Dernières nouvelles d’Égypte

Égypte, état des lieux

5 octobre 2011

La révolution égyptienne passe par une phase cruciale et dramatique à l’heure actuelle.

Le Suprême conseil des forces armées reproduit de plus en plus la politique poursuivie sous le règne de Moubarak : le maintien voire la prorogation de l’état d’urgence ; l’intimidation des opposants ; l’exacerbation des troubles confessionnels ; la manipulation des médias et la prise de décision arbitraire qui ne tient pas compte des revendications populaires ni de celles de l’ensemble des partis politiques. À ceci s’ajoutent de nouvelles exactions telles que : la traduction des civils devant les tribunaux militaires et leur jugement immédiat (14.000 selon les organisations de droit de l’homme depuis le 18 février) ; l’incrimination des protestations, manifestations et  des grèves qui portent atteinte à la bonne marche de la production.

Suite à la manifestation du vendredi 23 septembre baptisée le vendredi de la récupération de la révolution, qui a réuni des milliers de manifestants dans 10 gouvernorats de l’Égypte en l’absence des Frères musulmans, le SCFA a organisé une réunion avec 13 partis pour essayer de contenir la situation mais sans répondre sérieusement aux revendications de la révolution.

Le choix des partis convoqués, révèle la mauvaise foi du SCFA, une majorité de petits partis sans aucune base réelle, des partis fondés par des ex-PND au moment où une des revendications premières est d’interdire à ces anciens députés tout exercice politique pendant cinq à dix ans, en plus du parti de la justice et de la liberté des Frères musulmans, le parti El Nour (salafiste), les partis Wafd, El Gabha et les Égyptiens libres (libéraux), le nassérien, le social-démocrate et El Adl (centre gauche).

Ces partis ont signé une charte proposée par le SCFA qui ne concédait en rien sur l’essentiel, mais promettait de lever l’état d’urgence, et allongeait la période transitoire, de six mois initialement et qui va durer jusqu’à fin 2012, voire 2013, la date des élections présidentielles n’étant pas encore précisée.

L’absence de coordination entre les partis, et leur empressement pour exister au futur parlement au détriment de la révolution, a provoqué  de violentes critiques des militants de base, ce qui s’est traduit par des schismes et des défections dans plusieurs régions. Certains partis ont retiré leur signature, comme El Adl, El Gabha et le nassérien. Ce qui est surprennent c’est que tous ces partis qui ont signé indépendamment ont formé, il y a juste un mois une coalition, qui s’est rapidement transformée en forum de débat virtuel mais sans consistance réelle.

Dans deux communiqués, l’association nationale pour le changement de Baradei et le mouvement Kéfaya ont dénoncé les tergiversations du SFCA ainsi que l’attitude des  partis qui se contentent de miettes pour des raisons purement électorales et rejeté la charte en bloc et appelle à une manifestation vendredi prochain. Ils ont été suivis par la coalitions des jeunes de la révolution de janvier, le parti de Eetelaf El Chaabi, seul parti de gauche reconnu.

Simultanément cinq des six présidentiables se sont réunis pour réagir contre cette charte qu’ils ont unanimement rejeté. M. Baradei n’a pas assisté à cette  réunion, arc-bouté sur une position que ne partage personne, hélas, celle de la constitution d’abord.

Tout ceci se passe sur fond de contestations sociales, la grève des transports publics (suspendue le 4 octobre après une satisfaction partielle des revendications) et la grève dans les universités pour réclamer la démission des présidents et des doyens nommés par l’ancien régime.

Sur fond aussi du retour des troubles confessionnels : démolition d’une église par les salafistes dans un village (Marinab) au sud de l’Égypte sous prétexte de l’absence de permis, agression  contre une autre église à Sohag, toujours au sud. Des manifestations ont été organisées au Caire et Assouan réclamant la constitution d’un comité d’enquête, la traduction des saboteurs devant la justice et la démission du gouverneur d’Assouan qui laissa faire et couvre les auteurs du crime.

Concernant les élections législatives, elles sont prévues pour le 28 novembre, avec maintenant, deux tiers pour les listes proportionnelles et un tiers pour les indépendants.

