[Révolution ukrainienne] Aperçu de la situation en Ukraine, par deux camarades ukrainiens

Paroles d’anarchistes ukrainiens

Le 7 mars 2015 à Paris, le public était convié à la librairie-local syndical « L’Émancipation » pour y rencontrer deux acteurs et témoins clés du mouvement social, dit « Euromaidan », qui a ébranlé le monde en libérant l’Ukraine des valets de Moscou qui la rackettaient au nom de la loi, mouvement de la société civile auto-organisée, indépendamment de tout parti politique ou leader charismatique, dans un but de défense des droits humains et des droits civiques : précisément ce que prônaient et faisaient déjà, depuis des années, de trop rares individus, parmi lesquels Maxime Boutkévitch, à Kiev, et Constantin Réoutsky à Louhansk.

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« Libérez Kolchenko et tous les prisonniers politiques de Crimée ». Place Maïdan à Kiev, juin 2014. Photo/Barbara Serré-Becherini

Chacun conviendra que la parole de tels hommes de principe et de terrain, vaut infiniment mieux que celle de cent journalistes de passage, de mille politiciens ou de cent mille Bernard-Henri-Lévys ; et qu’elle mérite donc d’être entendue au-delà du cercle restreint d’ultra-minoritaires déjà relativement bien informés qui formait ce jour-là l’essentiel de l’auditoire. L’intégralité de la rencontre ayant duré cinq heures (dont une partie a été filmée et peut être consultée en ligne), le montage son ici publié en trois parties/fichiers par Radio.Graphie se propose d’en rendre l’écoute plus aisée et confortable, en une heure vingt environ, dans la traduction française faite à l’attention des non-russophones par deux interprètes bénévoles, Igor et Anna. La prise de son et le montage sont l’ouvrage de Barbara.

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Maxime Boutkévitch, militant anarchiste, antifasciste et antiraciste de Kiev. À Paris le 7 mars 2015. Photo/Barbara Serré-Becherini

Dans la première partie, Maxime Boutkévitch, militant anarchiste, antifasciste et antiraciste de Kiev, cofondateur en 2006 de l’association « No Borders Project » de soutien et d’assistance aux migrants, évoque ce qu’a été pour lui le Maïdan, et développe comment il a été amené à mettre son expérience et ses connaissances au service de la grande masse de « déplacés internes » ayant fui la Crimée et le Donbass, dans le cadre d’un Comité d’assistance aux déplacés internes qui, prenant acte de la faillite de l’État ukrainien, s’est trouvé prendre en charge le plus gros de l’aide d’urgence indispensable aux plus démunis de ces réfugiés, et directement confronté à d’autres questions sociales brûlantes. Maxime Boutkévitch présente aussi rapidement l’activité du Comité de solidarité avec les otages de Crimée (qui soutient notamment la cause d’Alexandre Kolchenko, ce jeune activiste de sensibilité libertaire et écolo, illégalement incarcéré à Moscou depuis mai 2014, inculpé sans rire d’avoir pris part au complot terroriste nazi du Praviy Sektor caché dans les manifestations pacifiques de protestation contre le coup d’État militaire « antifasciste » des amis du gang des Loups de la Nuit), la poursuite du travail de documentation des abus et crimes policiers de l’ancien régime, enfin le cas méconnu de ces Russes qui, en nombre croissant, se réfugient en Ukraine.

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Constantin Réoutsky, médiactiviste de l’association « Vostok-SOS » de Louhansk. Paris 7 mars 2015. Photo/ Barbara Serré-Becherini

Dans la deuxième partie, Constantin Réoutsky, médiactiviste de l’association « Vostok-SOS » initialement créée pour venir en aide aux enfants des rues de Louhansk, et dont l’activité s’est élargie à la défense plus générale des droits humains, raconte comment il a contribué à l’« Euromaidan » de Louhansk – réputé n’avoir pas pu exister –, comment les pseudo-« séparatistes », en réalité les hommes de main de l’« oligarque » local Efremov, ont surgi pour que rien ne change dans ce bastion de la puissante Mafia connue sous le nom de « Parti des Régions », et comment les négociations menées dans l’espoir d’éviter une escalade de la violence ont été sabotées par l’intervention directe de l’État russe, qui envoya ses chiens de guerre en « touristes » missionnés pour réceptionner les premières livraisons d’armes et lever ces milices présentées comme « antifascistes » qui régnèrent par la terreur et le chaos jusqu’à ce que, mises en déroute par la contre-attaque des bataillons de volontaires ukrainiens, elles furent réduites au rôle de supplétifs des divisions blindées de l’armée russe accourues à la rescousse. La description de la vie des habitants de cette région en proie à une guerre qui ne dit pas son nom sert ici d’ouverture à la communication de Constantin Réoutsky.

Dans la troisième partie, Maxime Boutkévitch et Constantin Réoutsky répondent avec précision à diverses questions qu’ont posées diverses personnes dans le public, d’ordre principalement sémantique et politique. Ils signalent plusieurs sources d’information ukrainiennes dignes de foi, et concluent en appelant de leurs vœux le réveil de la société russe, seul espoir d’enrayer la machine de guerre contre-révolutionnaire et le bourrage de crânes totalitaire.

Merci à toutes celles et tous ceux qui ont rendu possible cette rencontre. Ce n’est pas si fréquent d’entendre s’exprimer publiquement à Paris des combattants de la dignité et de la vérité.

F.W. – Radio.Graphie, 1er mai 2015

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Doux sabotage (récit-recette)

DOUX SABOTAGE, récit, recette

À part un sac à dos, contenant la bombe d’hélium, on était partiEs les mains dans les poches.
Pleines de ballons.
D’humeur festive, nous nous étions bâti un itinéraire de goguette :
le métro et ses couloirs à l’acoustique étourdissante, ses rond-points pédestres brutaux, ses bousculades mollasses, les mains au cul, la RATP, quoi.

… Dans la rue des Bons Enfants…

Car nous chantions, nos refrains favoris.
Mais sans oublier notre mission : vérifier la véracité, et l’efficacité, des caméras de surveillance dans notre moyen de transport quotidien.
L’itinéraire ? Populaire, sans courants d’air de préférence.
ArrivéEs à trente, avec un seul ticket, on chante, on chante, on gonfle, on gonfle, on gonfle nos ballons de baudruche,  sous les caméras repérées de nos yeux de lynx.
À Strasbourg-Saint-Denis, des rebelles s’échappent : trop  de courants d’air. Ils s’échappent, trimballant leur poésie incongrue au nez des affiches publicitaires.

… On vend tout au plus offrant…

Flattés, pincés, caressés, mais jamais éclatés, ils s’échappent…
On serre le reste, en grappes, en groupe : par dix, ou quinze,
Hop, Hop !
Ils investissent les carrefours : Montparnasse ; Franklin Roosevelt; Champs Élysées (ouais, ouais…) ; Gare du Nord ; Odéon -( ouin-ouin)
Ils sourient, les ballons, ils sont filmés !
La caméra, ils aiment ça !
Mais c’est nous qu’on commande.
On les lâche, on les laisse, sans laisse.
Mais…
Hop ! Hop !
Ya du bruit en face, sur les quais…
c’est la merde sur les écrans,
Allez, chasse aux coupables…
À la chasse aux ballons ?

… Et maintenant il est plus là…

BOUM !

le 28 avril 2015

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Le 1er mai à Istanbul … la place Taksim une nouvelle fois interdite d’accès

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Reçu le 3 mai 2015

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[« Insulte à l’autorité de l’État »] Le procès du Jura Libertaire (2)

Reporté il y a six mois, le procès du Jura Libertaire se tiendra mardi 5 mai 2015 à 13 heures 30 devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

Le Jura Libertaire est poursuivi par le procureur de la République suite à une plainte pour « injure et diffamation publiques envers la Police nationale », déposée en juillet 2010 par le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux afin de couvrir l’assassinat de Karim Boudouda, commis par la BAC à la Villeneuve (Grenoble).

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Maintenant que « 1000 Jura Libertaire et Indymedia Grenoble fleurissent » effectivement partout sur la Toile, sur les ondes, sur papier comme dans toutes les têtes, c’est après neuf ans de publications quasi quotidiennes que le Jura Libertaire mettra fin à ses activités en ligne, une fois rendu le jugement à venir.

Le Jura Libertaire – 16 avril 2015

P.-S. : La police travaille. Les trois ordinateurs innocents, saisis par la brigade de recherches de la gendarmerie de Limoges dans le cadre de l’enquête sur un obscur incendie antinucléaire, ont été restitués après six mois d’investigation.

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[On n’en a pas fini avec vous] Au front — pas ex

AU FRONT — pas ex

Aux NoBorders, depuis des années, et sur toute la planète, on dénonce la politique migratoire des nations soumises, ces riches qui pointent à l’Omc.
Dans un silence médiatique absolu.
Silence sur les sans-papiers, les migrants, qui meurent sous la botte policière, en Belgique, en Allemagne, en France, et partout ailleurs, même où Schengen n’a pas frappé.
Silence sur les militantEs, rouges, verts, noirs, écraséEs sous les bottes policières pour les protéger/défendre sur ces camps précaires relégués en périphéries.
Silence sur les flottes de Frontex, harnachées comme à la guerre, qui sont tiré sur des radeaux de migrants, dans la mer Égée, et ailleurs.
Au contraire : maintenant que le quota de morts alerte — l’équivalent d’un … pays ? —, on cherche des coupables : les passeurs ? Créés de fait par la situation de détresse voulue par les pays nantis ?
Qui d’autre ?
Certainement pas elleux, nos gouvernantEs, qui nous ont accoutuméEs au fait de se planquer dès qu’illes ont le dos au mur.
Pas elleux, qui ont créé et fait perdurer la situation dans les banlieues, par exemple, en laissant s’installer des zones de « non droit » pour favoriser d’autres quartiers, à coups de culture bidon.
Tout ça pour applaudir la police-qui-tue dans des rassemblements compassionnels.
Allez, redonnez des thunes à Frontex.
Augmentez la sécurité sur le web, en officialisant les débordements sur notre liberté d’expression, déjà existants — l’exemple est sous vos yeux.
Prenez tous les alibis possibles pour essayer de nous aliéner.
La solidarité et l’entraide est possible, sans vous.
Gardez vos embrouilles, fliquez-vous entre vous.

Quant à nous, on reste, entre nous : même pas peur !
On va continuer nos luttes.

On vous laisse à vos désastres calculés et vos magouilles d’initiés.
On n’en a pas fini avec vous !
Sans nationalité, ni dieu, ni maître !

abalaloi – 20 avril 2015

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[Contre Center Parcs] Samedi 2 mai à Grenoble

CONTRE CENTER PARCS : Samedi 2 mai à Grenoble

Bonjour à  tou-te-s,

Vous trouverez ci-joint l’appel à  rejoindre la journée de mobilisation contre Center Parcs le 2 mai prochain à  Grenoble. Il est à  l’initiative des collectifs de l’Isère contre Center Parcs et concerne la forêt des Chambarans à côté de Roybon.

