Pérou : suspension du projet minier Conga au cœur de violentes protestations
Le projet de mine d’or et de cuivre géante Conga, au cœur de protestations violentes dans le nord du Pérou depuis six jours, a été suspendu par le groupe minier Yanacocha, a annoncé mardi celui-ci, dans un communiqué.
À la suite des récents événements à Cajamarca (…) et à la demande du gouvernement péruvien, le groupe minier, contrôlé par le géant américain Newmont, a décidé de suspendre les activités du projet Conga, jusqu’à ce que l’entreprise et la société civile reprennent une relation de transparence et de respect.
Le communiqué a été présenté à la presse dans la soirée par le Premier ministre Solomon Lerner, qui a appelé la population de Cajamarca à revenir au calme après l’annonce de la suspension.
L’annonce de Yanacocha survient au soir de la journée la plus violente des protestations régionales en cours depuis six jours contre Conga, le plus grand investissement minier du Pérou, portant sur 4,8 milliards de dollars.
Sept civils ont été blessés par des balles en caoutchouc de la police et trois policiers par des pierres, lors de heurts entre manifestants anti-miniers et force de l’ordre, selon un bilan du préfet régional Ever Hernandez. Le président régional Gregorio Santos a fait état de 10 à 14 blessés.
La province de Cajamarca, à 850 km au nord de Lima, tournait au ralenti depuis six jours, avec de nombreux axes routiers bloqués, des manifestations, et quelques problèmes de ravitaillement notamment à Cajamarca (220’000 habitants) capitale provinciale.
Les opposants, mobilisées autour de syndicalistes, paysans, écologistes, redoutent l’impact de la future mine, opérationnelle en 2014, sur les ressources en eau, déjà rationnée depuis trois mois à Cajamarca, au sortir d’une saison particulièrement sèche.
Yanacocha, dans son communiqué, s’engage à faciliter le rétablissement du dialogue et le retour de la confiance. Il réitère qu’il déploiera ses meilleurs efforts et respectera toutes les exigences du gouvernement du président (Ollanta) Humala en vue d’une activité minière responsable.
Leur presse (Agence Faut Payer), 30 novembre 2011.
[Pour rappel :]
Projet minier au Pérou : Cajamarca vaut de l’or, ses habitants veulent de l’eau
Des Incas aux géants miniers modernes, l’or a façonné l’histoire de Cajamarca, dans les Andes du nord Pérou. Mais c’est l’eau, rationnée depuis des mois, qui est au cœur des préoccupations, de la colère contre un méga-projet minier, perçu comme une menace hydrique de trop.
« Écoutez, Monsieur, ce manque d’eau est une lutte de tous les jours ! » Piedad Rodriguez tente de déjouer les rationnements appliqués depuis août, et en principe jusqu’en fin de mois, par la Société locale des eaux, la Sedacaj.
« Il y a de l’eau une ou deux heures par jour, mais il ne sort qu’un filet d’eau du robinet, et souvent il ne sort rien », se plaint cette mère de 35 ans, qui arpente chaque matin Cajamarca avec une douzaine de récipients, pour couvrir les besoins en eau de sa famille.
À l’autre bout de la ville de 220’000 habitants, Max Mendoza, taxi, a trouvé la parade. Chaque jour, il transporte des locaux ou touristes à 6 km, aux Bains de l’Inca, une source thermale (70 degrés) qu’utilisaient déjà les empereurs incas.
« Comme ça j’en ramène de l’eau à la maison, chaude mais peu importe », explique-t-il à l’AFP. « Pas pour boire, parce qu’elle contient du soufre, mais pour les toilettes, laver les vêtements. Quoique les habits sentent un peu le soufre, après. »
L’eau manque à Cajamarca pour maintes raisons, que les acteurs locaux de se renvoient : une saison sèche trop longue qui affecte le débit des fleuves Porcon et Grande, mais aussi selon la Sedacaj, des branchements sauvages sur le réseau.
Mais la Sedacaj elle-même est critiquée pour des années d’incurie pour une infrastructure vétuste, aux canalisations calcifiées.
Un suspect met tout le monde d’accord : les mines d’or, industrie goulue en eau, dans les hautes montagnes surplombant la ville. En particulier Yanacocha, l’immense mine d’or à ciel ouvert, la plus grande d’Amérique du Sud, contrôlée par le groupe américain Newmont.
