En se baladant à Grenoble au cours du week end, on peut constater que les devantures de plusieurs agences d’intérim ont été copieusement recouvertes d’affiches contre le travail. Plus particulièrement l’agence Crit située pres du lycée Mounier, l’agence Randstad dans le quartier de la Capuche (boîtes d’intérim qui se font notoirement du blé sur le dos des sans-papier-es), l’agence du Trident dans le quartier saintBruno, l’agence Synergie cours Berriat et le Pôle emploi près d’Alsace-Lorraine. Celui-ci avait déjà été recouvert de tags disant « Je ne veux pas d’un monde où la garantie de ne pas mourir de faim s’échange avec le risque de mourir d’ennui », « Plutôt chômeuse que contrôleuse », « Mort au travail », « Bim bam boum ».
Ci-dessous une partie du texte présent sur les affiches :
Travaille, consomme, crève ! Trois mots qui résument à merveille le mal de notre société, mal que l’on nous appelle à glorifier. L’idéologie du travail a la dent longue, et nous appelle à « manager » notre vie selon la misère salariale vécue au quotidien. Vivre, avec pour espérance première de pouvoir rogner quelques os à la fin du mois, est devenu CAPITAL ! Au petit matin, lorsque le réveil vient nous arracher à nos rêves, l’argent est devenu la seule carotte pour justifier de s’envoler vers une nouvelles journée d’humiliation. Il faudrait se rendre productif pour le monde des affaires, et continuer à gérer notre petite vie selon la besogne qui nous a été attribuée. Elle nous permettra de nous sociabiliser, d’obtenir un prêt pour notre habitat, d’occuper nos journées, de tenir des discussions en famille. Choses qu’il paraîtrait impossible de réaliser sans un boulot. Et peu importe qu’il soit abrutissant, humiliant, répétitif, inutile, injuste… tant que ça paye, c’est le principal. Travailler pour travailler, sans plus pouvoir percevoir le sens de son labeur, est devenu monnaie courante. La valeur travail opresse les travailleurs / travailleuses et celles et ceux qui ne travaillent pas, tant elle est devenue la norme à atteindre pour être reconnu-e au sein de la collectivité. En seront banni-es celles et ceux qui ne contribuent pas, les « profiteurs / profiteuses ». Et ce, même si le jeu est tronqué d’avance pour celles et ceux qui ont pioché les mauvaises cartes (raciales, sexuelles et autres…) leur fermant les portes du monde merveilleux de l’emploi. Il serait stupide de glorifier une époque passée où le travail aurait été soit-disant plus plaisant. Mais force est de constater que les raisons qui nous poussent à nous mettre en activité ont perdu de leur intérêt dans cette société post-industrielle. L’individu-e n’a même plus le mérite de pouvoir se réaliser dans ses œuvres, on lui demande simplement d’être rentable. Travailler plus pour consommer plus, consommer plus et donc travailler plus. Difficile de sortir du cercle. L’insoutenable est devenu tolérable à grand renfort de marchandises en abondance. On se ruine la vie à travailler plus car il faut se ruiner à consommer biens, loisirs, culture, vacances, bagnoles, objets multimédias et relations en tout genre. Et si par malheur nous ne nous conformons pas à l’univers salarial, le péril de la vie dans la rue nous menace. Ou encore le péril de la prison pour celles et ceux qui auraient l’audace de défier le monde marchand. Se crever au travail est encore le lot du plus grand nombre. Bien que les boulots les plus éreintants et les plus dégradants soient plus souvent confiés aux travailleurs et travailleuses étrangèr-es, avec ou sans papiers, ici ou ailleurs, nombreux sont celles et ceux qui s’atellent encore aux tâches les plus abjectes. Le progrès devait nous apporter du temps libre, il n’aura permis que l’extension de nouveaux marchés en repoussant toujours un peu plus loin les limites entre celles et ceux qui vivent dans l’aisance et celles et ceux qui ont les mains dans la merde. Et quand le travail ne tue pas de maux et de sueur, il tue d’ennui celles et ceux qui font semblant d’entrer dans le moule en attendant que la cloche sonne. Car au-delà de la souffrance physique, c’est l’être moral qui est le plus atteint. Celui que l’on dépossède chaque jour de ses rêves, de ses envies et de ses choix et qui mourra sans avoir goûté les saveurs de la vie et de l’épanouissement.
Pour toutes ses raisons, nous serons toujours contre le travail imposé par les dominant-es, le travail abrutissant, le travail des exclus, le travail aliénant, le travail de destruction de soi et des autres, le travail productiviste, le travail hiérarchisé… et nous ne cesserons de lutter pour une activité non marchande, épanouissante, utile au « bien commun » et non profitable aux quelques un-es qui tentent de se satisfaire au mépris de ce même « bien commun ».
Indymedia Grenoble, 31 mai 2011.