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Vous le savez peut-être, la lutte contre Center Parcs s’organise dans le même temps dans le Jura (Poligny) ainsi qu’en Saône-et-Loire (Le Rousset) où Pierre et Vacances souhaite également implanter ses usines à loisirs de masse, destructrices des lieux et à l’occasion des humains (et des animaux) qui y vivent en utilisant une fois de plus le chantage à l’emploi (précaire qui plus est) et des méthodes de barbouzes. Nous refusons ce chantage.

Nous n’avons pas lutté dans le Jura contre les pétroliers durant quatre ans et fait reculer la Celtic Energie (l’État a dernièrement rejeté la demande de renouvellement du permis dit « des Moussières ») pour laisser s’installer Pierre et Vacances et son Center Parcs.

Les logiques à l’œuvre sont les mêmes : que le pétrole ou les touristes coulent à flots, il s’agit d’asservir la nature et les humains, de privatiser les biens collectifs et de soumettre tout ce qui vit, pense, respire ou fleurit au règne de la marchandise et du capitalisme.

Les délais sont un peu courts mais il est important que cette mobilisation soit réussie. Merci de diffuser le plus largement possible : amis, syndicats, journaux, radios, sites militants, associations, etc… Joignons-nous le plus nombreux possible pour dire notre solidarité avec les opposants à Center Parc en Isère (et ailleurs) et notre opposition à ce projet nuisible et imposé.

De Sivens à Notre-Dame-des-Landes, du Val de Suze à Roybon, de Poligny à Gardane, du Rousset à la ferme des 1000 vaches, opposons nos solidarités à leur monde de béton et de profits.

Déplaçons nous à Grenoble le 2 mai, 11 heures parc Hoche.

Center Parcs : ni ici, ni ailleurs !

Salutations rouges et noires,

le syndicat CNT Interco 39 – 20 avril 2015

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Tir de flashball sur Yann : sa plainte classée sans suite

Un an après le tir de flashball de Yann à Toulouse : sa plainte contre la police est classée sans suite…

Le 21 avril 2014 deux maisons sont réquisitionnées par la CREA pour des familles rue Louis Plana à Toulouse.

Mais très vite les propriétaires et les flics débarquent pour empêcher toute installation. Plusieurs camions sont sur place et dans les rues alentours, la police nationale, les CRS, le SDIG (Renseignements Généraux) et la BAC sont sur place. Bref, c’est le déploiement de l’artillerie lourde pour empêcher qu’on puisse se loger en dehors des règles établies.

Ce n’est pas une première pour la CREA : les flics ont déjà déployé l’hélico et tiré au taser sur un toit pour expulser.

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Les flics posent alors un ultimatum : une sortie volontaire ou par la force. Face à cette violence ostensible, les familles choisissent de sortir par elles mêmes. Mais pour les flics ce n’est pas suffisant il leur en faut plus ; la BAC procède à quatre interpellations qui aboutiront sur des rappels à la loi et un procès pour violences (pour lire le soutien à notre camarade qui passe le 29 avril 2015 cliquez ici).

Armés de matraques mais aussi d’un LBD 40x46mm, ils n’hésitent pas à le pointer à hauteur de visage sur des passants ou des soutiens aux familles mais aussi à le faire passer de mains en mains, une technique policière bien rodée chez les flics pour rendre difficile l’identification d’un tireur.

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Plusieurs minutes après les arrestations, c’est Yann, 26 ans, qui prendra en pleine tête le tir de LBD par la BAC alors qu’il ne représentait aucun danger et était menacé d’un coup de matraque par un autre policier.

“La BAC nous a chargés sans raison, je me suis réfugié derrière une poubelle. Un policier de la BAC m’a vu et m’a dit de sortir de là en levant sa matraque pour me frapper. Je suis sorti en levant les mains et c’est à ce moment que je me suis écroulé. J’étais tellement sonné qu’au début je n’ai pas compris ce qui m’était arrivé. À l’hôpital le médecin m’a dit qu’à 3 centimètres près j’étais mort … J’ai eu tous les os de la joue cassés ou broyés et une partie d’un nerf touché dont je n’ai retrouvé la sensibilité qu’au bout de presque 1 an. Il a fallu attendre que mon hématome dégonfle pour m’opérer. On devait me poser une plaque pour aider les os à se remettre. Je me suis réveillé de l’opération avec 5 plaques dans le visage. Quelques semaines après  j’ai commencé à faire des infections. Au début les médecins ne voulaient pas croire à un lien avec l’opération, on m’a même enlevé les amygdales ! Mais ça n’a servi à rien et l’infection est revenue. Un an après j’ai toujours un gonflement au niveau de la joue et je retrouve petit à petit une sensibilité du nerf perdu, mais cela occasionne une douleur, comme des décharges électriques. Dans quelques jours je dois subir ma quatrième opération de l’année, on va me retirer les plaques et les infections devraient s’arrêter.”

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Yann

Yann a déposé une plainte par le biais de son avocat qui a été classée sans suite par le procureur de Toulouse “faute d’infraction caractérisée“. Selon Pierre-Yves Couilleau, le procureur, il n’ y a pas d’infraction caractérisée alors que les tirs de flash-ball et LBD sont strictement interdits au niveau du visage et à moins de 10 m. Sur les photos prises le jour même et les jours d’après, on voit clairement l’impact de la balle du LBD sur la joue de Yann, que faut-il de plus à un procureur pour voir que ce tir n’est ni dans les règles, ni proportionné ?

Classement sans suite : la loi des séries !

Ces derniers temps, les classements sans suite s’enchaînent : Damien, Quentin et Emmanuel, éborgnés par des tirs le 22 février 2014 pendant une manifestation à Nantes ont eux aussi vu leur plainte classée sans suite, tout comme Ayoub, éborgné à Montbéliard en 2011 pendant qu’il attendait le bus.

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Si Geoffrey, touché pendant qu’il mettait une poubelle devant le blocus de son lycée à Montreuil en 2010, a vu le policier qui lui a tiré dessus passer en procès et en plus être condamné, ce qui est extrêmement rare, ce dernier n’a eu qu’une peine minime, c’est-à-dire du sursis. Seulement deux autres policiers ont été condamnés pour des faits similaires, l’un pour avoir éborgné Sékou en 2005 et un autre condamné à 2 ans avec sursis pour avoir tiré sur Steeve, 9 ans, à Mayotte…

Si toutefois ces peines ne sont pas à la hauteur des mutilations et de la violence institutionnalisée de la police, nous savons à quel point c’est un véritable parcours du combattant pour traduire un policier au tribunal face à la bureaucratie judiciaire lorsqu’on est qu’un ou une simple individu-e.

Nous pensons aussi à ces policiers que la justice a acquitté alors qu’ils ont tiré et mutilé à vie ; ce fut le cas pour Pierre, éborgné en 2007 dont le policier tireur a été relaxé mais aussi Théo, éborgné en 1996.

L’autodéfense en accusation

Depuis, face à l’autodéfense des mutilé-e-s et des familles d’assassiné-e-s, les institutions de l’État ripostent pour faire taire toutes les voix dissidentes : à Nantes la procureure porte plainte pour une affiche la mettant en scène et dénonçant le classement sans suite des plaintes de Damien, Quentin et Emmanuel. Au Havre c’est le frère d’Abdoulaye Camara, assassiné de 10 balles dans le corps dans la nuit du 15 au 16 décembre 2014, qui s’est vu accusé d’avoir collé 7 stickers anti-police et a reçu une lettre de la mairie lui demandant de payer la facture du nettoyage, c’est-à-dire 105,93€ … bref du beau foutage de gueule !

Nous nous souvenons aussi d’Amal Bentounsi, dont le frère Amine a été assassiné d’une balle dans le dos qui avait été traînée en justice par Manuel Valls pour “diffamation publique envers une institution publique” suite à une vidéo dénonçant l’impunité policière. Procès qu’elle avait d’ailleurs brillamment gagné !

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Ces mesures ne visent qu’à une chose : faire perdre courage, mettre des bâtons dans les roues et tenter d’isoler les victimes et les familles. Mais il en faut plus pour faire taire les voix qui veulent la justice et la vérité !

Nous ne sommes pas seul-e-s, nous sommes ensemble ! Jusqu’au bout !

À tout-e-s les mutilé-e-s : Yann, Pierre, Ayoub, Davy, Casti, Nassuir, Sékou, Quentin, Damien, Emmanuel, Joachim, Bouch-B, Steve, Salim, Quentin, Fatouma et Mohamed, John, Jimmy, Daranka, Mohammad, Guillaume, Geoffrey, Nordine, Elias, Clément, S.N., Bruno, Alexandre, Samir, Halil, Joann, Maude, Jiad, Amine, Théo et les autres…

La police mutile, la justice est complice !

À tout-e-s les assassiné-e-s par la police : Abou Bakari Tandia, Mostefa Ziani, Rémi Fraisse, Bertand Nzohabonayo, Abdoulaye Camara, Morad, Abdelhak Gorafia, Houcine Bouras, Thimotée Lake, Yassin Aïbeche Souilah, Lahoucine Ait Omghar, Loic Louise, Fahmi, Abdel, Wissam El-Yamni, Amine Bentounsi, Youcef Mahdi, Mahmadou Marega, Nabil Matboul, Steve, Mohamed, Balé Traoré, Samir Abbache, Zyed&Bouna, Eric Blaise, Eric Mourier, Fethi Traoré, Taoufik El-Amri, Raouf et Tina Sebba, Lamine Dieng, Lakhamy et Mushin, Abdelhakim Ajimi et les autres …

La police assassine, la justice est complice !
Ni Oubli Ni pardon ! Justice et Vérité !

Liens : CREA – Toulouse | Urgence notre police assassine ! | Justice pour Wissam ! | Collectif du 8 juillet – Montreuil | Blog du 27 novembre 2007 – Nantes

Pris pour cible, 19 avril 2015

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[Toulouse] « L’Humain au cœur de l’habitat » … dixit les Chalets !

« L’Humain au cœur de l’habitat » … dixit les Chalets !

Nous écrivons aujourd’hui ce texte parce que nous avons besoin d’expliquer notre situation à celles et ceux qui voudront bien nous entendre. Nous sommes des gens en galère, des chômeurs, des femmes seules, des familles avec enfants, des travailleur-se-s pauvres, des étudiant-e-s précaires, des personnes âgées et des personnes de différentes régions du monde. Notre point commun est celui de ne pas avoir de logement depuis bien trop longtemps. Nous avons donc décidé de nous organiser par nous-même pour appliquer, ici et maintenant, notre droit à vivre dignement. Nous n’attendons plus rien de l’État ou des institutions qui se moquent bien de nous.

Nous avons pris l’initiative de réquisitionner les bâtiments situés au 44 et 46 boulevard Lascrosses, vides et abandonnés depuis plus d’un an, propriété de la Société Anonyme Le Groupe des Chalets, un des plus gros bailleurs sociaux en Midi-Pyrénées. Selon les Chalets, ces bâtiments  d’une vingtaine d’appartements sont non habitables en l’état, ils préfèrent donc laisser les lieux vacants tout en sachant que de plus en plus de gens dorment à la rue toutes les nuits sur Toulouse : drôle de politique sociale ! Nous, nous répondons le contraire. Dès notre arrivée, nous avons collectivement fait les travaux nécessaires avec l’aide de professionnels, et nous avons nettoyé les lieux pour rendre ce bâtiment habitable, et cela dans des conditions décentes.

