« C’est la plus vieille spécialisation sociale, la spécialisation du pouvoir, qui est à la racine du Spectacle. Le spectacle est ainsi une activité spécialisé qui parle pour l’ensemble des autres. c’est la représntation diplomatique de la société hiérarchique devant elle-même, ou toute autre parole est bannie. Le plus moderne y est aussi le plus archaïque. »
« Se relever. Relever la tête. Par choix ou par nécessité. Peu importe, vraiment, désormais. Se regarder dans les yeux et se dire qu’on recommence. Que tout le monde le sache, au plus vite. On recommence. Finis la résistance passive, l’exil intérieur, le conflit par soustraction, la survie. On recommence. En vingt ans, on a eu le temps de voir. On a compris. La démokratie pour tous, la lutte “anti-terroriste”, les massacres d’État, la restructuration capitaliste et son Grand Œuvre d’épuration sociale, par sélection, par précarisation, par normalisation, par “modernisation”. On a vu, on a compris. Les méthodes et les buts. Le destin qu’ON nous réserve. Celui qu’ON nous refuse. L’état d’exception. Les lois qui mettent la police, l’administration, la magistrature au-dessus des lois. La judiciarisation, la psychiatrie, la médicalisation de tout ce qui sort du cadre. De tout ce qui fuit. On a vu. On a compris. Les méthodes et les buts. Quand le pouvoir établit en temps réel sa propre légitimité, quand sa violence devient préventive et que son droit est un “droit d’ingérence”, alors il ne sert plus à rien d’avoir raison. D’avoir raison contre lui. Il faut être plus fort, ou plus rusé. C’est pour ça aussi qu’on recommence. »
Avant, il y avait cette logique : s’organiser ou s’indigner. Désormais : s’organiser pour s’indigner. Nous disons : qui s’indigne attend encore de ce monde, pourtant déjà un souvenir ruiné. Qui fait attention à son image est déjà dans la force-de-travail. Esclave. Détruire le vieux monde en nous est le geste le moins spontané qui puisse être. Les intensités sont des vérités. Le monde n’est guère favorable aux vérités nouvelles. L’être isolé est le centre de ce monde en même temps que ses bordures, facilement déchirables. une foule d’êtres isolés également.
Il n’y a pas de communisme sans abandon, d’abandon sans destruction et de destruction sans son possible matériel. Pas de communisme possible dans ces structures gestionnaires de l’acampada barcelonnaise. Certains disent : nous n’avons plus de Chef, plus d’Autorité sans voir comment ils font autorité avec le consensus et la paix. On se bat pour des idées, les mêmes que la Police. Toujours les mêmes entourloupes : l’AG pense qu’elle est souveraine du mouvement, garante des principes, affaires de bureaucrates. Est souverain celui qui organise le pouvoir, agence les temporalités, produit du mouvement. Non celui qui vote et s’égosille. Cette chimère volatile n’a d’autre pouvoir que celui d’approuver les questions techniques. Les questions techniques sont la mort du politique. La révolution a toujours été affaire de guerre, ceux qui le nient ont des cadavres dans la bouche et sont sans mémoires, autant dire, sans conscience historique. Pour destituer nos vies du capital, il faut se destituer de nos images et du langage commun des choses.
Reprendre de là où nous ne sommes jamais partis avant : de Rien. Ceux qui coïncident avec leur époque et ses vérités sont ceux qui coïncident avec son bonheur. La première des guerres contre notre époque est la guerre diffuse contre sa forme de bonheur. Ceux qui veulent détruire un ordre ont inévitalement comme Ennemi les forces de l’Ordre. Encore faut-il assumer un certain désordre. En temps de trouble comme en temps de crise, tout appel à l’unité, à se serrer les coudes est un appel à la soumission passive. Ceux qui recherchent l’unité sont ceux du parti de l’Ordre. Tous ceux qui prétendent n’avoir que des positions stratégiques reproduisent le langage de l’État et du Prince. Ils repoussent le moment de la décision. Tous ceux qui normalement devraient se positionner contre le cirque mais ici le garantissent sont prisonniers de l’Infrastructure. On ne peut subvertir idéologiquement. Croire qu’on peut changer le langage, les gestes, les dispositions en gardant l’infrastructure est un mensonge. L’idéologie est un mensonge.
