[Paris 20e] Le Jargon libre : la librairie qui célèbre la lutte

 

Le Jargon libre a atterri dans le 20e arrondissement. C’est au 32, rue Henri Chevreau que Helyette Bess, ex-membre d’Action directe, a décidé de déménager sa librairie associative. Inaugurée samedi, elle accueille le public depuis le lundi 10 octobre 2011.

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Excédée de voir les collégiens de la rue se regarder dans le miroir, Helyette Bess a posé une affiche, un tout autre reflet

Cette librairie, c’est en fait sa bibliothèque, on n’y trouve que des livres qu’elle a elle-même lus et pour la plupart achetés. C’est une ode à la lutte, la transmission d’un savoir pour que perdurent les idées anarchistes : « Je voulais que ça passe à travers le temps, dit-elle, l’objectif, c’est de faire passer ce style de culture à travers le temps, que les gens sachent ce qu’il s’est passé avant parce qu’on n’est pas seuls sur terre. »

« J’ai des livres mais aussi des thèses, des brochures, des archives. Je vais essayer de les rassembler pour en faire des dossiers thématiques. » La première étape pour cette dame de 80 ans sera de réparer certaines des œuvres attaquées par le temps et l’humidité.

Cependant, pas question de devenir un lieu où cette culture serait trop simple d’accès, ce n’est pas Internet : « Sur Internet il faut savoir ce que l’on veut, ici on peut trouver quelque chose. C’est important de ne pas avoir les choses triées, de ne pas savoir ce qui est dans un livre avant de le lire. Il faut savoir à quoi on a envie de passer son temps, le temps qu’on économise, on ne s’en sert pas bien. »

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Assise à son bureau, Helyette Bess accueille d'un « bonjour » les personnes entrant dans sa boutique mais leur laisse la liberté d'engager ou non la conversation

Libres livres

Pour les « clients », il faudra consulter les œuvres sur place, la librairie dépend de l’association Jargon libre et elle n’est pas autorisée à vendre. De toutes façons, explique Helyette Bess, bien des livres d’ici ne sont plus édités. Pour l’instant, chacun est libre de parler ou non, de lire ou de feuilleter ces œuvres qui évoquent en grande majorité la lutte et la résistance. Et puis plus tard, peut-être une photocopieuse : « Quand on sera riches. » Avis aux généreux.

Parisienne depuis presque toujours et dans le 20e arrondissement depuis plusieurs années, Helyette Bess a découvert l’existence de ce local sur la vitrine d’une agence immobilière devant chez elle. « J’ai vu l’affiche, c’était à 1000 euros, je suis allé dans l’agence et j’ai dit que c’était trop cher, la fille de l’agence m’a dit qu’elle était d’accord. »

Le loyer lui coûte 850 euros par mois, l’idéal serait de parvenir à rassembler 85 personnes dans son association dont l’adhésion est à 10 euros par mois. En attendant, entre concerts de soutien, emprunts et coups de mains, elle entend avoir fini de rembourser ses divers frais au mois de juin prochain.

Avide de savoir, elle a cherché à se renseigner sur Henri Chevreau, l’homme qui a donné son nom à sa rue : « On est dans le 20e, donc je me suis dit que c’était peut-être un communiste ou un communard. Je n’ai pas trouvé beaucoup d’informations mais c’était probablement un salopard, il était préfet sous la commune de Paris. »

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Féminisme, ouvrages sur la guerre, la commune de Paris… Les luttes se rassemblent sur les étagères du Jargon libre

L’anarchie en trois questions

Le75020.fr : N’y a-t-il pas une grande proximité entre anarchistes et communistes ?

Helyette Bess : Ce sont les mêmes luttes, mais s’il y avait un gouvernement communiste, on serait dans l’opposition et ils nous taperaient dessus, mais on n’en est pas là. Nous, on ne veut pas prendre le pouvoir, on veut qu’il disparaisse. Ceux qui prennent le pouvoir en abusent toujours, même dans les plus petits groupes.

Un régime sans leader n’implique-t-il pas nécessairement qu’un leader « naturel » émerge ?

Je me souviens des grandes manifestations contre le chômage dans les années 90, nous étions réunis dans un grand amphithéâtre de Jussieu et il n’y avait aucun chef, aucun président de séance. Chacun prenait la parole quand il avait quelque chose à dire sans jamais que ça devienne le bazard. Ce n’est qu’un exemple, mais ça prouve que c’est possible.

Qui sont aujourd’hui ceux qui mènent les luttes que vous avez mené hier ? Le groupe de Tarnac ?

Je me reconnais dans les Autonomes. Le groupe de Tarnac, ils cherchent une issue, il espèrent créer un modèle qui fera tache d’huile. Je n’y crois pas parce que je pense que la révolution est la seule solution. Même si les mentalités changent, il faudra une secousse parce que ceux qui sont au pouvoir ne le lâcheront pas.

Le Jargon libre est ouvert du lundi au samedi de 14h à 20h.
Il est situé au 32, rue Henri Chevreau et l’accès aux livres est, bien sûr, libre.

Lucas Malterre – Le 75020.fr, 11 octobre 2011.

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