Au lieu de tenter de comprendre notre situation, les Chalets, « bâtisseurs d’émotion » sur leur plaquette, ont préféré s’organiser en quelques jours pour nous assigner au tribunal dès le 10 avril (notre report a eu lieu le 17 avril pour un rendu qui tombera le 30 avril…), afin d’exiger et d’obtenir notre expulsion dans les plus bref délais. Ainsi, les Chalets prennent aujourd’hui la responsabilité active de mettre une soixantaine de personnes à la rue. Ils leur suffit de quelques jours pour organiser notre expulsion quand dans le même temps des dossiers de demande de logement prennent plusieurs années à aboutir !

Nous voulons simplement avoir un toit au-dessus de notre tête, des chambres pour nos enfants, de l’eau courante, pouvoir être en sécurité avec nos familles, bref, vivre dignement. Nous nous mettons donc en lutte pour rester chez nous ! Détourner les yeux, c’est cautionner les actions que les Chalets, « bailleurs sociaux », sont en train d’appliquer afin de faire toujours plus de profit sur le dos des plus pauvres. Nous invitons celles et ceux qui souhaiteraient soutenir notre combat, sous quelques formes que ce soit, à venir nous rencontrer.

Pour venir prendre le café, aider à l’installation, transmettre des lettres de soutien etc. : c’est quand vous voulez au 44 et 46 boulevard Lascrosses – Métro B Arrêt Compans Caffarelli – Bus L16 Arrêt Héraclès

Pour téléphoner / écrire une lettre / envoyer un mail au Groupe des Chalets : 05.62.13.25.75 (ligne directe service de communication) – 29, bd Gabriel Koenigs 31000 Toulouse

Le collectif d’habitants du 44 et 46 boulevard Lascrosses – 20 avril 2015

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[Urgence notre police assassine] Commémoration de la mort d’Amine Bentounsi, le 2 mai

Commémoration de la mort de Amine Bentounsi
Le 2 mai 2015 à 14h30 départ de la gare de Noisy-le-Sec au tribunal de Bobigny

Voilà déjà 3 ans que mon frère Amine a été tué d’une balle dans le dos par un policier Damien Sabounjian à Noisy-le-Sec le 21 avril 2012.

Damien Saboundjian a été mis en examen pour homicide volontaire, son avocat Merchat (avocat des policiers dans la mort de Zyed et Bouna) plaide la légitime défense comme dans toutes les affaires ou des policiers sont responsables dans la mort d’une personne c’est leur premier argument systématiquement.

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En octobre 2014 nous avons appris la requalification des faits d’ « homicide volontaire » à « violence volontaire ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner » ce changement s’appuie sur un expert en balistique qui dit « qu’un homme aurait pu se retourner en une fraction de seconde et mettre la vie de ce policier en danger.

Dans cette affaire nous n’avons malheureusement pas eu l’aide de la vidéo comme aux États-Unis, pour démontrer que ce policier a abattu mon frère volontairement, il est quand même révoltant que les familles doivent se battre avec acharnement pour demander justice quand il s’agit de policiers mis en cause, malgré tous les témoignages et les éléments à charge contre ce policier.

La déqualification des faits nous laisse un goût amer, néanmoins ce policier sera traduit devant les assises et sera jugé par un jury populaire au tribunal de Bobigny. En attendant son procès il a obtenu sa mutation dans la région de Grenoble dont il est originaire, suspendu de ses fonctions mais continue à percevoir son salaire par le ministère de l’Intérieur, à la suite des pressions faites par les syndicats policiers pour le maintien de son salaire. L’avantage d’être au dessus des lois, on obtient beaucoup plus de privilèges de la part de la justice et de l’État quand un manifestant qui s’indigne de la mort d’un militant écologiste (Rémi Fraisse) qui écope six mois de prison dont deux mois ferme. Justice égale pour tous ? Réalité ou utopie ?

Depuis un an que le dossier de l’instruction est clos nous attendons une date de jugement qui ne vient pas.

Pour toutes ces raisons nous seront déterminés à jamais pour la vérité et la justice.

Amal Bentounsi
Collectif Urgence notre police assassine

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Comment échapper à la surveillance des « services » lorsque nous marchons dans la rue

http://juralib.noblogs.org/files/2015/01/0311.jpgNouvelle loi « sur le renseignement »

Ce lundi 13 avril, l’Assemblée Nationale examinera une nouvelle loi dite « sur le renseignement ». Ce texte visant à limiter les effets indésirables du terrorisme national et mondial, aura pour vocation première de faciliter le travail de nos agents du renseignement. Selon le ministre de l’Intérieur B. Cazeneuve, il s’agit d’abord de « légaliser » des pratiques dont les « services » n’usaient jusqu’à présent qu’au risque de poursuites judiciaires mais aussi d’étendre leurs capacités de surveillance, notamment sur l’Internet.

Prémonition ou anticipation ? De nombreux confrères ont choisi ces derniers mois, d’informer leur lecteurs quant aux techniques qui permettent d’échapper à la surveillance sur l’internet. De l’aveu même de la NSA des dispositifs tels que Tails semblent effectivement en mesure de tenir en échec le gratin des services secrets.

Mais qu’en est-il de la vie hors du cyber-monde ? Comment échapper à la surveillance des « services » lorsque nous marchons dans la rue ? Le piéton, n’aurait-il pas, lui aussi, le droit d’être informé des dispositifs mis en place pour suivre le moindre de ses faits et gestes ?

C’est sur cette question épineuse que lundimatin a choisi de se pencher. C’est finalement, sur le « net » que nous avons pu trouver des réponses à nos questions. De forums en canaux IRC, nous avons pu discuter avec des internautes qui depuis plusieurs années prétendent avoir récolté bon nombre d’informations quant aux tactiques policières de surveillance. Face à notre insistance, ils ont accepté de nous donner accès à l’un de leurs documents de travail inédit et d’une rigueur impressionnante. À la manière du sociologue, ces anonymes ont compilé enquêtes de terrains et observations des « manières » de la police, tant en France qu’en Allemagne.

Le document que nous sommes en mesure de partager avec vous n’est pas finalisé mais au vu de sa qualité, de son intérêt pour le débat public ainsi que de son actualité, nous avons décidé de le rendre accessible au moment même où de nouvelles dispositions législatives semblent le rendre (très) partiellement caduque.

Si vous avez toujours voulu savoir comment échapper à une filature, lisez ce qui suit.

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LundiMatin #18, 13 avril 2015

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Résistons Ensemble n° 140 – avril 2015

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Résistons Ensemble

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[Contre l’idéologie zadiste] De prétendues occupations révolutionnaires de terres le long du Guadalquivir

Marinaleda  : Mythe et réalité du coopérativisme en Andalousie

Ces dernières décennies, l’une des principales victoires des gestionnaires de la domination en Europe, ce n’est pas seulement d’avoir embastillé, parfois même tué, des individus qui avaient osé remettre en cause leur pouvoir dans la période précédente, marquée à des degrés divers par des poussées subversives. C’est aussi d’avoir joué, en partie du moins pour les plus modernisateurs d’entre eux, le rôle d’exécuteurs testamentaires des illusions de la période révolue, en les adaptant aux exigences actuelles de la société capitaliste. Et, en même temps, d’avoir neutralisé, vidé de leur sens, voire occulté, les idées, les conceptions, etc., subversives qui étaient partie intégrante de telles poussées. L’Espagne n’y fait pas exception. L’amnésie entretenue par le pouvoir d’État issu du franquisme et, de façon générale, par l’ensemble des États européens, ainsi que la faiblesse concomitante de la critique actuelle du capital contribuent à faire passer des vessies réformistes, en particulier celles qui relèvent de l’idéologie alternative, déjà combattue à maintes reprises, pour des lanternes révolutionnaires inédites. Deux facteurs qui expliquent pourquoi des opérations promotionnelles, en Andalousie, de syndicalistes et de politiciens d’opposition, en quête de reconnaissance et de notoriété, puissent être assimilées, à travers l’Europe, à des tentatives de reprise révolutionnaire des terres, renouant avec l’esprit de celles qu’elles existèrent à l’époque de la révolution espagnole, en Aragon. L’objet de la lettre que je diffuse aujourd’hui, datée de l’automne 2013 et que j’avais envoyée à des connaissances séjournant en Espagne, est de contribuer à dévoiler la véritable nature de pareilles impostures.

André Dréan
Printemps 2015

Cher Z, je comprends ta déception après ton séjour dans la plaine du Guadalquivir, en particulier au village coopérativiste de Marinaleda, la prétendue « utopie locale » mise en place il y a des décennies sous la houlette du cacique historique du SOC (Sindicato de Obreros del Campo), Gordillo, maire du bled et député de Izquierda Unida, l’équivalent du Front de gauche en version régionaliste et nationaliste andalouse. Gordillo participe d’ailleurs au gouvernement de la région autonome d’Andalousie aux côtés du PSOE (Partido Socialista Obrero Español). Sa notoriété découle de son double langage et de sa double attitude : membre de l’institution, il n’hésite pourtant pas à lancer des opérations coups de poing avec ses groupies du SOC, rebaptisé le SAT (Sindicato Andaluz de Trabajadores), par exemple des « reprises » dans des supermarchés de la région de Séville et de Cadix avec convocations des journalistes à la clé. Ce n’est pas pour rien que ce malin démagogue est parfois surnommé le Chavez andalou. Avec lequel il entretenait, jusqu’au décès de ce dernier, les relations les plus étroites.

En réalité, au-delà de ses poses de révolutionnaire, sous le portrait de Guevara accroché à la mairie du village de Marinaleda, situé dans la région de Séville, et de ses références au Marcos de l’EZLN, il pratique l’habituel clientélisme andalou. Ainsi, le maintien en survie suspendue de la coopérative de Marinaleda, touchée de plein fouet par la crise en Espagne, dépend aussi de sa position parlementaire et de la discrète distribution, via les institutions andalouses, de subventions, y compris en provenance de Bruxelles, pour soutenir cette « remarquable » expérience d’économie locale et alternative placée sous le signe de la prétendue « souveraineté alimentaire ». Après le « socialisme dans un seul pays », qui constituait l’idéologie officielle du SOC à l’époque héroïque du franquisme, voici venu le temps « des utopies andalouses qui étonnent le monde », pour citer l’abominable démagogue du SAT, interviewé dans l’un des hôtels cotés de Caracas, par des journalistes à la solde de Chavez. Ici, en France, tous les sociologues façon citoyenniste, les naïfs et autres adeptes du tourisme révolutionnaire en Europe, reçus en grande pompe à la mairie de Marinaleda et qui visitent ses annexes avec quelques cornacs, comme on visitait autrefois les fermes d’État modèles en Chine populaire, n’ont pas la moindre idée de ce qui s’y trame. Signe des temps, on va aujourd’hui à Marinaleda comme on allait hier au Chiapas. Mais, il faut dire que, crise oblige, c’est bien moins cher, beaucoup moins dangereux et bien plus rapide de s’y rendre.

