Des faucheurs ni à ficher ni à acheter
ADN. L’État cherche à éviter une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme.
L’État français serait-il en mauvaise posture concernant la légalité du fichage des empreintes génétiques ? C’est ce qu’espèrent 34 militants antifichage, à qui le gouvernement vient de proposer des indemnités financières. Tous sont des faucheurs volontaires en lutte contre la prise et la conservation de leur ADN au sein du Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg), créé en 1998. Leur combat les a menés à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qu’ils ont saisie d’une requête visant à condamner la France pour violation de la Convention européenne des droits de l’homme.
Salive. En octobre, ils ont reçu une proposition — confidentielle — de règlement amiable en provenance du ministère des Affaires étrangères, afin qu’ils abandonnent leurs poursuites. Tous ont refusé et ont décidé de le faire savoir aujourd’hui. Ils ont le soutien de la Ligue des droits de l’homme (LDH), du Syndicat des avocats de France (SAF) et du Syndicat de la magistrature (SM). « Ce n’est pas une question d’argent, ce fichier est un problème de droits de l’homme. Aujourd’hui, il contient 1,7 million de personnes. C’est un fichier de population, pas un simple fichier de police », prévient le Gardois Benjamin Deceuninck, premier militant à avoir refusé de donner sa salive aux gendarmes en 2006. Lui qui a essuyé quatre procès et une condamnation à 500 euros d’amende pour ce refus, n’a pas craqué devant les 14’700 euros proposés. « L’État veut éviter une condamnation, estime son avocat, Jean-Jacques Gandini. Mais nous voulons un jugement sur le fond. Si le gouvernement est condamné, ça fera jurisprudence. » François Mandil, faucheur du Haut-Doubs, a ri quand il a reçu l’offre de l’État, 1500 euros : « Ont-ils vraiment perçu le sens de notre démarche ? Nous remettons en cause le principe même du fichage systématique. »
Enfin, les 32 faucheurs dits « de Villereau », parce qu’ils avaient fauché du maïs transgénique dans cette commune du Loiret, ont unanimement rejeté les 1500 euros proposés à chacun. « On ne va pas se faire acheter ! Le sujet dépasse notre cas individuel et renvoie au respect de la vie privée. Le Fnaeg est dangereux pour les libertés individuelles et collectives », dénonce Alain Barreau, d’Indre-et-Loire. Parmi les 32, lui et 15 autres faucheurs avaient cédé à l’injonction de donner leur salive. Mais tous ont rejoint le combat.
Ils ont bon espoir. La Cour européenne a soulevé plusieurs problèmes, sous forme de questions posées au gouvernement. Y a-t-il eu atteinte au respect de la vie privée au sens de l’article 8 de la Convention, du fait de la condamnation pour refus de fichage et l’inscription, pour certains, sur le fichier ? La pénalisation de l’insoumission au prélèvement, la durée de conservation des données (quarante ans pour les condamnés, vingt-cinq pour les simples suspects) et les garanties entourant l’utilisation du Fnaeg sont-elles compatibles avec ce même article 8 ?
Présidentielle. La LDH, le SM et le SAF en appellent aux candidats à la présidentielle. Les trois organisations demandent que ne figurent dans le Fnaeg que « des personnes effectivement condamnées », que soit « drastiquement réduit » le nombre d’infractions motivant l’inscription et que les délais de conservation soient « adaptés ». À l’État de présenter sa défense au fond. « La Cour va juger le cas de Benjamin et devrait appliquer sa décision aux autres », prévoit Me Nicolas Gallon, défenseur des « 32 de Villereau ».
Leur presse (Carole Rap, Libération), 23 novembre 2011.
Y en a marre du marquage et flicage à tout va ! Quelqu’un qui a été condamné et a fait sa peine devrait pouvoir être tranquille sans être codé et répertorié comme encore potentiel délinquant !