Tunisie, les habitants de Nefza lancent un cri de détresse
Nefza est une ville du Nord-ouest de la Tunisie, à 110 kilomètres de Tunis. Depuis hier, la ville est entrée dans un mouvement de protestation, qui s’est poursuivi aujourd’hui et qui ira crescendo dans les prochains jours. Les habitants veulent attirer l’attention sur leur triste sort et souhaitent juste d’être écoutés.
Le long feuilleton tunisien des sit-in et mouvements de protestation n’est pas près de connaître son épilogue. Les raisons sont partout les mêmes. La Tunisie profonde, longtemps marginalisée, et ses habitants laissés pour compte, désespère et n’accepte plus de souffrir en silence.
Depuis hier, les habitants de Nefza ont décidé de faire entendre leur voix, les trois entrées de la ville au niveau de Béjà, Bizerte et Tabarka ont été fermées. Les lycées ont arrêté les cours dès le matin, des manifestations pacifiques ont parcouru les artères de la ville. Les banques et la poste ont fermé et sont gardées par l’armée, seuls les écoles et les jardins d’enfants sont restés ouverts. Ce mouvement s’est poursuivi ce mardi et est appelé à s’intensifier dans les prochains jours. Gnet a recueilli par téléphone des témoignages des habitants de la ville, tous racontent avec amertume leur vécu très dur, fait de chômage, de précarité et de pauvreté.
Meriem Assouani, est mariée depuis huit ans, et mère d’un enfant. « Depuis trois ans, mon mari et moi-même sommes au chômage ; je remercie Dieu que j’ai un seul enfant, et une petite maison ; mais, sans source de revenus, la vie est très dure. Mon mari a un diplôme de technicien, et moi-même, je suis de niveau bac, nous avons frappé à toutes les portes, mais sans résultat. Ma patience s’est épuisée, et à, plusieurs reprises, je pense au suicide avant de me ressaisir », raconte Meriem attristée. « Nous sommes allés au délégué, au conseil de protection de la révolution, aux partis représentés dans la région, mais à chaque fois, nous sommes rentrés bredouille », déplore-t-elle. La jeune femme accepte même de travailler dans les chantiers, c’est mieux que de demander l’aumône ou de faire quelque chose de mal, dit-elle, mais là aussi, c’était trop demander. « Même ma famille vit dans une totale précarité, personne ne peut nous tendre la perche, mon mari s’est résolu depuis trois semaines à aller travailler sur un chantier à Jendouba, bien qu’il soit diabétique et sa santé ne lui permet pas de faire un tel travail éprouvant, mais on n’y peut rien, il faut bien que l’on survive. »
Meriem soupçonne que les pratiques d’antan de pots-de-vin perdurent, « sinon comment expliquer que certains, qui ne sont pas vraiment dans le besoin, sont acceptés pour travailler sur les chantiers, et d’autres non ». Elle évoque l’exemple de cette femme dont le mari est professeur qui a été dernièrement recrutée sur les chantiers, alors que d’autres candidats qui sont plus dans le besoin voient leur demande refusée, dénonce-t-elle. Mais qui décide de ces recrutements ? C’est le conseil de protection de la révolution, répond-elle, géré par un parti d’obédience nationaliste. « Même l’UGTT nous oriente vers le conseil. Je suis allée à Béjà et demandé de rencontrer le gouverneur, mais on n’a pas accédé à ma demande, me signifiant que ce n’était pas le jour des rencontres. J’ai dépensé des frais de déplacement pour rien. »
« Nous n’avons pas trouvé à qui nous adresser, qui peut faire entendre notre voix, toutes les issues sont fermées, regrette-t-elle amère. Il suffit que deux usines soient créées à Nefza pour que ses problèmes soit résolus, d’autant plus que la main d’œuvre est qualifiée et que tout le monde ne demande qu’à travailler », assure-t-elle, la voix résignée.
Ahlem, deuxième année français, poursuivait ses études à l’Institut des langues vivantes de la cité al-Kadhra, mais elle a été obligée d’interrompre ses études, après un redoublement, mais surtout, faute de moyens. « Il n’y a rien à Nefza, c’est une ville totalement marginalisée, minée par le chômage et la pauvreté. Excepté une maison de jeunes, et une maison de culture, la ville est dénuée, alors qu’une seule usine aurait pu sauver Nefza et sa population. » Dans cette région, les gens vivent du néant, l’agriculture existe à petite échelle, mais n’attire personne, raconte-elle. « Pourtant, tous les jeunes de la ville sont instruits et détenteurs de diplôme d’enseignement supérieur, et de troisième cycle, mais ils passent leur temps dans les cafés, à se tourner les pouces. On dit que Nefza, est une ville touristique, c’est faux, il existe un seul hôtel, où l’on va pour boire de l’alcool », se lamente-elle. « On dit que les habitants de Nefza sont des fainéants qui boivent de l’alcool, mais qu’est-ce que vous voulez qu’ils fassent, s’ils n’ont pas d’autre occupation », s’insurge Ahlem.