Au lendemain de la fin du franquisme, l’idéologie du SOC était le marxisme-léninisme revu et corrigé en fonction du mythe nostalgique du « commarcalisme » andalou, issu des insurrections républicaines dans le sud de l’Espagne, au XIXe siècle. L’idéologie « commarcaliste » consistait alors, pour l’essentiel, à opposer à la domination de la monarchie bureaucratisée installée à Madrid, les restes d’administration, plus ou moins idéalisés, municipales et régionales en Andalousie, considérés comme des bases d’appui pour instaurer la république, y compris par les armes. À l’époque de la transition démocratique donc, le drapeau du SOC était rouge et, à la façon stalinienne, l’image de l’ouvrier agricole brandissant la faucille et le marteau y était en bonne place avec, en prime, le slogan racoleur relatif à « l’expropriation des expropriateurs ». Bref, du capitalisme d’État aux couleurs du communisme. Ce qui n’empêchait pas des caciques du SOC d’appeler à suspendre des grèves spontanées de salariés agricoles en période d’élections municipales, comme j’ai eu l’occasion de m’en rendre compte de visu à Xérès (Jerez de la Frontera) vers la fin des années 1980, lorsque je séjournais dans la province de Cadix.

Aujourd’hui, la page du marxisme-léninisme est tournée. Pour l’essentiel, il a fait faillite, du moins sous ses formes antédiluviennes. De toute façon, l’Espagne en général et l’Andalousie en particulier ne sont plus ce qu’elles étaient, restructuration et intégration accélérée à l’Europe obligent, sur fond de disparition des anciennes relations de classes. Même l’immigration saisonnière des bras nus andalous à travers l’Europe, dont la défense de la force de travail était l’une des raisons d’être principale du SOC, a presque disparu et, en Andalousie même, ils sont déjà remplacés par des sans-papiers originaires du Maghreb. La descendance des campesinos d’antan s’entasse bien souvent dans des quartiers pourris de villes comme Séville et n’a, comme tu le soulignes à juste titre, nulle envie d’aller cultiver les terres locales, parfois très polluées dans la plaine ainsi que sur les plateaux entourant le Guadalquivir, même lorsqu’elles sont en friche. Elle préfère, jusqu’à preuve du contraire, voler le nécessaire dans les supermarchés ou dépouiller les riches touristes et les branchés des quatre coins de l’Europe venus s’installer dans les quartiers historiques des centres villes andalous. Je les comprends.

Bref, la quasi-disparition de la base de classe traditionnelle du SOC, associée au ressentiment de la population pauvre et déclassée andalouse envers le pouvoir central de Madrid et envers Bruxelles, explique la montée en puissance du sentiment régionaliste et nationaliste, auquel le SOC, transformé en SAT, a bien dû s’adapter sous peine de disparaître. Le rouge a donc cédé la place au vert et au blanc du drapeau andalou, les symboles marxistes-léninistes, à commencer par la noble figure du campesino, ont disparu pour céder la place au sobre acronyme SAT, et le reste à l’avenant. Il n’est même plus fait référence à « la fin du salariat » et les proclamations réalisées dans le cadre de Via Campesina, en particulier avec la Confédération paysanne, reconnaissent la « nécessité du travail salarié » dans l’agriculture et ne dénoncent que les formes les plus extrêmes du travail au noir ! Rien d’étonnant que des opérations promotionnelles comme l’occupation récente de quelques fincas, en particulier celle de Somonte, située entre Cordoue et Séville, sous l’œil des journalistes et des politiciens de gauche et d’extrême gauche, y compris français, convoqués, aient comme slogan le mot d’ordre populiste : « Andalous, la terre est à vous, récupérez-la ! »

Comme je l’ai déjà dit à de multiples reprises, récupérer des terres n’est pas en soi négligeable, encore moins condamnable au nom de je ne sais quel idéal de pureté révolutionnaire. À condition que ceux et celles qui décident de les occuper n’aient pas la moindre illusion envers l’État, au plein sens du terme. Lequel ne se limite pas au pouvoir central, ici domicilié à Madrid, mais inclus tous les pouvoirs locaux, municipalités comprises. Or, en Andalousie, avec le SAT comme maître d’œuvre et Gordillo le député démagogue comme promoteur, on peut craindre le pire, en matière de liquidation de la moindre tentative d’activité en rupture avec le monde du capital et de l’État. À terme, l’action liquidatrice du SAT sera plus efficace sans doute que l’intervention brutale de la police pour évacuer la finca, même si celle-ci n’est pas à exclure. En France, même L’Humanité y va de son apologie des prétendues occupations sponsorisées par le SAT et du coopérativisme, à la suite, bien entendu, de la Confédération paysanne, de Longo Mai, j’en passe et des meilleures ! Voilà qui devrait faire réfléchir nos révolutionnaires hors sol, y compris du côté de Notre-Dame des Landes, à la recherche de causes improbables à défendre et de rencontres exotiques à portée de TGV, dans le genre des appellistes et assimilés, qui reconduisent, sur des terrains qu’ils reconnaissent eux-mêmes comme ne relevant plus de la lutte de classe d’antan, tous les tics du militantisme à la papa.

Post scriptum. Alors que j’étais en train de rédiger cette lettre, des tensions commençaient à apparaître au sein du collectif d’occupation à Somonte. Car les responsables locaux du SAT, qui avaient dirigé l’opération, n’avaient pas tardé à apparaître comme de vulgaires caciques, autoritaires et centralisateurs, ne tolérant pas la moindre tentative visant à sortir du carcan qu’ils avaient délimité. Il est par contre dommage que les critiques qui leur furent adressées, à Somonte même, aient porté essentiellement sur leur bureaucratisme, sans remettre en cause, à ma connaissance, le coopérativisme qui présida à l’occupation, pas plus que la revendication réformiste appelant à réaliser quelque « réforme agraire » en Andalousie. C’est la principale limite du texte que j’ai reçu en 2014, « Aider Somonte à résister », actuellement disponible sur le Web. Or, dans l’Andalousie d’aujourd’hui, la reprise de l’appel d’antan « La terre à ceux qui la travaillent » est pour le moins obsolète et ne remet rien d’essentiel en cause, à commencer par le travail salarié lui-même.

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Mafia des labos pharmaceutiques, « incertitude scientifique » et « causalité juridique »

2,4 millions pour une sclérose après un vaccin

L’État a été condamné à verser près de 2,4 millions d’euros à une ancienne
infirmière ayant déclaré une sclérose en plaque après avoir été vaccinée
contre l’hépatite B. Cette somme, arrêtée par la Cour administrative
d’appel de Nancy, constitue « à priori un record d’indemnisation pour ce
type de litige », a commenté une source proche du dossier, confirmant une
information de
L’Est Républicain.

La victime avait déclaré les premiers symptômes de la sclérose en plaque –
une affection évolutive et lourdement handicapante qui touche le système
nerveux central – quelques semaines après les premières injections
vaccinales contre l’hépatite B qu’elle avait reçues à partir du printemps
1991, dans le cadre de son activité professionnelle. Infirmière
psychiatrique dans un centre hospitalier à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (Rhône),
elle avait été mise à la retraite anticipée dès 1997, et s’est vu depuis
reconnaître une incapacité permanente partielle de 60%.

L’incertitude scientifique au bénéfice de la victime

En 2003, elle avait formé un recours gracieux contre le ministère de la
Santé, demandant réparation pour les divers préjudices subis. Celui-ci
avait été refusé, décision confirmée en première instance par le tribunal
administratif de Besançon en 2006. Mais, à la fin des années 2000, la
jurisprudence a évolué : les juridictions administratives et judiciaires
ont peu à peu reconnu un lien de causalité juridique « compte tenu de
l’incertitude scientifique entourant le vaccin contre l’hépatite B, de
manière à permettre une indemnisation », a indiqué le ministère de la
Santé.

En appel, en mai 2012, la Cour administrative de Nancy avait ainsi rendu
une première décision ordonnant une expertise des préjudices subis par
l’ex-infirmière. « Ses perspectives d’évolution professionnelle ont été
réduites en raison de son handicap (et) elle justifie ainsi d’un préjudice
certain à caractère professionnel », ont finalement reconnu les juges
administratifs dans un arrêt rendu en juin dernier. Ils ont alors condamné
l’État sur ce point à 350.000 euros. Les magistrats, qui ont donné droit à
quasiment l’ensemble des demandes de la victime, ont également reconnu un
préjudice global personnel de 178.000 euros. Ils ont en outre condamné
l’État à rembourser l’ensemble des frais de santé et de matériel
spécialisé, celles liées à la perte d’autonomie, à l’assistance d’une
tierce personne ou d’adaptation du logement. En tout, l’État a été
condamné à verser 2.384.670,50 euros à la victime.

Leur presse (LeFigaro.fr avec l’Agence Faut Payer, 13 août 2014)

2,4 millions d’euros pour une vie détruite

Une infirmière de 37 ans a développé une sclérose en plaques suite à une vaccination contre l’hépatite B.

La cour administrative d’appel de Nancy a décidé d’allouer la somme de 2,4 millions d’euros à une femme qui avait développé une sclérose en plaques après avoir été vaccinée contre l’hépatite B. Une décision de nature à relancer le débat sur les risques vaccinaux.

Âgée de 37 ans, lorsqu’elle a contracté l’infection, la requérante, mère de famille, a dû mener un long et épuisant combat de tribunal administratif en cour administrative d’appel, jusqu’au conseil d’État, pour parvenir à ce résultat. La dernière étape judiciaire était l’évaluation à Nancy du préjudice, qui est considérable. Infirmière psychiatrique à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, elle avait dû, comme personnel de santé se soumettre à des vaccinations en 1991, suivies d’un rappel en 1992, ainsi que le prévoit le Code de la Santé Publique.

C’est en 1994 que la pathologie s’était déclarée et que le diagnostic avait été posé. Elle avait tout d’abord développé brutalement un diabète insulinodépendant. Puis, en août 1991, s’étaient manifestés des troubles neurologiques, visuels, accompagnés d‘engourdissements et d’une insensibilité des quatre extrémités, ainsi que d’autres symptômes relevant de la symptomatologie de la sclérose en plaques.

Très active, la victime, sous les atteintes de la maladie avait dû renoncer rapidement à son activité professionnelle. Elle avait été mise à la retraite de manière anticipée au printemps 1997.

La cour d’appel de Nancy a infirmé une décision du tribunal administratif de Besançon datant de 2006, au terme duquel celui-ci rejetait la requête de condamnation de l’État. La Cour s’est appuyée sur des expertises n’excluant pas un lien de causalité entre la vaccination et l’apparition de la maladie, notamment en raison « du bref délai » séparant les vaccins des premières manifestations.

La cour administrative d’appel de Nancy a ainsi reconnu « l’imputabilité du dommage aux injections vaccinales », et a placé l’État en position de présumé responsable. Devant le Conseil d’État, l’infirmière avait eu gain de cause. Restait à chiffrer les réparations.

