage du chef de la police régionale.
Le président russe Dmitri Medvedev avait dit faire de la réforme de la police une priorité de son mandat, soumettant notamment en 2011 les policiers à une procédure généralisée de vérification de leurs compétences. Mais cela n’a eu guère d’effet, à en croire un sondage de l’institut Levada selon lequel 75 % des Russes estiment que la police ne s’est pas améliorée, 14 % jugeant même que la situation a empiré. Les Russes ne sont que 18 % à avoir une opinion positive des policiers, et seuls 24 % estiment qu’ils travaillent pour protéger la population, d’après cette étude publiée en février.
Leur presse (Agence Faut Payer, 14 mars 2012)