Alessio est l’un des compagnons mis en examen après les perquisitions du 26 janvier dernier, suite aux affrontements en Val Susa de l’été 2011 (il a été pécho le 23 janvier, et il lui restait 2 mois ferme à effectuer pour des tags faits à Bologne en 2007 — avant d’être à son tour mis en examen pour l’histoire du Val Susa). Il est toujours incarcéré à la prison « Le Vallette » de Turin.
Lettre d’Alessio
10/02/2012
Ma correspondance est bloquée. Je suis soumis à la censure (ex-article 18 ter), donc mes lettres devraient simplement être vérifiées avant d’être envoyées. Mais ce n’est pas le cas.
J’ai commencé à envoyer des lettres depuis mon premier jour en prison le 24 janvier. Au 10 février, ces lettres étaient toujours retenues. Les chiens de garde pensent qu’ils peuvent isoler un individu de cette manière. Tous les arrogants inutiles qui ne gèrent ne serait-ce qu’une miette de pouvoir, croient que les idées, la passion et le désir de révolte peuvent être éteints une fois qu’on est enfermé, et que les liens de solidarité et de réciprocité avec ceux de l’extérieur peuvent être ralentis.
Je pense que même complètement isolé, je ne serai jamais seul.
Je porte en moi le courage, la détermination et les sacrifices de tous les compagnons et compagnonnes qui m’ont précédé sur le sentier de la révolte. J’ai marché dans leurs pas et j’ai bien l’intention d’attaquer cet existant de soumission et d’humiliation quotidienne avec la force de tout mon être. Dans ma vie, j’ai toujours accouru partout où je pensais pouvoir m’opposer à l’autorité. Je l’ai fait avec ma méthode, en construisant mes complicités, et lorsque je n’en ai pas trouvées, j’ai agit de moi-même. J’ai eu la chance de beaucoup voyager. Beaucoup de langues et d’individus différents rencontrés en chemin. Mais partout, j’ai trouvé la même douleur, la même usure et le même harcèlement. Une malédiction nommée État, une insulte nommée Capital. Tous deux sont des crachats jetés au visage de la dignité des individus.
J’ai donc décidé de n’attendre ni que les temps soient mûrs, ni les grands nombres. Je sais qu’il n’existe pas de meilleur jour qu’aujourd’hui pour se révolter, je sais qu’un individu n’a besoin de rien d’autre que de la capacité de ses bras et de la dignité de ses propres idées. J’ai donc pratiqué l’action directe, et mon cœur a chaque fois battu plus fort. En fixant à chaque fois les ennemis de la vie dans les yeux, je me suis dit que ce n’était pas assez, que c’était encore trop peu. C’est vraiment comme ça, ils n’ont encore rien payé. Et même s’ils devaient commencer à le faire, ce ne serait jamais assez.
Il est temps que la passion de chacun et chacune explose, que nous cherchions des hommes et des femmes en affinité avec nous, que nous observions l’ennemi. Et quand nous sommes prêts, passons à l’attaque. Malgré l’énorme déploiement d’hommes, de moyens et de technologies répressives, il existe encore dans ce monde des spectres en chair et en os qui ne se rendent pas. Quel que soit le risque, quel que soit le prix que nous fera payer le pouvoir.
J’ai eu le privilège de rencontrer des hommes et des femmes qui, après 20 ou 30 ans de prison, se sont retroussés les manches une fois dehors et, avec un grand sourire, ont repris leur place au combat. Ils ont passé leur vie au milieu de la tempête, en continuant à donner leur précieuse contribution.
J’espère que vous comprendrez à partir de ces lignes mon admiration et ma profonde gratitude pour ces individus, pour ces compagnons.
Je ne trouverai la paix que lorsqu’il ne restera plus rien des institutions et des propriétés des riches.
Cet existant doit être subverti, et il n’existe pas de meilleure manière que de commencer à le subvertir.
Depuis la prison « Le Vallette » (Turin)
Alessio Del Sordo – anarchiste
Pour lui écrire : Alessio Del Sordo
C.C. via Pianezza 300
10151 Torino
Traduit de l’italien (Informa-Azione) – Brèves du désordre.