« L’entreprise est en altitude, 3000, 3500 m, où naissent les sources, et ce qui s’y passe a une répercussion immédiate sur l’eau en contrebas », assure Reinhard Seifert, ingénieur allemand basé dans la région depuis 35 ans, et conseiller d’un front d’activistes antiminiers.
Et une partie de Cajamarca est à présent dressée contre un nouveau projet d’or et de cuivre, Conga, que le consortium Yanacocha doit lancer en 2014, un investissement de 4,8 milliards de dollars. Et qui va sacrifier quatre lacs-réservoirs, pour en reconstruire quatre artificiels, plus grands.
« Pour le malheur des paysans qui y vivent, cette zone d’altitude d’où provient l’eau est aussi là où se trouve l’or, disséminée en fines particules dans la roche », explique l’ingénieur. Que ce soit dans le sol ou dans le procédé d’extraction, « l’eau et l’or sont liés, et inséparables ».
Depuis l’exploitation du site en 1993, les relations entre Yanacocha et la région, entre conflit et dépendance, ont vécu maintes confrontations, parfois violentes, notamment après une pollution au mercure en 2000. Mais Yanacocha et Conga pèsent aussi 15’000 emplois direct et indirects…
Cette fois pourtant, c’est différent. L’eau manque aux robinets de Cajamarca et le président de gauche, Ollanta Humala (arrivé au pouvoir en juillet) s’était engagé en campagne électorale à défendre les communautés contre les abus des mines.
Mais s’il a promis de préserver « l’or et l’eau », il a également dit clairement que le projet Conga, approuvé avant sa présidence, serait maintenu.
À pied, à cheval, 2000 paysans ont cheminé jeudi jusqu’à deux lacs condamnés, La Cortada et El Pérol, dans d’idylliques décors de prairie à 3800 m. Une procession aux slogans simples, loin des études d’impact contestées, des promesses d’investissement dans l’irrigation : « Sans or, on vit. Sans eau, on meurt. »
Leur presse (Agence France Presse), 25 novembre 2011.
[Et pour diverses informations complémentaires :]
Pérou : Manifestation massive contre le projet de mine à Cajamarca
Selon les informations envoyées à l’Agence Fides par Radio Marañón, aujourd’hui, 30 novembre, se prépare une mobilisation massive dans toute la région de Cajamarca. La ville de Cajamarca est isolée par une grève à outrance qui en est arrivée à son sixième jour et vise à refuser l’application du projet minier Conga (voir Fides 25/11/2011). De la sorte, l’entrée et la sortie de la capitale sont rendues impossibles. Les entreprises interprovinciales de transport ont cessé de vendre des billets et depuis hier aucun vol n’a été effectué. La route en direction de Chiclayo (chef-lieu de la région voisine) demeure bloquée tout comme les autres routes principales. Des milliers de litres de lait n’ont pu être collectés par les unités des grandes entreprises.
La province de Bambamarca et les habitants de la vallée de Jequetepeque ont adhéré au mouvement de grève. Ces manifestants se situent à Ciudad de Dios, qui relie les villes de Chiclayo, Trujillo, Piura et Cajamarca. Les gens commencent à ressentir le manque de produits, le carburant est épuisé et les prix ont fortement augmenté. Entre temps, des milliers d’habitants qui veillent dans la partie haute de la ville de Cajamarca non loin des lacs qu’ils défendent, ont fait savoir qu’ils ne désirent la présence d’aucun ministre mais seulement celle du Président Ollanta Humala.
L’Église de Cajamarca s’est prononcée en faveur des manifestants, en défense de l’eau. La communauté franciscaine a placé deux banderoles devant son église portant les inscriptions : « L’eau est vie, pas Conga » et « Défends notre sœur la Terre ». Radio Marañón est la station du Vicariat apostolique Saint François Xavier à Jaén au Pérou. Elle est gérée par la Compagnie de Jésus qui œuvre dans la zone depuis 1976. Elle compte environ 600’000 auditeurs et tous ses programmes sont réalisés dans la perspective du thème de l’évangélisation.
Leur presse (Agence Fides), 30 novembre 2011.
Sigua su luche! acabo de enterarme pero voy a informar a mis compadres a proposito de vuestre legitima huelga. estoy lejos (Francia) pero soy convencida de que la lucha tiene que ser mundial. Suerte!
Marie-Odile