[Tunisie] « Ce n’est pas ça, notre révolution ! »

À Tunis, les citoyens vigilants

Alors que l’Assemblée constituante se réunissait pour la première fois ce mardi 22 novembre, des centaines de manifestants sont venus protester pour assurer la défense de leurs droits.

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« Ce n’est pas ça, notre révolution ! » Pas de pancarte entre les mains de cette femme au voile pourpre. Au milieu de centaines de manifestants présents devant le palais beylical, à Bardo, un quartier à l’ouest de Tunis, elle proteste « pour défendre ses droits, pour que les droits de toutes les femmes soient respectés et inscrits dans la Constitution ». En ce 22 novembre, l’Assemblée constituante, élue le 23 octobre dernier, se réunit pour la première fois.

« Souad, dégage ! Dégage ! » hurle une autre manifestante, écartée par la police. Souad Abderrahim, membre de la Constituante et du mouvement Ennahda, le parti islamique qui a raflé 89 sièges sur les 217 de l’Assemblée, arrive devant les grilles vertes du palais. Un violent mouvement de foule emporte alors les manifestants. Sur les visages, la colère est visible. « Au nom de toutes les femmes célibataires, dégage ! » lance devant les caméras une femme, lunettes de soleil sur le nez et visage menaçant. Le 9 novembre dernier, cette élue avait fustigé les femmes célibataires sur la radio française diffusée en langue arabe, Radio Monte-Carlo Doulaya. « En tant que femme et musulmane, je suis là pour dire que Ennahda ne me représente pas », lance Nahed Nahi, une étudiante en biologie au visage poupon cerclé d’un voile turquoise.

À quelques mètres, une pancarte à la main dont le slogan défend l’égalité entre les hommes et les femmes et le Code du statut personnel (instauré en 1956 par Habib Bourguiba, il assure aux Tunisiennes un statut juridique enviable dans le monde arabo-musulman), Barka « veut dénoncer le double discours d’Ennahda ». « Avant l’élection, ils tenaient un discours modéré, et maintenant, ils parlent de bâtard, de califat. On n’a pas lutté toute notre vie pour ça ! » regrette cette militante au sein de la Ligue des droits de l’homme et de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD).

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« Avant le 14 janvier, tout était interdit. Après le 23 octobre, tout est défendu »

Mandat d’une année

L’Association tunisienne des femmes démocrates, mais aussi Amnesty International ou encore le Mouvement du 24 octobre, et de nombreuses associations s’étaient déplacés pour faire entendre leurs voix. « Nous sommes là pour demander un mandat d’une année à l’Assemblée constituante (contre trois proposées actuellement, ndlr), pour demander que les débats soient retransmis à la télévision, pour demander le respect des libertés fondamentales, mais aussi pour rappeler que cette assemblée a été élue pour rédiger la Constitution », récite Olfa Lajili, la présidente du Mouvement du 24 octobre qui réunit plusieurs groupes qui ont participé à la révolution.

À l’issue de cette première journée, l’Assemblée a élu, avec 145 voix pour contre 68 pour sa rivale, Maya Jribi, du PDP, Mustapha Ben Jaafar, le dirigeant du parti Ettakatol (20 sièges), comme son président, conformément à l’accord de principe signé entre les trois partis vainqueurs, à savoir Ennahda, le CPR de Moncef Marzouki et Ettakatol. Cet accord prévoit notamment que Moncef Marzourki devienne le président de la République et Hamadi Jebali, le Premier ministre. Dans un premier temps, cette assemblée devrait s’atteler à la rédaction du premier article de la Constitution qui vise à définir l’identité du pays.

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Un vote sanction

À l’écart de la manifestation, le docteur Ridha Ben Aïssa observe. Il dit avoir connu l’asile politique en France de 1999 à 2005 après avoir côtoyé Moncef Marzouki, pressenti au poste de président de la République, et Mustafa Ben Jaafar, élu dans la soirée du 22 novembre président de l’Assemblée constituante. Un costume trois-pièces, cravate nouée et documents sous le bras, il affirme que « la révolution a été confisquée par le courant islamique. J’ai vécu la révolution heure par heure et il n’y avait pas un seul islamiste dans les manifestations. Seulement des jeunes, des chômeurs, des contestataires. (…) Alors, oui, ils ont été élus, mais il s’agit d’un vote sanction. Le peuple a sanctionné l’ancien régime et les partis qui l’ont côtoyé, mais maintenant on ne va pas se laisser faire », lance-t-il tout en dénonçant le régime monocaméral prôné par le mouvement islamique.