L’échelle de la douleur

La cour a examiné tous les préjudices dont se prévalait la requérante : son incapacité, la douleur physique, le préjudice esthétique, le trouble dans les conditions d’existence, la nécessité de bénéficier d’une aide extérieure, l’aménagement et la sécurisation d’un logement…

Tout a été passé au crible dans ses conditions de vie pour apprécier au mieux les « troubles de toute nature dans les conditions d’existence de la victime, y compris le préjudice d’établissement, le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel ». Une longue liste : son renoncement au piano, et à ses activités sportives, la durée de vie de ses cannes tripodes et le coût d’un fauteuil roulant, l’évaluation de sa douleur : 5 sur une échelle qui comporte 7 niveaux…

L’État a également été condamné à indemniser le centre hospitalier qui employait l’infirmière pour les sommes qu’il lui a été versées alors qu’elle était en congé maladie.

Leur presse (M.R., EstRepublicain.fr, 13 août 2014)

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[Copwatch] Pourquoi filmer le travail de la police ?

Meurtre d’un homme noir par un policier blanc aux États-Unis : « Et s’il n’y avait pas eu de vidéo ? »

C’est, tragiquement, une histoire que la presse américaine a l’impression d’avoir racontée trop de fois. Au départ, un banal contrôle policier. À North Charleston, en Caroline du Sud, Walter Scott, un homme noir de 50 ans, circule dans un véhicule avec un feu cassé. Il s’enfuit, mais un policier le rattrape et, lorsqu’il tente à nouveau de fuir, l’agent tire à huit reprises. L’homme, touché cinq fois, s’effondre.

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Dans un premier temps, le policier avait invoqué la légitime défense, prétextant que Walter Scott avait tenté de se saisir de son pistolet paralysant. Seulement, de derrière la grille d’un jardin, un homme a tout filmé. Et les images, que le New York Times et le Charleston Post & Courier ont diffusées mercredi 8 avril, contredisent totalement la version du policier.

Le policier, Michael Slager, 33 ans, était en service depuis cinq ans, sans jamais avoir reçu de sanctions. Deux plaintes avaient néanmoins été déposées contre lui pour usage excessif de la force, mais elles n’avaient pas abouti, dit le Post & Courier. Interpellé peu après la diffusion de la vidéo, il a été mis en examen pour assassinat et risque la prison à vie.

« La démographie de North Charleston rappelle celle de Ferguson »

Car c’est bien l’existence de cette vidéo, filmée par une personne dont l’identité n’a pas été révélée, qui a fait basculer une affaire qui aurait pu rester un fait divers comme il y en tant aux États-Unis, où la parole de la police se mesure à celle d’une victime. « Sans cette vidéo, il aurait été difficile pour nous d’établir ce qu’il s’était passé », a reconnu le maire de North Charleston, Keith Summey. « Ce qu’il s’est passé aujourd’hui n’arrive pas tout le temps, a commenté l’avocat de la famille de Walter Scott, faisant allusion à la mise en examen du policier. Et s’il n’y avait pas eu de vidéo ? S’il n’y avait pas eu de témoin ? Tout cela ne serait jamais arrivé. »

Une manifestation doit avoir lieu dans la journée devant la mairie de North Charleston, troisième plus grande agglomération de Caroline du Sud. Une ville dont la démographie rappelle celle de Ferguson, où le jeune Noir Michael Brown est mort en août 2014 après un contrôle de police. « North Charleston est différente du reste de la Caroline du Sud, note le New York Times. Les deux tiers des habitants de l’État sont blancs, alors qu’il y a plus d’habitants noirs (47 %) à North Charleston que de blancs (41 %) ».

Comme à Ferguson, le nombre de policiers blancs (80 %) y est largement supérieur à celui des policiers noirs, selon les données diffusées en 2007 par le département de la justice américain et citées mercredi dans la presse locale. La National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), organisation de défense des droits civiques, a expliqué après le drame que les relations avec la police locale s’étaient légèrement améliorées au niveau du dialogue, mais que « rien n’a changé à la base ». En 2011, elle avait accusé les forces de l’ordre de « profilage ethnique », affirmant que les jeunes Noirs étaient interpellés quatre fois plus que les jeunes Blancs. L’American Civil Liberties Union (ACLU), une organisation similaire, qui a formulé les mêmes accusations, espère que l’enquête qui s’est ouverte « ira plus loin que ce seul incident ».

Derniers drames médiatisés

Les médias américains ont bien entendu établi des parallèles avec les derniers drames médiatisés « où des policiers ont fait usage de force létale, comme à New York, à Cleveland, à Ferguson et ailleurs. Ces morts ont précipité un débat national sur l’usage de la force par la police, particulièrement face à des hommes noirs ». D’importantes manifestations contre l’impunité policière ont eu lieu à la fin de 2014, et des slogans comme « Black lives matter » (« La vie des Noirs compte ») ou « I can’t breathe » (« Je ne peux pas respirer ») sont devenus des cris de ralliement.

Deux des cas tragiques les plus symboliques avaient été eux aussi filmés à l’insu des policiers. À New York, Eric Garner est mort asphyxié par un policier qui l’avait interpellé pour avoir vendu des cigarettes illégalement dans la rue. Le policier impliqué n’a pas été mis en examen.

En novembre 2014, Tamir Rice, un jeune garçon de 12 ans, avait été abattu à Cleveland alors qu’il portait une arme factice dans un square. L’enquête est toujours ouverte, mais personne n’a, non plus, été mis en examen.

Pas de données chiffrées sur les personnes tuées par la police

Personne ne peut dire avec exactitude le nombre de personnes qui meurent aux mains de la police américaine. Entre 2003 et 2009, le département de la justice et le FBI ont recensés 4813 morts « liées à une arrestation », ce qui implique les morts « accidentelles », « naturelles », les suicides et les homicides. Ces derniers comptent pour 61,5 % du total, soit 412 morts par an en moyenne.

Mais ces chiffres sont parcellaires. Comme le rappelle le chercheur Didier Fassin, les données proviennent de déclarations, sur la base du volontariat, faites par chaque commissariat américain. Les chiffres en question concernent « seulement 750 des 17’000 commissariats du pays, soit 4 %. » Et c’est sans compter que le FBI ne recense que les « homicides justifiés », précise l’hebdomadaire Mother Jones.

« Cela donne un résultat incomplet, qui ne comptabilise que les cas lorsqu’un policier tue un criminel. Cela n’inclut pas forcément les cas impliquant des victimes comme Michael Brown, Eric Garner et d’autres qui n’étaient pas armés au moment des faits. (…) Les données sont éparpillées et fragmentées. Aucune département ne semble recenser systématiquement le nombre de personnes non armées visées ou tuées par la police. »

Interrogée par le même magazine, Delores Jones-Brown, chercheuse au John Jay College of Criminal Justice de New York, détaille ses travaux en expliquant avoir « identifié des dizaines d’hommes et de femmes noirs tués par la police depuis 1994 ». Elle a constaté que « la plupart des policiers ne sont pas mis en examen ou condamnés ».

Pour le Washington Post, la présence de vidéos, qu’elles proviennent de témoins extérieurs ou d’appareils que les policiers sont obligés de porter, « devient un élément crucial » dans le processus judiciaire qui suit un incident mortel impliquant un policier. Philip M. Stinson, un criminologiste de l’université de Bowling Green State, explique que :

« La vidéo a tout changé, car elle fournit une documentation qui n’existait pas auparavant. Désormais, des citoyens lambda commencent à enregistrer avec leurs téléphones dès qu’ils sont témoins d’une dispute. »

Après ces nombreux incidents, le gouvernement américain a réagi en faisant une série de recommandations pour réformer le fonctionnement des polices locales, en se positionnant notamment en faveur de l’installation de caméras vidéo sur les policiers, pour que tout incident éventuel soit filmé.

Mais comme le note le Washington Post, « ces enregistrements ne conduisent pas automatiquement à la condamnation du policier poursuivi ». La mort d’Eric Garner, en surpoids et asthmatique, et dont les derniers mots, enregistrés par les caméras, ont été « Je ne peux pas respirer », est là pour le rappeler.

Leur presse (Luc Vinogradoff, Big Browser, 8 avril 2015)

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[Mort aux pauvres !] Traque aux allocataires sociaux en Belgique

Les données énergétiques des chômeurs seront analysées
Le gouvernement a approuvé le plan de lutte contre la fraude sociale.

Il était annoncé, il a été approuvé ce vendredi matin. Le plan de lutte contre la fraude sociale, présenté par le secrétaire d’État Bart Tommelein (Open VLD) a désormais passé le cap du conseil des ministres. Le texte comprend 85 points et non des moindres.

Il prévoit ainsi la création d’un point central de contact pour signaler (mais pas de manière anonyme) les situations de fraudes avérées ou suspectées avec centralisation sur un site internet unique. Par ailleurs, un système d’enregistrement électronique des travailleurs sera instauré pour le secteur de la viande, à l’instar de ce qui existe déjà depuis un an dans la construction, afin de pouvoir détecter plus facilement les situations de détachements frauduleux ou de faux indépendants. Électronique, la signalisation par les salariés de leurs jours de chômage temporaire le sera également. Enfin, les banques de données de l’administration fiscale et des services de l’inspection sociale s’échangeront les informations afin de tendre vers plus d’efficacité encore dans leurs contrôles.

Bart Tommelein espère ainsi doubler les rentrées générées par la lutte contre la fraude sociale, en les faisant passer de 50 à 110 millions.

Mais une mesure retient particulièrement l’attention, même si elle avait déjà été évoquée lors de la présentation de l’accord de gouvernement : les données énergétiques (consommation de gaz, d’eau et d’électricité) seront désormais transmises de manière « systématique et anonymisée » par les entreprises d’utilité publique à la Banque Carrefour de la Sécurité sociale. L’objectif est de détecter la fraude au domicile. Il s’agit ainsi d’établir si la situation familiale d’un demandeur d’emploi correspond bien à ce qu’il a déclaré à l’Onem : un isolé vit-il réellement seul ? Une personne séjourne-t-elle réellement à l’adresse mentionnée ou s’agit-il de percevoir une allocation d’isolé plutôt que de cohabitant ?

« Une consommation singulièrement haute ou basse pourra faire office de « feu clignotant » en vue d’une enquête ultérieure », signale-t-on au cabinet du secrétaire d’État à la lutte contre la fraude sociale. On peut toutefois s’interroger sur la solidité de l’anonymat évoqué dans la note gouvernementale et sur les garanties qui seront éventuellement apportées à la commission de protection de la vie privée.

