Deux personnes passaient aujourd’hui à 14H en procès pour de la récup’ dans un Spar de Saint-Benoît (sans plainte du proprio). Pour l’occasion et en solidarité, un rassemblement-tractage d’une trentaine de personnes devant le palais d’injustice. Ainsi qu’un marché gratuit sur un étal, toujours bien en face du TGI, avec des fruits et légumes récupérés au marché des Couronneries la veille.
On aura rarement vu spectacle aussi grotesque au tribunal — et pourtant fichtre, on a l’habitude. Pas moins d’une heure et quart à discuter autour du fait que deux personnes se soient servies dans une poubelle, pour récupérer des produits alimentaires périmés ! Le tout transformé en « vol en réunion avec effraction et ruse » — prière de ne pas rire (ça ne plaît pas trop au juge).
On comprend mieux le pourquoi d’un tel acharnement, à l’écoute du réquisitoire de la proc’ : n’ayant aucune preuve sous la main, puisqu’il n’y a rien dans ce dossier, les trois quarts de ses propos ont tourné autour du fait que ces deux personnes soient « militantes ». La proc’ a ainsi parlé un bon moment du tract rédigé pour l’occasion par les deux inculpé-e. À aucun moment la preuve d’un vol n’est établi, on fait donc avec ce qu’on peut : la proc parle du casier militant des deux personnes, leur reproche de n’avoir rien dit en gardav’…
On culmine dans le cocasse, à l’écoute de la peine finalement requise : huit mois de prison, dont deux ferme, pour chaque prévenu-e ! Prière de ne pas s’esclaffer ni d’applaudir cette prestation : le juge rouspète ce qu’il nomme une manifestation d’un « fan-club », et menace d’interrompre la séance si ça se reproduit encore.
L’avocate des deux personnes inculpées prend la parole. Elle trouve « extraordinaire » le fait qu’on leur reproche d’exercer leur droit au silence en garde à vue. Qu’on parle de militantisme pour cet acte si cruellement banal, pour ces deux personnes qui survivent avec peu de ressources comme pour tant d’autres. Elle démontre ensuite que le « vol » n’est constitué ni matériellement ni moralement, et encore moins « l’effraction » dont on ne trouve aucune trace. Que même s’il y avait eu entrée dans le local, cela ne pourrait constituer une infraction puisque la jurisprudence considère que la nourriture périmée abandonnée dans une poubelle n’est ni une « propriété » ni une « marchandise », et cite à l’appui une décision de justice de 2002, où quelqu’un avait été relaxé pour les mêmes faits (commis qui plus est à l’intérieur d’un magasin). Qu’il n’y a d’ailleurs même pas d’effraction du local, mais que la nourriture récupérée l’a été dans les poubelles… sorties du local pour l’occasion et déposées sur le parking public, à destination des éboueurs sur le bord de la rocade. Elle raille ensuite l’accusation de vol « avec ruse », vocable juridique complètement inadéquat puisqu’aucun « subterfuge » n’a été utilisé.
Après un quart d’heure de délibération, le tribunal rend un verdict d’évidence : RELAXE.
Néanmoins, chaque inculpé-e devra tout de même s’acquiter d’une amende de 100 euros pour refus de prélèvement ADN ; alors même que le délit n’a pas été constitué.
Mais de ça aussi, hélas, on a l’habitude.
Juanito, groupe Pavillon Noir (Fédération Anarchiste 86), 23 janvier 2012.