Où sont les armes de la critique ? la critique sans armes est un vote, une simple et triste opinion. La puissance n’est pas simple affaire de nombre sauf si l’on postule que tout a une valeur, c’est-à-dire est quantifiable et échangeable. L’unité sur une idée est une chose, sur une pratique un geste. Aucune autre forme de police est possible. Ceux qui ont pour amie la police ont pour amie la marchandise. L’Information existe grâce au spectacle. Ceux qui pensent que « les gens » ne sont pas assez informés de ce qui se passe ou qui se soucient de « l’image du mouvement » disent ceci : « le monde ne fait pas assez bien son travail ». C’est l’avant-garde de demain. La véritable question est le désir : où sont nos désirs ? Le pacifisme pacifie. Une technique policière pour contenir les désirs d’insurrection, d’en finir effectivement.
Se dire non-violent est accepter ceci : « on nous a désarmé, désamorcé jusqu’à la paralysie la plus totale ». Cela convient bien au monde. Se poser la question de « la violence » revient à penser comme un État. Il n’y a de violence uniforme que pour celui qui s’en arroge le monopole. La question de « la violence » est alors la question de la pacification : comment gérer « la violence » c’est-à-dire tout ce qui vient, de toutes parts et de tous camps, démobiliser et déborder le monopole étatique de la violence. Se pose ce paradigme : celui qui s’affirme non violent s’affirme pacifié, impuissant. Il accepte l’opération étatique : « la violence est tout ce qui vient déborder mes positions ». Il y a la violence fondatrice et la violence conservatrice. Brûler un commissariat n’est pas le même geste que le construire. Il y a ceux qui gardent un ordre et ceux qui veulent le détruire. Vient la violence fondatrice révolutionnaire : celle qui ne peut être récupérée et ne peut fonder aucun autre ordre. C’est la puissance. La question des armes, du point de non-retour dans le conflit. Ce point sans retour d’où le mirage de la violence comme problème se dissout en même temps que de chaque côté de la barricade on acte de cette situation : il s’agit d’une guerre qu’il faut gagner. Se dire non-violent c’est vouloir proposer une société sans-violence. Le nombre de techniques policières pour éradiquer et s’approprier tout cela devra être faramineux. Le nombre d’heures de yoga aussi.
La meilleure des polices ne porte pas l’uniforme.
La démocratie est une manièrte de gouverner. Tout type de gouvernement est mauvais. Le paradigme post-moderne : une administration et sa population, comme à la place : la commission et le Pueblo.
Où avez-vous mis votre rage ? Êtes-vous si policés pour qu’au nom du pacifisme, la rage de toute une vie d’esclave soit évacuée ? Tant que l’on désire la marchandise, on est contre-révolutionnaire. Dans ton combat contre le monde seconde le monde. Voici le pouvoir du spectacle : « Des léopards s’introduisent dans le temple et s’abreuvent aux jarres d’offrandes qu’ils vident. Le phénomène ne cesse de se répéter : il finit par être intégré à la cérémonie. » Tout raser pour ne pas être récupéré. Vouloir garder un pan de ce monde est déjà vouloir le sauver. Le Capitalisme est l’économie de ses fuites. Refuser le point de vue gestionnaire n’est pas affaire de méthode mais bien de position politique. La gestion et sa métaphysique du pragmatisme froid et stratégique sont ennemis de tout processus d’abandon et de conflit. Il existe une différence, subtile au possible, entre être pacifiste par choix d’armes et désirer la paix avec les flics. C’est une différence de camp. Lorsque l’unique manière de se rendre lisible au monde et d’agréger les désirs est la revendication, la séduction, il y a comme une défaite programmée. Une puissance est ce qui arrache les hommes et femmes à la société ordinaire par des évènements. Le combat contre le mal finit toujours au lit lorsqu’on prête attention à sa force de séduction. Le monde n’est pas cool et twitter n’est pas le monde. Désormais la politique classique est s’informer. Être transparent signifie que l’on n’a rien à se reprocher, soit du fait que l’ON FAIT LE BIEN, soit que l’on est du néant passif, pour le reste, une caméra, un flic, un vigile, un appareil photo, un portique, un citoyen, tout cela est fatalement hostile. Pour être transparent il faut accepter d’être transpersé, c’est-à-dire perdre.
Vendredi 10 juin 2011.