Les cheveux grisonnants, une cigarette à la main de bon matin, Brigitte Mtimet, médecin à la retraite, ne partage pas vraiment cet avis. Venue dénoncer « cet islamisme rampant », elle admet qu’« Ennahda n’a pas confisqué la révolution. Je crois surtout que les choses sont différentes à Tunis et à l’intérieur du pays. »

« Oui, ils ont remporté beaucoup de sièges et se sont octroyé beaucoup de postes-clés au sein du prochain gouvernement, mais beaucoup de personnes qui ont voté Ennahda le regrettent. On est là pour dire qu’ils ne feront pas ce qu’ils veulent, commente Mme Akrout. On a dit dégage une fois, on le redira. »

Leur presse (Julie Schneider, LePoint.fr), 22 novembre 2011.


Tunisie : manifestation pour des libertés

Un millier de personnes, dont des militants associatifs, se sont rassemblés aujourd’hui devant le palais du Bardo, près de Tunis, pour revendiquer des garanties sur les libertés civiles, alors que l’Assemblée constituante tenait au même moment sa réunion inaugurale un mois après les premières élections libres en Tunisie.

Parmi les ONG présentes, on notait l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme (LTDH) et l’Association sur la laïcité. « On vous a à l’œil », avertissait une pancarte. « Pas touche à mes libertés », lançait une autre. « Nous sommes venues pour revendiquer l’inscription des droits de la femme et les droits universels dans la future Constitution. On ne veut pas que la société tunisienne régresse. Nous faisons cela pour nos enfants », a plaidé Amel Abdennebi, cadre dans une entreprise de télécoms.

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À son arrivée, Souad Abderrahim, une élue du mouvement islamiste Ennahdha, a été malmenée par des manifestantes, notamment de l’Association des femmes démocrates (ATFD), aux cris de « Dégage ! ». Il a fallu l’intervention des forces de l’ordre pour qu’elle atteigne l’entrée de l’enceinte parlementaire sans dégâts. Cette élue a récemment critiqué les mères célibataires en les traitant d’« infâmes ».

Nombre d’autres manifestants affichaient leur opposition au « califat », un système de gouvernance basée sur la charia (loi islamique, NDLR), évoqué récemment par le No2 d’Ennahdha, Hammadi Jebali, pressenti pour être le prochain premier ministre. « Nous voulons une nouvelle Constitution, pas une nouvelle dictature », a-t-on entendu dans la foule. Un peu plus loin, des militants d’Amnesty International brandissaient des pancartes appelant à l’abolition de la peine de mort et au respect de la liberté de la justice. Le cortège comprenait aussi des familles des victimes tombées ou blessées lors du soulèvement populaire qui a entraîné la chute du régime Ben Ali à la mi-janvier, réclamant justice pour leurs proches.

Leur presse (AP), 22 novembre 2011.


Tunisie : Sit-in des agents de la sécurité

Un sit-in a été organisé, mardi 22 novembre 2011, par les agents de la sécurité devant le tribunal de première instance à Tunis.

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Les sit-inneurs dénoncent la marginalisation et les attaques perpétrées à l’encontre des agents, explique dans une déclaration à Mosaïque Fm Adel Dridi, secrétaire général du Syndicat des forces de sécurité de la section de Tunis. Ils sont agressés verbalement et physiquement, leurs biens sont souvent saccagés et les postes de police incendiés. Personne, notamment de la société civile, ne s’occupe de ces problèmes récurrents.

« Le prestige de l’État ainsi que la réussite du processus démocratique va de pair avec le prestige des institutions de sécurité », insiste M. Dridi. Selon lui, par ce mouvement de protestation, les agents de sécurité revendiquent l’équité devant la justice ainsi que des garanties légales leur assurant la protection et leur permettant d’effectuer leurs tâches dans de meilleures conditions.

Hier (lundi 21 novembre), le Syndicat national des forces de sécurité intérieure et l’Association tunisienne « pour une police patriote » ont dénoncé, dans un communiqué publié par la TAP, « la campagne tendancieuse fomentée par certaines parties via les réseaux sociaux et les journaux électroniques » contre les cadres et les agents de la sécurité intérieure.

Ces deux organismes ont mis en garde contre cette campagne « qui a ciblé plusieurs cadres et agents de sécurité, en leur imputant de fausses accusations et allégations et en portant atteinte à leur honneur et parcours professionnel ». L’objectif de cette campagne, ajoute le communiqué, est d’induire en erreur l’opinion publique et les médias et de mettre en cause la stabilité sécuritaire que connaît le pays.

Le syndicat et l’association se déclarent conscients du plan tramé contre l’institution sécuritaire dans l’objectif de porter atteinte aux intérêts supérieurs du pays et de la placer dans la tourmente du désordre, au service d’intérêts étroits dont les instigateurs sont des parties connues et qui seront démasquées par les enquêtes en cours.

Leur presse (BusinessNews.com.tn), 22 novembre 2011.

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