Guillaume R. est convoqué au tribunal accusé d’avoir dégradé les dorures des grilles de la préfecture. Les syndicats, CGT en tête, organisent la riposte.
Un sentiment d’injustice doublé d’une désagréable impression de répression syndicale. C’est ce qui pourrait résumer l’état d’esprit des militants syndicaux dans le département après les poursuites engagées par la préfecture contre l’un des leurs.
Guillaume R., salarié d’EDF, est convoqué devant le tribunal de grande instance à la fin du mois. Mais même si l’affaire devrait être renvoyée au mois suivant, les poursuites demeurent. Après une plainte de la préfecture de l’Aube, il devra répondre de « dégradation et détérioration des grilles de la préfecture de l’Aube, biens destinés à l’utilité ou la décoration publique et appartenance à une personne publique ». On reproche au militant cégétiste d’avoir dégradé les dorures de la grille de la préfecture et d’avoir endommagé le digicode.
Des chiffons enflammés
Des poursuites engagées des mois après les faits reprochés. Le 28 octobre dernier, comme des milliers d’Aubois, Guillaume R. se trouve dans les rues de Troyes pour manifester contre la réforme des retraites. On est alors au moment où le mouvement arrive à son apogée.
« L’intersyndicale avait son propre service d’ordre car il y avait très peu de policiers pour encadrer le cortège et garantir sa sécurité », se souvient David Morin, secrétaire départemental de la CGT. Mais le 28 octobre quand les manifestants arrivent devant la préfecture de l’autre côté des grilles, les effectifs sont en force pour garantir la sécurité des lieux. Un syndicat avait confectionné des pancartes avec les caricatures des députés aubois. Dans l’action, les pancartes sont enflammées ainsi que des rognures de textile avant d’être jetées de l’autre côté des grilles. Les responsables syndicaux ont vu un policier muni d’un extincteur éteindre les flammèches. « Il n’y a pas eu d’interpellation ce jour-là », note David Morin, « j’ai vu des centaines de manifestants lancer des rognures de textile. Mais je n’ai pas vu Guillaume. »
En revanche, quelques semaines plus tard, l’union départementale CGT est convoquée au commissariat pour une déposition. Elle se contente de reconnaître qu’elle est à l’origine de cette manifestation.
« Le rassemblement de masse, pas le rassemblement de casse »
Mais l’enquête suit son cours, des photos des manifestants circulent et Guillaume R. est à son tour convoqué au commissariat, entendu, puis poursuivi par la préfecture. Le sang de David Morin ne fait qu’un tour, « je ne comprends pas pourquoi les organisations syndicales ne sont pas poursuivies. Il y a une volonté délibérée de trouver un coupable à tout prix plutôt que d’aller sur le terrain des organisations syndicales. »
Des faits qui inquiètent aussi Manuel Figuereido, responsable du syndicat Mine-énergie de la CGT auquel appartient Guillaume R., « le gouvernement en place essaie de mater et de faire des exemples. C’est la porte ouverte au bâillonnement des salariés. Condamner Guillaume, c’est condamner tous les manifestants. On ne casse rien, on ne tue personne ! Notre objectif c’était le rassemblement de masse, pas le rassemblement de casse ! »
Dès la convocation au tribunal reçue, la mobilisation s’est organisée autour du militant CGT. Une pétition circule pour réclamer « l’abandon de toute procédure judiciaire » orchestrée par le syndicat Mine énergie, relayée ensuite par l’union départementale CGT, elle a été reprise par les organisations syndicales du département. Le comité régional de la CGT s’est également emparé du dossier et promet une action « visible ».
« On ne laissera pas faire et on tiendra sur tous les fronts », annoncent en chœur les deux responsables. « Guillaume ne se considère pas comme un délinquant. Il a usé de son droit de s’exprimer dans la rue et de dire non à une proposition ».
Leur presse (Catherine Hounau, L’Est-Éclair.fr), 3 août 2011.