 

Dernières nouvelles du Caire

10 octobre 2011 – 22h

Des manifestations ont éclaté aujourd’hui dans plusieurs gouvernorats d’Égypte notamment à Menya, Assouan et Alexandrie contre la destruction de l’église de Marinab, un village près d’Edfou et réclamant la démission du gouverneur d’Assouan qui répondit des mensonges et prit position en faveur des vandales salafistes. À Assouan, des chrétiens et des musulmans  ont organisé depuis plusieurs jours un sit in devant le gouvernorat pour protester contre le laxisme des autorités vis-à-vis des coupables et le maintien du gouverneur dans ses fonctions. Au Caire, une manifestation est partie de la banlieue de Choubrah à 15 heures vers la télévision, pour les mêmes raisons ; elle réunissait femmes et enfants, voilées et cheveux dans l’air, chrétiens et musulmans, elle a été férocement réprimée par l’armée, tirs à balles réelles, poursuite des manifestants par les tanks de l’armée, violents accrochages entre des éléments armés qui ont tiré sur l’armée, bilan : deux militaires tués et 30 blessés et de nombreux morts et blessés parmi les manifestants.

Les médias locaux imputent la responsabilité aux chrétiens qui ont tiré sur l’armée, et est en train de monter les musulmans contre les chrétiens, les salafistes jusque là totalement impunis sont en train de mettre l’huile sur le feu en prétendant que les chrétiens ont brûlé le Coran, la situation est d’une extrême gravité, et le SCFA, qui depuis les événements de l’église de Sol dans la banlieue de Hélouan  a toujours poursuivi une politique de deux poids, deux mesures en se rangeant du côté des agresseurs joue un rôle de diviseur de la nation.

L’Égypte est en danger de guerre civile, c’est le plus grave accident confessionnel qu’elle ait connu de son histoire moderne, vous êtes invités à réagir en dénonçant la persécution des chrétiens égyptiens, la manipulation des médias, et le complot de division des Égyptiens qui ressemble fort à celui qui fut fomenté par les Anglais en 1919, mais contre lequel tous les Égyptiens se sont soulevés, mais à l’époque les forces obscurantistes n’étaient pas alliées avec l’armée.

Minuit

23 morts dans les événements d’aujourd’hui, dont beaucoup ont le visage et le corps écrasés par les tanks de l’armée, plus de 200 blessés, et les nervis de l’État, ont attaqué l’hôpital El Kebti à la rue Ramsès à la chasse au chrétien (informations recueillies auprès d’un médecin proche de la famille qui a répondu à un appel de secours).

Le couvre-feu vient d’être instauré à l’est du Caire, des accrochages entre chrétiens et musulmans ont été rapportés à Zawya el hamra et Hadayek el Qobba. Selon des informations non confirmées, des salafistes se dirigent à la place Tahrir, brandissant des slogans; Islamya, Islamya.

La confrontation avec le SCFA est devenue inévitable.

 

14 octobre 2011 – 2h

Je suis parti ce soir au sit in avec des cierges et vêtements de deuil à la manif de la place Talaat Harb [Place centrale du Caire moderne, à quelques pas de Tahrir] ; j’ai cru un moment, car arrivée un peu tôt, qu’on revenait à la case départ, un petit rassemblement de quelques dizaines devant la librairie Madbouli, mais petit à petit la place s’est remplie, et c’était superbe, demain nous allons faire une marche de la mosquée de l’Azhar [Principale mosquée dans la vieille ville / université islamique] à la Cathédrale [Place Abbassiah, au nord-est, strict opposé d’el Azhar]. J’ai cru, un moment que la peur de laquelle on s’était séparée s’est de nouveau réinstallée, il n’en est rien, la lutte continue, grâce à cette formidable jeunesse.

Dans sa triste et ignoble conférence de presse, le SCFA [Conseil suprême des forces armées], a davantage attisé les troubles confessionnels, en déclarant qu’il y avait 6000 coptes armés de bonbonnes de gaz et d’armes venus attaquer 300 pauvres militaires désarmés. C’est inimaginables, et une majorité croit cette version, mais lorsque la répression s’abattra sur tout le monde et ça viendra, ils vont se réveiller ; je vis encore des moments historiques ; j’ai de la chance.

Mailings.

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