« Dans le journal télévisé, on entend toujours parler de Gafsa, de Redeyef, de Kasserine, de Sidi Bouzid, mais jamais on ne parle de Béjà, de Nefza, le Nord-ouest est totalement délaissé et exclu », s’indigne la jeune femme. Comme Meriem, Ahlem se contente de travailler dans les chantiers. « Lorsque je suis allée au délégué pour lui demander de m’engager sur les chantiers, il m’a dit que ce travail ne correspond pas à ton niveau, et après j’entends que des gens sont engagés, usant de passe-droit, c’est cette injustice qui est dure à supporter », lance-t-elle desespérée.
Najwa Abdeli est directrice d’un jardin d’enfants à Nefza. Ses deux sœurs ont investi dans un même projet dans la région, qui abrite à peu près sept institutions analogues. « Ce n’est pas un projet lucratif, avec le loyer, l’eau, l’électricité, on s’en sort difficilement, d’autant plus que les familles nous paient entre 10 et 15 dt par enfant, ce qui ne nous permet pas de rentrer dans nos frais », nous confie Najwa, énumérant les mêmes problèmes dont souffre la ville.
Trois partis sont implantés à Nefza soit le mouvement Ennahdha, Ettakatol et une formation d’obédience nationaliste, des partis qui sont juste là, mais qui n’ont aucune réponse à apporter à une population en détresse. Les autorités régionales sont inefficaces, de l’aveu des habitants, c’est ce qui accentue leur frustration et leur colère.
Les habitants ne demandent rien dans l’immédiat, sauf que des responsables de Tunis, se déplacent sur les lieux, et écoutent leurs doléances. Au moins, « on s’apercevra qu’on n’est pas oublié », dit Ahlem. Les habitants se disent conscients que personne ne dispose d’une baguette magique pour que tout soit réglé maintenant, mais ils en ont assez d’être négligés, de ne pas trouver une oreille attentive, et des responsables sérieux et déterminés à les sortir de l’ornière.
Ainsi il en va de Nefza, comme de plusieurs autres régions de la Tunisie, vivant sous le joug du triptyque maudit : chômage, pauvreté et maladies psychiques et physiques. Ce mardi, au soir, certains accès de la ville ont été rouverts pour permettre à quelques voitures de regagner la région, demain, le mouvement va reprendre de plus belle, et ne s’arrêtera que lorsqu’un responsable se rende sur les lieux et prenne note des problèmes de la ville et de ses souffrances.
Leur presse (GlobalNet), 17 janvier 2012.
Kairouan : Le délégué d’El Oueslatia renvoyé par des habitants de la ville
Des habitants de la ville d’El Oueslatia (gouvernorat de Kairouan) ont attaqué, aujourd’hui, mardi 17 janvier 2012, le siège de la délégation de cette ville. Ils ont violenté le délégué de la ville qu’ils ont fait sortir du siège de la délégation en lui intimant l’ordre de ne plus y revenir.
Ces habitants estiment que le délégué de la ville n’a pas pris en compte leurs revendications et n’assument pas convenablement sa tache ! Leurs revendications concerneraient l’emploi et le développement de cette localité.
Leur presse (WebManagerCenter), 17 janvier 2012.
Nouveaux sit-ins à Bizerte
On ne peut pas dire que le gouvernorat de Bizerte vit un climat de contestation débridé. À chaque jour suffit sa peine, semble-t-on penser et à des périodes d’intense activité protestataire succèdent des phases d’une bénéfique accalmie.
La journée du mardi 17 janvier a été assez riche en mouvements de fronde.
D’abord, les ouvriers temporaires recrutés dans le cadre des chantiers locaux et qui sont employés par la municipalité de Bizerte ont observé au parc municipal un sit-in qui a duré toute la journée du mardi. Ils ont empêché les engins de quitter les lieux et sont allés jusqu’à « confisquer » le matériel de collecte des ordures ménagères, propriété d’un sous-traitant privé. Ce dernier assure que, dernièrement, il s’est plié à une demande de majoration des salaires. Il a tenu à signaler, en outre, que ces ouvriers temporaires de la mairie inventent toutes sortes d’exigences pour le mettre en difficulté et pour débrayer. Autre surprise de ce mouvement, les ouvriers travaillant au sein de cette société de nettoyage ont eux-mêmes suspendu leur activité exigeant d’être intégrés au personnel municipal et titularisés. Les interventions du président de la délégation spéciale n’ont pas permis de résoudre le problème.
D’autre part, une trentaine de jeunes chômeurs, sans qualification, habitant la Pêcherie, voisine de la cimenterie de Bizerte se sont rassemblés devant l’usine pour demander que l’entreprise « honore les lois du voisinage » en leur procurant un emploi. Cette démarche s’est terminée sans problème après qu’on leur eut expliqué qu’il « faudrait patienter que l’opportunité » se présente.
Leur presse (M. Bellakhal, Investir-en-Tunisie.net), 18 janvier 2012.