À quoi correspond le loyer qu’on paye quand on est locataire ? On peut répondre facilement par un calcul rapide. Une maison ou d’un immeuble a un coût de fabrication, qui correspond au prix des matériaux, aux salaires des ouvriers et au profits de leur patron. Cette dernière part est déjà de trop, puisque engraisser un patron ne sert à rien.
Dans un premier temps, le loyer rembourse effectivement ce coût de fabrication. Par exemple, un promoteur immobilier fait construire un immeuble de 20 appartements de 40m², qui lui coûte 1,2 million d’euros. Il les loue ensuite à 500 euros par mois, soit 10’000 euros par mois au total, ou 120’000 euros par an. En 10 ans, il a gagné 1,2 millions d’euros. Va-t-il cesser d’exiger des loyers pour ces appartements ? Pas du tout ! Tout ce qui est versé par les locataires une fois le bâtiment fini de payer, c’est pour sa poche. Bien sûr, en tant que propriétaire, il doit assurer l’entretien, même s’il se fait souvent prier pour faire les travaux, et payer la taxe foncière, qui vont diminuer ses profits. Mais ça ne change pas grand chose à l’affaire : les locataires continuent de payer pour un immeuble déjà amorti.
Quand vous habitez un bâtiment ancien, il a même pu avoir été payé plusieurs fois. Reprenons l’immeuble dont on vient de parler : s’il a été construit en 1970, il a déjà été payé 4 fois ! Et que dire si c’est une maison ancienne en centre-ville, qui peut avoir été bâtie du temps de Napoléon III ou de Louis XIV ! Dans bien des cas, le propriétaire n’a pas déboursé un centime, il a simplement hérité, sans lever le petit doigt, d’une maison qui existait bien avant sa naissance.
On a donc répondu à la question : le loyer correspond, pour l’essentiel, au droit de propriété, c’est-à-dire en réalité au droit accordé au propriétaire d’extorquer de l’argent pour quelque chose qui ne lui coûte rien. La partie qui correspond au travail des ouvriers et aux matériaux — eux-mêmes produits par des ouvriers, ou les travaux d’entretien, correspondent au moins à quelque chose de tangible, à un travail effectué. Mais le reste, c’est du vol pur et simple, avec l’aval de la Loi et de l’État. Et ce n’est pas un petit larcin : les banques considèrent comme « normal » de payer un tiers de son salaire pour le loyer. Ce qui veut dire que pour bien des gens, cette proportion est plus élevée.
Autrement dit, dans la société capitaliste, en France, il est considéré comme « normal » de payer un tiers de son salaire, une heure de travail sur trois, pour le droit fondamental d’avoir un logement ! Un tiers de son salaire extorqués par le proprio ! Voilà pourquoi le loyer n’est pas une chose légitime, voilà pourquoi combattre pour le droit au logement, c’est critiquer l’existence même du loyer. Revendiquer, avec les communistes, le gel des loyers, c’est faire un premier pas dans cette direction, alors que les travailleurs et les travailleuses, les chômeurs et les chômeuses, n’en peuvent plus face à la vie chère.
Nicolas Dessaux
Communisme-Ouvrier n° 13, octobre 2011.