« Le gouvernement s’acharne sur les plus faibles »

La mesure a déjà fait réagir la FGTB. Marc Goblet, son secrétaire général, dénonce « une logique d’inquisition », qui « ne repose pas sur des arguments objectifs ». « Il y a des gens dans ce gouvernement qui ne mesurent pas l’état de pauvreté des allocataires sociaux. Beaucoup doivent faire le choix entre se soigner, se nourrir et se chauffer. Même si la consommation est faible, cela ne veut pas dire que la personne n’habite pas au domicile qu’elle a renseigné ; ou qu’elle a fait une fausse déclaration de composition de ménage. Elles économisent l’eau, le gaz et l’électricité parce qu’elles ne peuvent pas faire autrement. Il suffit de voir le nombre, élevé et en croissance, de compteurs à budget. »

Autrement dit : les données de consommation d’eau, de gaz et d’électricité « ne constituent pas des critères objectifs pour pouvoir dire s’il y a fraude ou non », poursuit le secrétaire général de la FGTB.

Pour Marc Goblet, « le gouvernement s’acharne sur la fraude sociale et sur les plus faibles, mais ne montre pas la même détermination pour lutter contre la fraude fiscale. » Il en veut pour preuve la taxe Caïman. « Sur 57 milliards d’euros qui, selon les Finances et la Banque nationale, seraient disponibles dans des paradis fiscaux (NDLR : hors Suisse, Luxembourg et États-Unis), le gouvernement espère récupérer 460 millions d’impôts. Et j’entends les experts fiscaux affirmer qu’il suffira de changer les structures de ces sociétés offshore pour ne rien avoir à payer. »

Publié par des larbins de la maison Poulaga (Dominique Berns & Pascal Lorent, LeSoir.be, 3 avril 2015)

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[Justice pour Ayoub Boutahra] Un œil à l’as

Affaire Boutahra : non-lieu à l’encontre du policier auteur du tir de flashball

Le juge d’instruction de Montbéliard a rendu son ordonnance la semaine dernière, le 2 avril. Le fonctionnaire de police, qui avait été mis en examen pour avoir blessé à l’œil le jeune Ayoub Boutahra à Audincourt le 7 février 2011 par un tir de blashball, fait l’objet d’un non-lieu.

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Selon le communiqué du Procureur de la République de Montbéliard, Thérèse Brunisso, « l’information judiciaire n’a pas permis d’établir à l’encontre du policier d’infraction pénale, qu’il s’agisse de violences volontaires, la décision de tirer étant justifiée au regard des circonstances, aucune faute pénale d’imprudence, de négligence, d’inattention ou d’inobservation des règlements n’étant caractérisée ».

Le jeune Ayoub Boutahra avait été touché par ce tir de flashball au moment où il attendait un bus et alors que la police menait une intervention de maintien de l’ordre pour séparer deux bandes de jeunes qui s’affrontaient.

Dans cette affaire, Ayoub avait perdu un œil : il avait été entendu par la police des polices quatre mois après les faits et chaque année, son comité de soutien organisait un rassemblement pour réclamer justice.

Leur presse (Florence Petit, france3-regions.francetvinfo.fr, 7 avril 2015)

Doubs : non-lieu pour le policier qui avait éborgné un mineur avec son flash-ball

À CHAUD | Le policier qui avait éborgné un mineur de 17 ans en faisant usage de son flash-ball en février 2011 dans le Doubs a bénéficié d’un non-lieu.

L’adolescent, opéré en urgence après avoir été touché par le projectile d’un flash-ball, avait perdu son oeil. Le policier qui avait éborgné un mineur de 17 ans, en faisant usage de son arme à balles en caoutchouc, en février 2011 à Audincourt dans le Doubs, a finalement bénéficié d’un non-lieu.

Un juge d’instruction de Montbéliard a rendu jeudi «une ordonnance de non-lieu à l’égard du fonctionnaire de police mis en examen pour avoir blessé ( ) par un tir de flash-ball, le jeune Ayoub Bouthara», a indiqué mardi dans un communiqué la procureure Thérèse Brunisso. «L’information judiciaire n’a pas permis d’établir à l’encontre du policier d’infraction pénale», a-t-elle précisé.

Le 7 février 2011 à Audincourt, Ayoub Bouthara, 17 ans, avait été touché à un oeil par le projectile d’un flash-ball tiré par un policier lors d’une bataille rangée entre deux bandes d’une quarantaine de personnes chacune à Audincourt. Une quarantaine de policiers et de CRS étaient intervenus. L’adolescent ne faisait pas partie des émeutiers, il attendait son bus à un arrêt lorsque les deux bandes se sont affrontées. Il avait perdu son oeil après avoir été opéré en urgence.

Le tir du policier ne peut être qualifié de «violences volontaires, la décision de tirer étant justifiée au regard des circonstances», ni «de blessures involontaires, aucune faute pénale d’imprudence, de négligence, d’inattention ou d’inobservation des règles n’étant caractérisée», a souligné la procureure.

Le comité de soutien de la victime «Justice pour Ayoub» a vivement réagi à cette décision : opposant un refus catégorique aux conclusions du juge d’instruction, le comité a annoncé son intention de faire appel. «La famille fera appel de la décision du juge, car les conditions d’usage du flash-ball et les secours portés au blessé après l’usage de l’arme n’ont pas été respectés, Ayoub était encore fouillé alors qu’il tenait son œil dans la main», affirme Odile Banet, membre du comité de soutien.

Le parquet de Montbéliard avait ouvert une information judiciaire en janvier 2012 et une enquête préliminaire avait été diligentée par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).

Jeudi, le tribunal correctionnel de Bobigny a condamné à un an de prison avec sursis un gardien de la paix accusé d’avoir gravement blessé avec un flash-ball un lycéen de 16 ans, lors d’une manifestation en octobre 2010. Ce fonctionnaire a été reconnu coupable de violences aggravées, le tribunal estimant qu’il avait «fait un usage disproportionné de la force» en tirant en dehors de toute légitime défense. Sa victime a souffert de fractures multiples au visage, devant subir six opérations pour sauver son oeil. «La justice commence à reconnaître les victimes de tirs de flash-ball et cette décision nous avait donné beaucoup d’espoir», a souligné Odile Banet commentant la décision du tribunal de Bobigny.

Publié par des larbins de la maison Poulaga (Agence Faut Payer, 7 avril 2015)

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[La liberté ou la mort] Émeute contre la pollution chimique à Naimen Banner (Mongolie intérieure)

Chine – Un mort lors d’une manifestation contre la pollution

Une personne est morte et 50 autres ont été arrêtées après que quelque 2.000 policiers ont réprimé une manifestation organisée par des villageois pour protester contre la pollution occasionnée par une usine chimique située dans la Mongolie intérieure, une province chinoise.

Selon un groupe humanitaire basé à New York, qui rapporte l’information, les habitants de Naimen Banner sont descendus dans les rues pour dire qu’un complexe chimique polluait les terres. Le Centre d’information des droits de l’homme en Mongolie du Sud cite un témoin disant que la police ont dispersé les manifestants en utilisant de balles à caoutchouc, des gaz lacrymogènes et de canons à eau, provoquant la mort de l’un d’entre eux. Un responsable des autorités locales a dit ne pas être en mesure de confirmer cette mort, refusant de faire tout autre commentaire.

La Mongolie intérieure connaît sporadiquement des moments de troubles depuis 2011, quand cette vaste région dans le nord de la Chine avait connu nombre de manifestations à la suite de mort d’un berger d’origine mongol, heurté par un camion, lors d’un mouvement de protestation contre la pollution provoquée par une mine de charbon.

Presse contaminée (Reuters, 7 avril 2015)

Fermeture d’usines polluantes en Chine

Des responsables dans le nord de la Chine ont promis de suspendre l’activité de plusieurs usines chimiques, après qu’une manifestation contre leurs émissions polluantes a été émaillée de violences, la police faisant usage de matraques et gaz lacrymogènes.

Dans un communiqué, le Centre d’information sur les droits de l’Homme en Mongolie du Sud (SMHRIC), une association de défense des membres de l’ethnie mongole, a affirmé qu’une personne avait été tuée et des dizaines d’autres arrêtées lors de l’intervention de 2.000 policiers durant le week-end.

Les manifestants dénonçaient les pollutions causées par ces raffineries, qu’ils accusent de déverser leurs polluants dans la steppe servant de pâturage aux éleveurs locaux.

Presse contaminée (LeFigaro.fr avec l’Agence Faut Payer, 7 avril 2015)

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[L’histoire du terrorisme est écrite par l’État] À quoi servent les services de renseignement ?

«Charlie», révélateur de failles

RETOUR SUR | Le texte de loi sur le renseignement entend répondre aux tueries de janvier. Mais la collecte de renseignements n’est rien si les capacités d’analyse ne suivent pas.

Aux attentats de ­Paris, le gouvernement a apporté une réponse qui se voulait adaptée à la démesure des tueries de janvier. Si le projet de loi renseignement était prévu depuis des lustres, le texte a pris un tour hautement politique. Tout, absolument tout, devant désormais s’habiller de clinquant. Les journalistes accrédités auprès de la place Beauvau ont même reçu, le 21 janvier, des SMS égrenant la longue liste des unités qui allaient être renforcées : 1100 agents supplémentaires pour le renseignement, dont 500 à la Direction ­générale de la sécurité intérieure (DGSI), 500 au Service central du renseignement territorial (SCRT), 100 à la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, etc. Sans parler des 233 millions d’euros qui vont permettre d’acquérir de nouveaux logiciels, des armes, des gilets par balle.

Certes, certains services, au premier rang desquels la DGSI, manquent cruellement de personnel. Selon les chiffres obtenus par ­Libération, cette dernière, do­tée d’un peu plus de 3000 agents, surveille 1500 islamistes radicaux : 600 dans le cadre d’écoutes judiciaires et 900 via des écoutes administratives. Le tout ayant entraîné dernièrement le démantèlement de 13 réseaux et l’ouverture de 130 procédures.

«Nous manquons de cerveaux»

Sauf que le parcours des ­frères Kouachi révèle avant tout des failles béantes dans l’analyse des données recueillies : «En France, la collecte d’informations est efficace, mais nous manquons de cerveaux pouvant les mettre en perspective», témoigne un ponte de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat). Les experts de l’antiterrorisme français ont délaissé les ­filières historiques d’Al-Qa­eda pour se concentrer sur les jeunes recrues de l’État islamique. Or, Chérif Kouachi, condamné en 2008 pour son implication dans la filière des Buttes-Chaumont, ainsi que son grand frère Saïd, se sont rendus au Yémen en 2011. Leur dangerosité ne fait alors aucun doute. Pourtant, le 7 janvier, lorsque leur carte d’identité est retrouvée dans leur voiture peu de temps après la tuerie de Charlie Hebdo, la DGSI ne dispose sur eux que de fiches rudimentaires. Selon le Monde, celle de Saïd Kouachi n’avait pas été actualisée depuis 2012. «S’ils n’étaient pas idiots au point d’avoir oublié leur carte d’identité, la DGSI aurait mis un temps fou à les retracer, soupire le gradé de l’Uclat. Il y a clairement eu un défaut de priorisation. Les renseignements ne doivent pas se structurer qu’autour de policiers. Il faut aussi des intellos, des linguistes, des ingénieurs pour savoir décrypter l’ordre du monde. Le souci, c’est qu’il va y avoir beaucoup de contractuels parmi les nouveaux.»

