Malgré la répression sanglante et ses centaines de morts, les protestations continuent en Syrie contre le régime d’Al-Assad. Après avoir mis en fuite les Ben Ali et Moubarak, le mouvement commencé en Tunisie, a touché presque tous les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, avec des manifestations de masse au Yémen ou en Irak, des grèves ouvrières massives en Iran et en Algérie, où partout, la population et en particulier la classe ouvrière affirme qu’elle veut en finir avec des décennies d’oppression, de répression, et aussi de chômage et de misère. Partout, le mot d’ordre mis en avant, comme hier en Égypte, tient en deux mots « Pain et Liberté ». Rien de spécifiquement arabe ou oriental dans cette revendication, bien au contraire, ce sont deux mots qui traduisent l’aspiration universelle des travailleuses et travailleurs, des opprimés, des damnés de la terre et autres forçats de la faim.
Depuis le 15 mai, prenant exemple sur l’Égypte, considérant la Puerta del Sol au centre de Madrid comme la place Tahir du Caire, c’est la population et en particulier la jeunesse condamnée au chômage et aux petits boulots précaires d’Espagne, qui, par dizaines et dizaines de milliers, descend dans les rues. Ces protestations massives s’en prennent à la fois au PSOE (Parti Socialiste) et au PP (équivalent espagnol de l’UMP) qui se partagent le pouvoir au fil des élections tout en maintenant la même politique, une politique au service exclusif de la bourgeoisie et de guerre sociale contre le monde du travail. Les manifestantes et manifestants de Madrid, Barcelone, Valence et de toute l’Espagne, dénoncent par leurs slogans le chômage de masse, les politiques d’austérité, et plus largement l’absence de perspective d’une vie décente dans le cadre de l’ordre capitaliste actuel. De façon claire, il est affirmé dans les rues d’Espagne, que la population en a assez de payer pour la crise des riches et des bourgeois.
C’est au nom du processus électoral que le gouvernement espagnol avait voulu interdire les manifestations pendant le week-end des 21 et 22 mai, avant de décider de les tolérer, ne pouvant de toute façon empêcher que s’exprime la colère de dizaines et de dizaines de milliers de jeunes, de chômeurs et de travailleurs.
Les journalistes tentent de décrire ce mouvement comme « spécifiquement espagnol », tout comme ils décrivaient les soulèvements de Tunisie ou d’Égypte comme « spécifiquement arabes », mais les yeux de l’humanité qui se tournent aujourd’hui vers Madrid, comme hier vers Tunis ou le Caire, n’y voient pas seulement un mouvement sympathique de l’autre côté des Pyrénées, ils y voient leur propre mouvement et leur propre colère. Il y a peu, c’était en France que nous protestions par millions dans les grèves et dans la rue contre les mêmes politiques d’austérité que celles que subissent nos sœurs et frères d’Espagne. Par dizaines de milliers, des protestations et manifestations identiques ont récemment eu lieu en Grèce, en Grande-Bretagne, en République Tchèque ou même aux États-Unis. Partout, que ce soit au Nord ou au Sud de la Méditerranée, à l’Est ou à l’Ouest de l’Atlantique, c’est la même humanité, majoritaire, n’ayant pas d’autres moyens pour vivre que de vendre sa force de travail, qui souffre, à qui ont fait payer le prix de la crise du capitalisme, que l’on méprise et réprime, pour le profit d’une infime minorité de bourgeois.
Ici même, en France, cette souffrance est visible quand deux salariés se suicident chaque jour sur leur lieu de travail, allant, comme les jeunes chômeurs du Maghreb, jusqu’à s’immoler par le feu, comme ce travailleur de France Télecom fin avril ou cet agent de GDF Suez à la mi-mai dans la région de Lyon. Et c’est bien le même mépris que l’on peut entendre dans la bouche des riches et des politiciens, lorsqu’ils appellent « cancer social » des millions de chômeuses et de chômeurs, menacent de faire travailler gratuitement celles et ceux qui n’ont que le RSA pour vivre, feignant d’oublier que s’il y a des millions de chômeurs, c’est à cause des licenciements et des suppressions d’emplois massifs, feignant d’oublier aussi que s’il y a une classe d’assistés en France aujourd’hui, c’est bien le patronat, qui reçoit des millions et des millions d’euros de subventions, y compris pour de grandes entreprises qui licencient tout en affichant des taux de profits toujours plus scandaleux. Mépris de classe aussi, auquel s’ajoute le machisme le plus répugnant, lorsque l’on entend ces déclarations de politiciens et de journalistes après qu’une employée d’hôtel ait osé dénoncer un grand bourgeois, patron du FMI, pour tentative de viol. Du « il n’y a pas mort d’homme » de Jack Lang, sonnant comme une insulte pour toutes ces femmes qui ont été meurtries au plus profond d’elles-mêmes après une agression, au scandaleux « simple troussage de domestique » de Jean-François Kahn, qui apparaît comme un feu vert pour tous ces patrons qui croient que le droit de cuissage est inscrit dans le code du travail, on voit combien, malgré des décennies de luttes féministes, le combat pour l’égalité reste d’actualité ! Mépris aussi, rempli du plus puant racisme, pour la vie humaine, lorsque l’on laisse des dizaines de réfugiés du Maghreb se noyer dans les eaux de la Méditerranée, lorsque se multiplient les lois racistes contre les travailleuses et travailleurs immigré(e)s et les déclarations les plus xénophobes possibles des Besson et autres Guéant à l’encontre d’êtres humains sous le seul prétexte qu’ils n’auraient pas la bonne carte d’identité, couleur de peau ou supposée religion.
Où que ce soit dans le monde, l’ordre social actuel, le système capitaliste, montre chaque jour à quel point il est insupportable, à quel point cette société rend la vie invivable pour des milliards d’êtres humains.
Sur la Puerta del Sol à Madrid, une banderole s’adressant à toutes celles et à tous ceux qui souffrent de l’ordre capitaliste, proclame « De Tahir à Madrid, au monde : world revolution ! » Elle reprend finalement ce qui était déjà la conclusion du Manifeste Communiste, « Prolétaires de tous les pays, unissons-nous ! »
Pour le pain et la liberté, pour en finir avec la misère et l’oppression, oui, partout dans le monde, que vive la révolution !
Initiative Communiste-Ouvrière, 22 mai 2011.