En solidarité avec les 10 harragas emprisonnés suite à l’évasion collective du CIE de Turin le 22 septembre dernier et en solidarité à Àrturo, condamné à 2 mois de prison.
Ci-dessous le tract d’appel et un texte écrit par Àrturo peu de temps avant son incarcération.
18 DÉCEMBRE 2011 – 14h00
RASSEMBLEMENT À LA PRISON DE TURIN DE LA VALLETTE
L’hiver de la paix sociale est fini. Chaque jour la trame qui lie ensemble les révoltes d’ici et d’ailleurs s’épaissit, incendiant les frontières et les cœurs des exploités. Les jeunes enragés qui ont attaqué Rome parlent avec les mêmes gestes que les jeunes de la Lybie, de la Grèce ou du Chili. Les harragas qui ont envahi les places de Tunisie, aujourd’hui se rebellent dans les prisons pour clandestins, s’en évadent et les détruisent.
Comme à Turin, où le 22 septembre dernier les détenus ont cherché à s’évader collectivement du CIE de Corso Brunelleschi, attaquant les gardiens, enfonçant les grilles et le portail pour sortir. La rage qui s’est déchainée ensemble a permis à douze personnes de s’échapper, mais dix autres ont été arrêtées et sont encore en prison. Comme toujours, les pouvoirs et les enfermeurs de partout ont recours aux mêmes moyens. Les barreaux, la vengeance et les punitions exemplaires servent à montrer que défier l’État se paie cher, et à empêcher que se diffusent et se propagent ces défis. Dans ce cas les accusations sont lourdes, des lésions aggravées contre agents de la force publique, violences et dégradations en réunion, mais celles-ci n’ont servi jusqu’à présent à rien. Rien que la semaine dernière la température dans le CIE de Turin a augmenté plus d’une fois. Les personnes fêtaient bruyamment l’évasion réussie de l’un d’entre eux, mais la violence des flics et des matons-croix-rouge, perturbés par l’euphorie et le bordel, ont transformé la fête en affrontements. S’en est suivi quatre personnes arrêtées, mais libérées ensuite… Et de nouveau une autre révolte. Entre-temps, l’allongement de 6 à 18 mois de la durée en rétention devient plus claire, et alimente ainsi la rage et les révoltes.
Le 19 janvier 2012 aura lieu la première audience du procès pour les 10 harragas en prison. Nous sommes là encore aujourd’hui pour les soutenir, toujours devant les murs et les barreaux qui nous séparent, eux et nous, de la liberté que nous voulons arracher.
Les murs des prisons enferment d’autres rebelles, qui proviennent d’autres lieux et d’autres parcours mais à qui l’État réserve le même traitement. Comme à Arturo, un de nos compagnons contraint de purger une peine de 2 mois de prison pour un délit vieux de 10 ans, quand un journaliste de merde provocateur s’était fait virer avec force de l’enterrement de l’anarchiste Baleno. Une autre vengeance de l’État, qui n’oublie jamais de solder ses comptes contre ses ennemis déclarés. Dans ce cas il s’agit de frapper la lutte contre le TAV en Val Susa, qui désormais dure depuis des années et qui continue d’être une menace. Pour cela ils enferment qui n’a jamais cessé de se battre et de prendre part à cette lutte. Aujourd’hui comme hier, les flics et les journalistes sont des ennemis qui étouffent les luttes, Aujourd’hui comme hier, la répression et la prison marchent aux côtés des mensonges des medias, La matraque va de pair avec la caméra vidéo et les fleuves d’encre, le tout bien payé.
Dans tous les cas celui qui se rebelle, qui affine la visée contre les responsables de son oppression, risque l’arrestation et l’enfermement. Pour celà nous voulons exprimer notre proximité et notre complicité à ceux qui luttent, à l’interieur comme à l’exterieur des bareaux, avec notre dégout et notre haine contre toutes les prisons et toutes les grilles.
