En 2012, après les catastrophes de Tchernobyl et Fukushima (et quelques autres dont tout a été fait pour qu’elles disparaissent de la mémoire collective), la conscience du danger du nucléaire et le désir de ne plus y avoir recours sont devenus largement majoritaires dans l’opinion publique française. Même les sondages commandés par EDF l’indiquent, c’est tout dire !
Le nucléaire est en effet avant tout un projet de société, société autoritaire, militaire, et dans laquelle une caste d’experts décide de tout. L’énergie atomique convient très bien au capitalisme, pour nous faire travailler et produiretoujours plus d’engins de mort et de marchandises inutiles. La bombe, ne l’oublions pas, reste un instrument de terreur et un signe de puissance pour les États qui la possèdent.
Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si on peut sortir du nucléaire, car cela a toujours été possible et le sera à chaque fois que la « nécessité » l’impose (le Japon qui a dû s’en passer de façon brutale en est un bon exemple). La question est plutôt de savoir quand et comment, de façon définitive, arrêter les productions nucléaires civiles et militaires.
Quand ? Immédiatement, si on veut augmenter les chances de le faire avant une catastrophe. La quantité de déchets mortels augmente constamment, hypothéquant toujours plus notre avenir. La population, en particulier les travailleu(se)rs du nucléaire subit tous les jours la pollution radioactive. Par ailleurs, il faut mettre fin à l’exploitation néo-coloniale des pays (comme le Niger) d’où est extrait l’uranium. Et parce que vouloir sortir sur dix, vingt ou trente ans, c’est refuser de remettre en cause la société : c’est sortir du nucléaire, mais en tenant compte des intérêts économiques d’EDF, d’Areva et d’autres. C’est aussi penser qu’on ne peut gagner que par la voie parlementaire, et que tout mouvement social de rue ne peut servir qu’à appuyer une dynamique « démocratique » au sein de l’État. Donc, c’est finalement considérer que les intérêts politiques et les profits générés par l’atome sont plus importants que le danger de catastrophe nucléaire.
Comment ? En l’absence de révolution sociale qui transformerait entièrement nos modes de vie actuels, cette sortie — pour être définitive — ne peut avoir lieu qu’en économisant l’énergie (en commençant par stopper les projets d’infrastructures inutiles, coûteux et gaspilleurs, comme les LGV, les nouveaux aéroports) et en développant d’autres sources d’énergie, dont les renouvelables. Mais il faut en finir avec le mythe des énergies renouvelables susceptibles de produire la même quantité d’électricité que celle qui est produite actuellement. Si nous voulons que les énergies renouvelables occupent une place prépondérante, cela ne pourra se faire que par une baisse réelle de la consommation énergétique. Et celle-ci ne peut pas s’obtenir à coup d’économies de bout de chandelle ni de culpabilisation individuelle portant sur la consommation des ménages, mais par une tout autre organisation sociale de la production et de sa répartition. Nous ne voulons pas d’un hypothétique « capitalisme vert », qui certes polluerait un peu moins, mais en maintenant les rapports de domination et d’exploitation.
Comment interpréter le lobbying antinucléaire, l’opposition symbolique avec de grandioses actions médiatiques, sinon comme la tentative d’une association (qui n’est plus tout à fait pour l’arrêt du nucléaire, même à bien long terme, mais pour la transition énergétique et le capitalisme vert) de reprendre la main sur les individu(e)s et coordinations qui se cherchent en dehors d’elle depuis quelque temps, particulièrement depuis les manifestations d’octobre dernier ou le camp de Valognes.
En effet, une action spectaculaire telle qu’une chaîne humaine, dans ce contexte-là, ne vise pas à construire ou renforcer un mouvement de lutte antinucléaire. En mettant en scène un éphémère « mouvement d’opinion », il s’agit plutôt d’essayer de faire pression médiatiquement sur les instances dirigeantes, qui, elles, poussent toujours en avant l’industrie de l’atome : construction d’un EPR, extension de la durée de vie des centrales, mise en place de la nouvelle usine d’enrichissement d’uranium Georges Besse II à Tricastin (construite pour produire du combustible nucléaire pendant au moins 40 ans !) sont les preuves que l’État et le capitalisme français n’ont pas l’intention d’abandonner cette source d’énergie, miraculeuse pour leurs profits et leur pouvoir.
Nous n’avons rien à attendre de l’État, qui est la cheville ouvrière du nucléaire en France. Il serait vain de lui demander l’arrêt immédiat, il faut le lui imposer ! Et, seul un vaste mouvement social de combat antinucléaire et anticapitaliste sera à même d’y parvenir.
Arrêt immédiat et définitif du nucléaire civil et militaire.
Premiers signataires : CGA Lyon, OCL Lyon, des individu(e)s.