La trajectoire d’Amedy Coulibaly met en lumière une autre faille à laquelle ne répond pas le projet de loi : le tuilage des services. Si la DGSI n’a jamais vu le délinquant de droit commun arriver dans ses radars, le SCRT et le MS3 des prisons de Fleury-Mérogis et de Villepinte (le service de renseignement pénitentiaire) au­rait dû le signaler. Or, aucun élément n’a été transmis. Étrange lorsqu’on sait que Coulibaly a conversé des semaines durant par fenêtre interposée avec Djamel Beghal, cerveau d’un projet d’attentat déjoué contre l’ambassade des États-Unis à Paris… Simple – mais terrible – oubli ou réel problème de coordination ?

L’efficacité des services de renseignement altérée

En France, une interrogation demeure quant à la foultitude de services collectant des renseignements. Un parlementaire spécialiste de ces questions, s’indigne, par exemple, de la pertinence de la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris : «Pourquoi ne pas la fondre dans la DGSI ? Plus on dispose de services, plus il y a de frontières à franchir, et le risque de déperdition s’accroît.» La réflexion peut être élargie au maintien d’un renseignement spécifique à la gendarmerie.

Enfin, quid de la désastreuse fusion entre DST et RG menée par Sarkozy en 2008 ? Ce rapprochement a conduit paradoxalement à couper en deux les équipes des renseignements généraux ­basées en province. Une partie a été dispatchée dans les anciennes sous-directions de l’information générale tandis qu’une autre a été ventilée dans feu la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). L’efficacité des services en est encore altérée : «Détruire des équipes qui bossaient bien n’a pas été une riche idée. Nous en payons encore les conséquences aujourd’hui. Ce projet de loi aurait pu être une belle occasion de rétablir un équilibre», ­conclut, las, Jean-Marc Bailleul, secrétaire général du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure.

Publié par des larbins de la maison Poulaga (Willy Le Devin, Liberation.fr, 5 avril 2015)

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[L’« antiterrorisme » travaille] À quoi sert la DGSI ?

« Charlie Hebdo » : quand la DGSI réécrit l’histoire

La scène se déroule au lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo. Il est 19 h 50, ce jeudi 8 janvier, lorsqu’un agent du renseignement territorial (ex-RG) téléphone à l’ancien syndicaliste policier, Jo Masanet. Il lui parle de la cellule de crise mise en place « avec Bernard Cazeneuve et tous les services de renseignement », place Beauvau. Puis l’agent marque une pause. Il hésite, cherche ses mots pour évoquer les frères Kouachi toujours recherchés : « Bon, par contre… Faut savoir que, heu… On avait les informations déjà sur les individus… On les avait suivis, on les avait sur notre base de données… » Ils les connaissaient mais ne les surveillaient pas.

« On avait constaté que la DGSI (la direction générale de la sécurité intérieure) était dépassée par les événements, d’accord ? Donc, on a un gros souci, là-dessus… » Cette conversation, écoutée par des enquêteurs en marge d’un dossier de trafic d’influence, illustre ce que beaucoup pensent sans oser le dire dans un cadre officiel. Et ce même au sein de la DGSI, traversée depuis par de légitimes questions sur ses choix stratégiques et ses méthodes de travail.

L’enquête du Monde révèle ces dysfonctionnements évoqués par l’interlocuteur de Masanet. Il ne s’agit pas d’assurer que les attentats qui ont fait 17 morts en janvier auraient pu être déjoués mais, au moment où le gouvernement présente un projet de loi attribuant des pleins pouvoirs techniques aux services de renseignement, de mesurer la nature exacte des erreurs commises. Et de remettre en doute la version officielle, servie au lendemain des attentats.

Lorsque, le samedi 10 janvier, Le Monde publie un article décrivant « la myopie des services de renseignement », aveuglés par les départs de jeunes en Syrie et délaissant les vétérans du djihad, comme Chérif Kouachi, le ministère de l’intérieur organise dans l’après-midi « un débrief» avec des médias afin de désamorcer la polémique. À Beauvau, encadrés de collaborateurs du ministre, Patrick Calvar, le patron de la DGSI, et Lucile Rolland, la chef de la sous-direction « T » chargée de la lutte antiterroriste, détaillent sous le sceau du off à dix journalistes le dispositif qui visait les frères Kouachi.

Les jours suivants, les médias reprennent ces éléments de langage : Chérif Kouachi a été surveillé jusqu’à la fin de l’année 2013, son frère Saïd jusqu’à l’été 2014, mais rien ne laissait penser qu’ils préparaient un attentat et, de toute façon – affirment des articles, citant « Beauvau » ou « certains cadres du renseignement » –, les écoutes administratives avaient dû être interrompues à la demande de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), l’autorité administrative indépendante chargée du contrôle de ces enquêtes.

Interrogations sur la réalité d’une surveillance

Ce qui provoque, lundi 12 janvier, un démenti de la CNCIS : « À aucun moment (la Commission) n’a manifesté d’opposition (…). Les affirmations contraires sont, par conséquent, au mieux une inexactitude, au pire une manipulation. » Ce communiqué aura peu d’écho. L’opération a fonctionné : la polémique s’est détournée de la DGSI.

Pourtant les renseignements qu’elle a fournis durant la traque sont de nature à s’interroger sur la réalité de la surveillance des Kouachi. Le 7 janvier, la note de renseignement sur Saïd Kouachi fait moins de deux pages, et les informations datent d’avant 2012.

N’y figurent pas les deux fiches « S » – pour sûreté de l’État – qui le présentent comme un « individu susceptible d’être lié à la mouvance islamiste radicale internationale » dont « les déplacements à l’étranger [sont] de nature à compromettre la sécurité nationale ». Il n’y est même pas mentionné son mariage, ni sa paternité. Il faudra attendre le 9 et une note « mise à jour » pour que la DGSI communique un état civil complet.

Autre lacune : les trois adresses données pour son mandat de recherche se révèlent « erronées ». Dans la foulée, un nouveau mandat est émis avec trois adresses supplémentaires. Pour un même résultat. L’une d’elles, à Pantin, concerne un homonyme de 81 ans… En réalité, le terroriste vit à Reims depuis des années. Son adresse n’a jamais changé, à un détail près : le nom de la rue a été rebaptisé le 26 février 2014, date à laquelle la DGSI est censée le surveiller.

Les parents Kouachi mis sur écoute sont décédés

La note sur Chérif Kouachi, condamné en 2008 dans le dossier de la filière irakienne des Buttes-Chaumont, n’est pas mieux renseignée et se révèle plus sommaire que celle de son beau-frère, un jeune de 18 ans ayant manifesté sur Internet son désir de partir en Syrie, l’obsession des services de renseignement. Symbole du manque de connaissance de ceux qu’ils sont supposés avoir surveillés durant près de trois ans : la DGSI met sur écoute, après la tuerie de Charlie Hebdo, une ligne de téléphone attribuée aux parents de Chérif et Saïd en Algérie, avant de réaliser qu’ils sont morts depuis plus de vingt ans.

Le jeudi 8 janvier, le New York Times révèle que Saïd Kouachi se serait rendu au Yémen durant l’été 2011. Ce voyage va être abordé lors du débrief à Beauvau : les États-Unis avaient alerté les services français, ajoutant que Salim Benghalem, un délinquant radicalisé en prison, l’accompagnait. Mais la DGSI passe sous silence un élément capital. Dans le cadre d’un dossier de filière djihadiste, la justice a entendu, les 28 et 29 janvier 2014, un témoin qui rapporte les confidences faites par Salim Benghalem à propos du voyage au Yémen. Benghalem y a rencontré « un membre haut placé » d’Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA). « [Salim] a reçu une formation à la manipulation des armes. (…) Quelqu’un lui avait donné pour mission de commettre un attentat en France, il me semble que c’était contre une université américaine en France. (…) Il fallait qu’il se rende sur place avec une arme et qu’il tue tout le monde. » Le lendemain, ce témoin complétera : « [son] groupe était constitué de plusieurs Français ».

Le témoin n’a pas prononcé le nom de Kouachi mais sa description d’un commando entraîné pour commettre des attentats en France est jugée suffisante pour relancer des écoutes sur Saïd début 2014. Pas assez pour en faire une priorité et consacrer des effectifs à des filatures. Au regard du mode opératoire de la tuerie de Charlie Hebdo et alors que celle-ci a été revendiquée par AQPA, se contenter d’écoutes sur un individu habitué depuis une dizaine d’années à ne rien dire au téléphone résonne a posteriori comme une erreur.

Ce qui n’est pas sans rappeler un autre épisode douloureux au contre-espionnage français : la DCRI – l’ancienne appellation de la DGSI – avait stoppé les surveillances sur Mohamed Merah six mois avant qu’il ne tue sept personnes en mars 2010 à Toulouse et à Montauban. Comme pour les Kouachi, le service se justifiait en disant que Merah n’avait « aucune activité radicale apparente » et surtout que la CNCIS n’avait pas autorisé les écoutes.

L’histoire se répète. À une exception. Nommé après l’affaire Merah, le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, avait assuré que c’était « l’intérêt de l’État que la vérité soit faite ». Vingt-quatre documents avaient été déclassifiés. On avait alors découvert que les rapports de la DCRI contredisaient la version de … la DCRI. M. Merah n’était pas « un loup solitaire » qui s’était autoradicalisé mais au contraire une « cible privilégiée » au sein d’un réseau identifié. Personne n’a encore réclamé la déclassification des comptes rendus de surveillance des Kouachi entre 2011 et 2014. Le ministère de l’intérieur, qui avait créé la DGSI en mai 2014 pour pallier ces dysfonctionnements, n’a pas souhaité faire de commentaire.

Publié par des professionnels de la profession (Matthieu Suc, LeMonde.fr, 3 avril 2015)

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[L’« antiterrorisme » travaille] Opérations de répressions et de restrictions des libertés tous azimuts

Depuis le 7 janvier dernier, « l’unité nationale pour la liberté d’expression » n’en finit plus d’être le bras armé pour des opérations de répressions et de restrictions des libertés tous azimuts.

Dès le 8 janvier, des élèves sont convoqués par la police sur dénonciation de leurs enseignants. Dans le même temps, des animateurs et animatrices sont mis à la porte pour ne pas avoir respecté la minute de silence.

Dans le même temps, les enseignants sont sommés d’organiser des débats dans leur classe et ont à subir les dénonciations de parents d’élèves tels Jean-François Chazerans à Poitiers qui est immédiatement suspendu et déplacé d’office par décision rectorale.

La CNT FTE dénonce ce climat sécuritaire et moraliste qui engendre des conduites délatoires et isole les personnels, les élèves et les parents entre eux. C’est l’ère du soupçon généralisé. Les référents Laïcité mis en place à la rentrée 2014 vont-ils se transformer en référents Bonne Parole, en censeurs, en divulgateurs de la Bonne Pensée, du Bon Enseignement et de la Bonne Éducation ?

Il n’est évidemment pas possible d’envisager une quelconque action éducative ou d’enseignement dans ce contexte délétère. Nul, enfant ou adulte, ne peut prendre le moindre risque d’apprendre s’il ne peut compter sur la bienveillance et la confiance de la communauté qui est censée le protéger.