Alors, on t’invite à un rassemblement chaleureux devant la prison de Turin de la Vallette le Dimanche 18 décembre à 14h00, le rendez-vous est au terminus du Bus 3. Viens avec une casserole ou quelque chose pour faire du bruit.
Solidarité aux harragas emprisonnés
Solidarité à Arturo
Liberté pour tous et toutes
Feux aux frontières et aux prisons
La Justice et la Vengeance
L’histoire d’Edoardo Massari, ou Baleno, assassiné dans une cellule de la prison de La Vallette à Turin alors qu’il était accusé de sabotages contre le chantier du TAV en Val Susa, est desormais tristement connue. Mais la trame judiciaire de cette histoire va en avant. J’étais de ceux qui ont chassé les journalistes du cortège funèbre à Brosso, en Val Chiusella. Un des pourrisseurs de Baleno et des anarchistes recevait ce jour-là une sonnante leçon de vie.
Dans les jours qui suivirent furent émis trois mandats de recherche, l’un d’entre d’eux contre moi. Après avoir participé à la manifestation de Turin contre les assassinats étatiques, je me mettais en cavale.
C’était le 4 avril 1998, et je ne savais pas encore que cette fuite durerait presque 9 ans, jusqu à la fin d’octobre 2006, date à laquelle Clemente Mastella (ministre de la justice à l’époque NDT), noyé dans des histoires de pot de vin et dans des scandales de corruption, fit une faveur à ses amis du gouvernement et politicards, avec des remises de peines qui annulèrent toutes les condamnations pour faux bilans et détournement de fonds publics (le ministre élargit la liste des delits concernés par ces remises de peines, justement pour faire ce cadeau à ses amis du pouvoir, NDT).
Naturellement, j’en profitais moi aussi. Je retournais ainsi à ma vie de toujours. La remise de peine qui me permettait de retourner à la maison (à condition de ne commettre aucun délit pendant 5 ans), “annulait” 3 ans de prison ferme. Il me restait à purger 2 mois de prison. En juillet 2010, j’avais fait la requête de mesures alternatives à la prison, que j’ai presenté lors d’une audience du tribunal de surveillance de Turin. La juge Bonu, apres avoir lu le rapport des carabiniers de Vico Canavese, rédigé du commandant Francesco Malloci, a décidé d’empêcher l’annulation de la peine alors que je travaillais, et aussi de transformer la peine en arrestation à domicile dans ma maison de montagne, où j’effectue des travaux de rénovation.
Le rapport des carabiniers de Vico, considéré “louable” par la juge, disait que je n’avais pas de travail fixe, que je continuais à participer aux manifestations de défense de la Val Susa, contre le racisme de la Ligue du Nord (parti politique nationaliste au pouvoir dans le Piemont, NDT) et contre les centre d’expulsions pour étrangers, que j’étais présent au rassemblement qui a chassé les fachos de Forza Nuova (autre organisation nationaliste, NDT) de la place San Carlo à Turin, toutes ces initiatives que je revendique à tête haute. Durant une autre audience, le 6 octobre dernier, le procureur général a exprimé un jugement contradictoire, permettant une arrestation à domicile, et la juge s’est reservée le droit de décider…
Il m’est difficile de tolérer l’arrogance avec laquelle ces personnes, desquelles il m’est difficile de croire qu’elles sont du même genre humain que moi, s’élèvent aux rangs de juges et de bourreaux, après m’avoir assassiné un ami et un compagnon, après m’avoir contraint à neuf ans de cavale (qui n’est pas une promenade, mais bel et bien une vraie peine).
Ils n’approuvent pas le fait que le geste de Brosso fut applaudi par tous et toutes, à l’exception des flics et des journalistes, ils n’approuvent pas le fait que tant de personnes m’ont été proches, dénonçant la vérité en écrivant “journalistes infames” et “État assassin”.
Pour cela ils se vengent. Je pense n’avoir aucune dette envers la “société civile”, j’ai déjà assez payé. Je n’irais pas de moi même en prison. Qu’ils viennent me chercher. Avec toute ma haine, pour une société libérée des flics et des patrons.
Arturo Fazzo