En Russie, mille et une méthodes de fraude à l’œuvre aux législatives
Liasses de bulletins jetées dans l’urne, tournée des bureaux en bus pour voter plusieurs fois, électeurs achetés pour une poignée de roubles : racontées ou filmées puis mises en ligne, les fraudes observées lors des législatives en Russie ont été diverses et variées.
Que ce soit sur internet, dans les journaux ou simplement dans des conversations entre amis, les histoires de fraudes ne manquaient pas lundi, au lendemain des élections qui ont donné la majorité au parti Russie Unie de Vladimir Poutine.
« Sous mes yeux, un homme a jeté dans l’urne un paquet de bulletins », a raconté Elena Panfilova, la responsable moscovite de l’ONG Transparency International qui lutte contre la corruption, au site d’informations en ligne gazeta.ru.
« Un jeune homme est entré dans un isoloir dépourvu de rideau, a tiré de son blouson une liasse de bulletins et s’est dirigé vers l’urne. Les observateurs et les membres de la commission l’ont bien vu et ont essayé de lui dire qu’il ne fallait pas glisser les bulletins. Il a juste accéléré le pas, jeté ses bulletins dans l’urne et s’est enfui du bureau », a-t-elle ajouté.
Le périodique Novaya Gazeta raconte que dans le bureau 2696 à Moscou, « des inconnus ont donné à des SDF des liasses de bulletins déjà remplis ».
Une autre méthode, celle du « manège », semble avoir été aussi largement utilisée : munis de certificats reçus à l’avance permettant à une personne de voter ailleurs que dans son bureau, des électeurs ont pu ainsi voter à plusieurs reprises. De véritables tournées ont ainsi été organisées.
« Les observateurs (du parti d’opposition) Iabloko racontent qu’au bureau moscovite n°15, 50 véhicules sont arrivés, dans lesquelles se trouvaient au total environ 400 personnes », écrit le quotidien Vedomosti.
Une vidéo mise en ligne sur le site newsru.com (http://newsru.com/russia/04dec2011/karousel.html) montre un homme dans une voiture donner des instructions à un autre sur le déroulement de la journée. Il lui explique qu’ils devront aller dans 16 écoles au total et glisser à chaque fois un bulletin sur lequel ils auront coché la sixième case, correspondant au parti Russie Unie.
« Si on commence à nous enquiquiner (…), il faut répondre : c’est une élection ou pas ? J’ai le droit de voter pour qui je veux, j’exige qu’on appelle un policier », explique-t-il à son interlocuteur.
« La police est au courant ? », lui demande ce dernier. « Oui, elle est au courant », lui répond l’autre.
Obtenir des voix contre des espèces sonnantes et trébuchantes est encore un autre moyen. À Vladivostok, des étudiants ont dit qu’on leur avait promis 900 roubles (environ 22 euros) en échange du bon vote, relate Novaya Gazeta. Et pour s’en assurer, on leur a demandé de prendre en photo dans l’isoloir leur bulletin coché au bon endroit. Les observateurs s’en sont rendus compte en entendant de multiples bruits d’obturateurs d’appareils photos ou de téléphones portables.
D’autres méthodes, plus singulières, ont aussi été recensées.
Le chef des jeunes communistes, Iouri Afonine, a rapporté à Vedomosti que dans la région de Toula (200 km au sud de Moscou), certains membres des commissions électorales issus du parti communiste ont eu du mal à se rendre dans les bureaux de vote : de la colle avait été versée dans les serrures et sur la porte de leur appartement pour les empêcher de sortir.
Et à Moscou, la présidente d’une commission a fait croire à une alerte à la bombe pour permettre l’évacuation du bureau et par la même occasion en faire sortir une journaliste trop curieuse avec laquelle elle s’était disputée, a confié une source au sein des forces de l’ordre citée par l’agence Interfax.
Leur presse (Agence Faut Payer, 5 décembre 2011)