La première manifestation afghane « contre le harcèlement dans la rue » a eu lieu le 14 juillet dernier à Kaboul. À l’initiative de deux associations, une trentaine de femmes, mais aussi quelques hommes, ont parcouru les rues de la capitale pour protester contre la situation des femmes en Afghanistan.
« Cette rue m’appartient aussi. » C’est ce qu’on peut lire sur une des pancartes, raconte la journaliste de Reuters qui a suivi le petit cortège, le 14 juillet, parmi les « rues poussiéreuses de la capitale ». Cette affirmation est loin d’être une évidence dans ce pays qui reste « profondément conservateur » malgré quelques progrès des droits des femmes observés depuis la chute des Talibans en 2001. « La place des femmes est soit dans la maison de leurs maris, soit dans leurs tombes » : Noorjahan Akbar est la fondatrice du mouvement Young Women for Change (YWC), à l’initiative de la manifestation. Dans un texte publié sur le site d’Al-Jazeera elle témoigne de la colère de sa mère, professeure, qui se fait harceler par des hommes de tout âge en rentrant du travail : « c’est comme s’ils pensaient que toute femme travaillant à l’extérieur est forcément une prostituée ».
Sur les vingt femmes interrogées par l’association, 19 ont affirmé avoir été harcelées dans la rue, dont 14 ont été « tripotées, pincées et giflées ». Lorsque cela arrive, la justification est très souvent la suivante : les femmes n’étaient pas habillées décemment. Autrement dit, la victime est responsable.
Ce phénomène n’est pas reconnu comme un problème par le gouvernement afghan. Au contraire, « il encourage ces pratiques implicitement ». Une régulation du mariage va ainsi voir le jour, dictant un code de conduite vestimentaire pour les femmes. Pour Noorjahan Akbar « ces politiques soutiennent la vision du monde des Talibans ». Elle considère le harcèlement comme un moyen de tenir les femmes éloignées de toute participation à la vie publique en les décourageant par la peur de l’agression et, immanquablement, l’usure morale. Dans une interview cette jeune femme de 19 ans affirme que le but de son association est « de combattre la croyance qui veut que la femme n’appartient pas au monde extérieur ». Croyance que l’on retrouve dans ce proverbe afghan : « La place des femmes est soit dans la maison de leurs maris, soit dans leurs tombes ».
Retrait occidental et négociations, des menaces pour le droit des femmes : Le climat actuel inquiète nombre d’associations de défense des femmes en Afghanistan, assure un article de l’IWPR (Institute for war and peace reporting) traduit dans Courrier International. Les négociations actuellement en cours avec les Talibans risqueraient en effet de mettre en cause les droits acquis depuis leur chute, en 2001. Les membres du Haut Conseil se veulent rassurant en affirmant qu’il y aura des « conditions préalables » à un accord. On peut se demander quelles seront ces conditions lorsque, selon l’article, « le porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahed, s’est déclaré hostile à l’idée que les droits des femmes soient reconnus par une loi civile ». Pour Noorjahan Akbar, négocier avec les Talibans n’est pas envisageable : « le gouvernement nous demande de pardonner les Talibans. (…) Comment pourrais-je les pardonner d’humilier les femmes ? » Ce qu’il faut, c’est « transmettre le pouvoir aux progressistes, femmes comprises ». Elle se positionne donc en faveur de la présence des États-Unis, à condition qu’ils se donnent cette mission. L’association franco-afghane Negar estime également que le retrait des troupes occidentales est un « abandon concerté au profit du Pakistan et de ses milices talibans ». Seulement, la situation des femmes n’est plus un enjeu pour les forces alliées. Un responsable américain avouait ainsi au Washington Post en mars dernier que « les problèmes de genre vont devoir s’effacer face à d’autres priorités ». Autant dire que les appels au soutien occidental risquent de rester lettre morte.