Évacuation du Mât Noir, à Caen : retour sur trois mois de squat
Le squat de l’avenue de Creully, à Caen, a été évacué, ce vendredi matin, très tôt, par des policiers et des gendarmes. Retour sur trois mois de squat.
Les faits
Depuis la mi-décembre, une vaste demeure en pierre du XIXe siècle, sur trois étages, située au 26 avenue de Creully, à Caen (près du Jardin des plantes), était occupée par des militants qui dénonçaient la spéculation immobilière…
Baptisé le Mât Noir, ce « squat politique autogéré » faisait l’objet, depuis plusieurs semaines, d’une ordonnance d’expulsion immédiate. Il a été évacué, ce vendredi matin, très tôt, par des policiers et des gendarmes. Selon le collectif, « trois personnes ont été interpellées, puis relâchées rapidement ». Elles seraient soupçonnées de « vol d’électricité », selon une source judiciaire.
Les squatteurs (Ndlr : dont certains étaient déjà à l’origine du squat Le Pavillon Noir, boulevard Raymond Poincaré, sur la rive droite de Caen, dont ils avaient été expulsés à l’été 2010) n’acceptaient pas, notamment, que « des grands financiers et promoteurs agencent nos cadres de vie à leur guise »…
La justice avait été saisie par l’association L’Arbalète, qui représente les intérêts de la congrégation religieuse Notre-Dame-de-la-Fidélité, basée à Douvres-la-Délivrande, et propriétaire des lieux, inoccupés depuis plusieurs années. Une plainte avait été déposée au commissariat de Caen, mais les squatteurs s’estimaient dans leur « bon droit », jugeant « insupportable » de voir des logements vides comme celui-ci, et ce, « depuis 2006 ! »
L’institut Saint-Joseph envisageait, un temps, de construire une école sur le site, mais le projet n’a jamais vu le jour.
Qui étaient ces squatteurs ?
Le collectif le Mât Noir regroupait environ 50 personnes. Il s’agissait « d’un rassemblement de personnes et de collectifs politiques réunis au sein d’une même entité autonome, afin de tenter une mise en pratique d’une critique globale de la société », décrivent-ils.
« Nous avions décidé d’occuper cette maison afin d’expérimenter collectivement des formes de vie plus libres (non marchandes et sans hiérarchie) et d’ouvrir des espaces de coordinations, de réflexions et de luttes, et ne plus payer de loyer (qui augmente de plus en plus comme la précarité) », poursuit un membre du collectif.
Ils dénoncent un monde « capitaliste, que ce soit par ses aspects économiques et sociaux de paupérisation de certaines classes en France, comme partout dans le monde ; ou encore par ses autres aspects oppressifs politiques, psychologiques, industriels, urbanistiques… et par ses répercussions sécuritaires et environnementales désastreuses ».
Ce squat de l’avenue de Creully, à Caen, était, pour eux, « un outil créé avec les moyens du bord arrachés à ce système, ouvrant des espaces et du temps pour réfléchir et lutter (…) S’y sont réunis divers collectifs qui luttent pour un monde émancipé de toutes oppressions dans lequel chacun avait réellement sa place et pouvait véritablement en jouir pleinement dans le respect de tous (Collectif radicalement anti-nucléaire, collectif médecine libertaire, assemblée libertaire, indignés…) ».
Des débats et des projections y ont été organisés (sur la révolte tunisienne, chilienne, sur le théâtre de l’opprimé indien…), et ce, « dans le but de développer un esprit critique, de donner des idées pratiques, d’informer, et de provoquer des liens entre les personnes », insistent-ils.
Des ateliers permanents (vélo, artistiques, repas partagés…) et des activités plus ponctuelles « ont aussi été mis en place dans l’objectif de se débrouiller, d’apprendre, de se détendre, de créer et de se rencontrer au maximum par soi-même, à notre manière, autrement que par la façon dont il nous est proposé habituellement de le faire dans telles ou telles institutions gérées par l’État et le capitalisme ».
Comment réagissent-ils à cette expulsion ?
C’est « une tentative de nous bâillonner politiquement, mais d’autres espaces fleuriront, avec toujours ces mêmes convictions », annoncent-ils.
« Nous avons été évacués avant la fin de la trêve hivernale (…) Cette expulsion s’est faite à l’aide d’une compagnie de gardes mobiles, la Brigade anti-criminalité, la DCRI (anciennement Renseignements Généraux) et le tout sous l’œil d’une caméra afin d’enrichir les fichiers et d’intensifier le flicage. Les policiers n’ont pas hésité non plus à murer une maison avec les affaires des gens encore à l’intérieur », s’indignent-ils. (…)
« Une fois encore, l’État policier est intervenu pour protéger le sacro-saint droit de propriété » (…)
« Partout en France, des personnes ne correspondant pas au « bon » schéma du « bon » ordre social sont visées. Que ce soient les squats de sans-papiers, les squats politiques, les locations non payées faute d’argent, des yourtes posées sur des terrains. » (…)
« Partout en France, les lieux récupérés et permettant d’expérimenter d’autres rapports sociaux sont expulsés par des politiciens de gauche comme de droite. Nous ne laisserons pas faire et nous ne plierons pas face à la répression policière », écrivent-ils, annonçant une réunion, ce vendredi soir, « pour organiser la riposte ».
Et vous, qu’en pensez-vous ?
Visiblement, peu ou pas de personne dormait dans ce squat, cette nuit… Pour Boru, qui réagit sur notre site internet, il s’agit de « 148 chambres stupidement gâchées par des personnes qui jouent au squatteur et rentrent chez papa-maman le soir venu », écrit-il. « N’aurait-il pas été plus judicieux d’essayer de loger un maximum de famille ou de personne à la rue (…) Et ce, à l’heure où le problème des logements inoccupés et des personnes mises à la rue devient un réel problème de société ? », s’interroge-t-il.
Nore, « un sympathisant du Mât Noir qui parle en son nom », explique qu’il y avait « quelques étudiants ou non, mais aussi des chômeurs et précaires de tous âges, des salariés et des retraités, et quelques voisins qui passaient ».
Ouvrir un hôtel pour les sans-abri ? Cela n’a pas été fait, répond-il, toujours sur notre site internet : « tout d’abord parce que nous n’en avions pas les moyens (physiques, moraux, etc.) et ensuite parce que nous n’avons pas pour vocation d’apaiser le malaise social que le système capitaliste a crée, c’est lui-même que nous voulons abattre ». « Faire l’assistante sociale, serait, en terme révolutionnaire, contre-productif », estime-t-il.
Leur presse (Côté Caen, 9 mars 2012)
Le squat politique autogéré évacué du 26, avenue de Creully à Caen
Le squat politique autogéré qui s’était installé dans une ancienne école privé, 26, avenue de Creully à Caen, a été évacué ce matin par la police et un demi escadron et gendarmes mobiles. « Mais personne ne dormait au squat cette nuit », explique un des membre du collectif politique. Les Caennais avaient connu un autre squat appelé le Pavillon Noir, sur la Presqu’île, ainsi qu’à La Guérinière le long de la voie du tram.
Leur presse (Ouest-France.fr, 9 mars 2012)