Bachar al-Assad a-t-il tenté de fuir de Syrie vers Moscou ?
Cette rumeur, qui a circulé dimanche soir, n’est pas sans fondement.
En fin de journée dimanche 29 janvier, les rumeurs fusent sur internet et en particulier sur Twitter à propos d’une fuite du président syrien Bachar al-Assad. Le dictateur, confronté à une révolte qu’il réprime dans le sang depuis dix mois, aurait quitté le palais présidentiel de Damas et aurait même fui le pays à destination de Moscou. La chaine numéro 2 israélienne est la première source citée par les internautes sur Twitter. Elle reprend en fait une information du quotidien égyptien al-Masry al-Youm.
Aucune confirmation officielle ne tombe dans la soirée, aucun réel démenti non plus, consolidant dans l’esprit des internautes occidentaux la crédibilité d’une telle information. Pourtant, assez rapidement, les opposants syriens présents sur twitter n’y croient pas. Ils s’en donnent d’ailleurs à cœur joie en twittant des rumeurs toutes plus improbables les unes que les autres.
Furious Syrian @FuriousSyrian
>the only rumour I haven’t heard yet today is about Bashar Assad’s colour of underwear.. seriously people.. this is not helping #Syria
> 29 Janv 12
Mais la situation militaire est venue donner du crédit à l’hypothèse d’une fuite d’Assad. Les combats entre l’armée régulière et l’armée libre syrienne (ALS) sont en effet de plus en plus intenses dans le pays et dans la banlieue de Damas selon les représentants de la presse mondiale présents sur le sol syrien. Et selon le correspondant de la BBC au Moyen-Orient, Jeremy Bowen, l’ALS n’est plus qu’à 30 minutes du palais présidentiel de Bachar al-Assad. Une situation militaire qui pourrait pousser le dictateur à la fuite.
Quelles sont les informations rapportées lundi ?
Finalement, après une nuit de rumeurs, le quotidien égyptien al-Masri al-Youm de lundi 30 janvier affirme que l’ASL aurait empêché dans la nuit une tentative de fuite d’une partie de la famille Assad. Dans le convoi tentant de fuir vers l’aéroport se trouvait, selon le quotidien, la mère de Bachar al-Assad, son épouse et leurs enfants ainsi que son cousin Rami Makhlouf et ses enfants. Le quotidien rapporte que ce convoi aurait été arrêté par quelque 300 soldats dirigés par un général ayant fait défection récemment. Il aurait finalement rebroussé chemin protégé par des hélicoptères du régime. Mais, encore une fois, cette thèse ne trouve lundi matin aucune confirmation, ni du régime, ni de l’ALS.
Alors que peut-on confirmer ?
Selon des sources au sein de l’ALS, les quelques détails qui peuvent être confirmés sont une recrudescence dimanche soir des combats sur l’autoroute du sud de Damas qui conduit vers l’aéroport. Seuls deux avions ont atterri dans la nuit, ce qui est significatif d’une baisse notable du mouvement aérien. La présence militaire a été décuplée à Damas dont le centre est pourtant épargné par les manifestations et la répression.
Par ailleurs, le général alaouite qui aurait fait défection n’est autre que le général Mohammed Khalouf, chef du renseignement extérieur, dit « branche Palestine ». Or un ralliement de cette homme à l’Armée libre de Syrie est difficile à croire, de même qu’un accord de l’ALS pour l’accueillir en son sein, le militaire ayant trop de sang syrien sur les mains.
Que peut-on en déduire ?
Manifestement, il s’est passé quelque chose entre Damas et l’aéroport de la ville cette nuit. Et le régime, qui a déployé toujours plus de troupes dans Damas, semble redouter quelque chose. « Je ne pense pas que le général Khalouf ait fait défection pour rejoindre l’Armée libre de Syrie » estime un opposant syrien à Paris. « C’est une des forces centrales du régime, il ne partage rien avec l’opposition et sait que celle-ci n’acceptera jamais qu’elle le rejoigne : il a trop de sang sur les mains », commente ce médecin en contact régulier avec le terrain. « Il n’y a que deux explications à une défection de ce général : soit, il a appris que la famille d’Assad tentait de fuir et il ne l’a pas accepté. Soit, il a tenté un coup d’État ce qui expliquerait la présence militaire renforcée à Damas », estime-t-il.
Que Bachar al-Assad ait essayé de fuir ou non, les événements de la nuit démontrent une évolution au plus haut niveau. Le régime se fissure.
Leur presse (Céline Lussato, Le Nouvel Obs.com, 30 janvier 2011)