Parents et travailleuses-eurs des écoles, des collèges, des lycées, des structures de loisirs doivent pouvoir se parler, dans un climat apaisé.

Car l’école publique a besoin de tous ses acteurs -parents, élèves et personnels- pour faire entendre ses revendications. Ce flicage qui nous divise affaiblit les luttes collectives, syndicales, sociales et pédagogiques.

Communiqué de la Fédération CNT des travailleur-euse-s de l’Éducation réuni-e-s en commission administrative le 3 avril 2015

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La cyberpolice travaille

Renseignement : la commission des lois a encore durci le texte

Mouvements sociaux sous surveillance, espionnage économique, collecte massive de données … lors de son passage en commission des lois, le texte du gouvernement renforçant les pouvoirs des services de renseignement a été considérablement musclé par les députés, et ce malgré les multiples alertes des associations et organisations professionnelles.

Lors de sa présentation en conseil des ministres, le jeudi 19 mars, le projet de loi renseignement avait suscité une levée de boucliers sans précédent. Les associations de défense des libertés, mais également de magistrats et de policiers, les professionnels du Net, le Conseil national du numérique et même le président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) avaient pointé les nombreuses menaces que ce texte fait peser sur les libertés individuelles.

Lors de son examen par la commission des lois de l’Assemblée nationale, chargée d’amender le texte avant son vote par les députés, le nouveau dispositif de surveillance voulu par le gouvernement, loin d’être adouci, a encore été renforcé. Sous la houlette du très actif député PS Jean-Jacques Urvoas, rapporteur et véritable maître d’œuvre du projet, les parlementaires ont adopté une série d’amendements élargissant fortement les nouveaux pouvoirs accordés aux services de renseignement.

Préparée de longue date, mais présentée en urgence après les attaques de Paris du 7 janvier dernier, la loi renseignement est censée prolonger et compléter la loi de programmation militaire (LPM) de décembre 2013, qui accroissait déjà considérablement les moyens des services spéciaux. La philosophie de ces deux textes est identique : « légaliser » des pratiques déjà existantes au sein des services, en échange d’un encadrement de celles-ci, et leurs offrir de nouveaux outils leur permettant de mieux surveiller Internet, présenté comme le lieu de recrutement et d’organisation des terroristes.

Avant sa présentation en conseil des ministres, le projet de loi renseignement avait été transmis au conseil d’État qui avait demandé une série de modifications. À l’occasion du passage du texte par la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas a déposé pas moins de 161 amendements, quasiment tous adoptés, visant pour une bonne part, selon ses propres termes, à passer outre l’avis du conseil d’État et à rétablir son texte dans sa version antérieure.

Une grande partie de ces amendements visent l’article premier du projet de loi, modifiant « les principes et les finalités de la politique de renseignement », un article central car fixant le cadre du renseignement, à savoir qui a le droit de recourir aux nouveaux « outils » offerts aux espions et dans quels cas.

La liste des « intérêts publics » pouvant justifier « le recueil de renseignements » sera fixée par l’article L. 811-3. Jusqu’à présent, ceux-ci étaient au nombre de cinq, établis par l’article L241-2 du code de la sécurité intérieure : « la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous en application de l’article L. 212-1 ». La version initiale du texte transformait le « potentiel scientifique et économique » en « intérêts économiques et essentiels de la France », mais surtout ajoutait deux nouvelles finalités : « les intérêts essentiels de la politique étrangère et l’exécution des engagements européens et internationaux de la France » et surtout « la prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ».

Cette dernière formulation laisse craindre l’utilisation de ce dernier alinéa pour placer sous surveillance certains mouvement sociaux ou groupes jugés trop radicaux ou encore de catégories entières de la population, par exemple dans les banlieues. Le ministère de l’intérieur n’écarte d’ailleurs même pas ces hypothèses, évoquant les situations d’émeutes urbaines. Lors de son audition par la commission des lois, mardi dernier, le ministre lui-même, Bernard Cazeneuve a confirmé que le texte viserait les « mouvances identitaires ». « Que les choses soient claires, ces mouvements, en raison des actions qu’ils déclenchent, peuvent se trouver à l’origine de violences portant atteinte aux fondamentaux de la République », a-t-il déclaré. « Lorsque ces mouvances se proposent d’aller à la sortie des lieux de culte pour procéder à des agressions, devons-nous prévenir ces actes ou les laisser se déployer ? », a ajouté Bernard Cazeneuve, une déclaration pouvant faire penser aux violences ayant éclaté près de la synagogue de la rue de la Roquette, en marge d’une manifestation de soutien à Gaza à Paris au mois de juillet dernier.

Un des amendements de Jean-Jacques Urvoas vise l’alinéa d’introduction de l’article L. 811-3. Celui-ci stipulait, dans la version initiale, que les renseignements collectés doivent être « relatifs aux intérêts publics suivants : », avant d’énumérer les sept « finalités » précitées. L’amendement du député modifie cette phrase afin que le recueil concerne désormais les informations relatives « à la défense et à la promotion des intérêts publics suivants ». L’introduction de ces quelques mots change en fait totalement la philosophie du renseignement en ouvrant la voie, par le terme « promotion », à un renseignement « offensif ». Dans l’exposé de son amendement, Jean-Jacques Urvoas fait d’ailleurs directement référence à l’espionnage, pourtant unanimement dénoncé, pratiqué par des pays tels que les États-Unis sur leurs concurrents dans le cadre de l’espionnage économique. « Il paraît indispensable d’assurer une démarche de collecte de renseignements au profit de certains secteurs vitaux pour notre pays, notamment dans le domaine économique, à l’instar de ce que pratiquent tous les services de renseignement de nos partenaires (souvent à notre détriment) », explique-t-il.

Une autre très légère modification, aux implications non négligeables, a été apportée par un autre amendement du rapporteur au même article L. 811-3, à l’alinéa citant, comme finalité du renseignement, « les intérêts essentiels de la politique étrangère ». Le mot « essentiel » a été remplacé par « majeur ». Cette substitution, loin d’être anodine d’un point de vue juridique, était demandée par le ministère de la défense, notamment pour ses opérations « extérieures ». La notion d’« essentiel », explique Jean-Jacques Urvoas dans l’exposé de son amendement, paraissait « trop restrictive et n’offrant un cadre suffisant à l’action de nos services extérieurs (notamment la Direction générale de la sécurité extérieure qui constitue un outil déterminant dans la conduite de la politique extérieure de la France) ».

De même, toujours concernant le renseignement économique, Jean-Jacques Urvoas a fait introduire la protection des intérêts « majeurs » « économiques », « scientifiques », mais également désormais « industriels » de la France.
Un dispositif de contrôle contournable en cas « d’urgence »

Plusieurs amendements, déposés par des opposants ou des partisans du texte, ont par la suite encore modifié cette liste des finalités du renseignement. Après le remplacement par « la prévention de la prolifération des armes de destruction massive » du cas critiqué de « prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique », ce dernier a été finalement réintroduit, sous une forme légèrement atténuée. Ces violences doivent désormais menacer « la forme républicaine des institutions » ou « la sécurité nationale ». Dans le texte sur lequel les députés auront à se prononcer, la liste de l’article L. 811-3 sera ainsi la suivante :

1- L’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale

2- Les intérêts majeurs de la politique étrangère et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère

3- Les intérêts économiques, industriels et scientifiques essentiels de la France

4- La prévention du terrorisme

5- La prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des violences collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale, de la reconstitution ou d’actions tendant au maintien de groupements dissous en application de l’article L. 212-1

6- La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées

7- La prévention de la prolifération des armes de destruction massive

Un autre amendement modifie le régime dérogatoire « d’urgence » introduit par le texte. Le projet de loi permet aux services de renseignement de recourir, en plus des interceptions de communications classiques, à toute une série de gadgets jusqu’à présent utilisés en dehors de tout cadre légal. Il s’agit par exemple des balises de géolocalisation, des dispositifs de sonorisation de lieux privés, les IMSI Catcher, des appareils permettant d’aspirer toutes les données de téléphones ou d’ordinateurs situés à proximité ou encore le « recueil immédiat, sur les réseaux des opérateurs », des données de connexion d’internautes. En contrepartie à cette « légalisation », le texte prévoit une série de garde-fous et de contrôles, et notamment la création d’une nouvelle autorité administrative indépendante, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), qui remplacera à terme l’actuelle Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS). L’article 821-1 prévoit en outre que « la mise en œuvre sur le territoire national des techniques de recueil du renseignement » est soumise « à autorisation préalable du premier ministre », « après avis » de la CNCTR.

Mais le texte prévoit également un moyen de contourner ce dispositif de contrôle « en cas d’urgence », en distinguant deux cas. L’article 821-5, sur les procédures d’autorisation, stipulait à l’origine que, « en cas d’urgence absolue », « le premier ministre peut autoriser le service à mettre en œuvre la technique concernée sans avis préalable de la commission ». Dans ce cas, « il en informe immédiatement et par tout moyen » la CNCTR. L’article L. 851-6, traitant plus particulièrement des dispositifs de « localisation en temps réel d’une personne, d’un véhicule ou d’un objet », évoquait de son côté une « urgence liée à une menace imminente ou à un risque très élevé de ne pas pouvoir effectuer l’opération ultérieurement » et permettait d’effectuer la surveillance sans aucune autorisation, à la condition d’en informer « sans délai » le premier ministre et la CNCTR.

Au prétexte « d’instituer un régime unique et plus efficient encadrant la mise en œuvre d’une technique de renseignement en cas d’urgence », un amendement de Jean-Jacques Urvoas copie, en partie, le dispositif prévu pour les géolocalisations afin de l’appliquer à l’ensemble des techniques de renseignement. Le terme « urgence absolue » a ainsi été transformé en « urgence liée à une menace imminente ou à un risque élevé de ne pouvoir effectuer l’opération ultérieurement ». De plus, désormais, ce n’est plus le premier ministre qui délivre l’autorisation, mais directement le service concerné. Celui-ci a l’obligation d’informer « sans délai » son ministre de tutelle, le premier ministre ainsi que la CNCTR. Seule limite, le texte prévoit que « le présent article n’est pas applicable lorsque l’introduction (…) concerne un lieu privé d’habitation ou que la mise en œuvre d’une technique de renseignement porte » sur un journaliste ou un avocat.

Les quelques amendements tentant d’adoucir le projet de loi ont, eux, été majoritairement écartés. Ainsi, la commission des lois a rejeté un amendement demandant que soit obligatoirement réunie la CNCTR « lorsque la demande concerne les avocats, les journalistes et les parlementaires ». Malgré les demandes de plusieurs ONG et associations, aucune profession ne fait pour l’instant l’objet d’une quelconque protection particulière, hormis dans le cadre de la procédure « d’urgence ».

Parmi les modifications retenues, on peut toutefois souligner le droit à un « accès permanent » aux données collectées par les services accordé à la CNCTR. Le texte initial ne prévoyait qu’un « droit d’accès », un recul par rapport à la situation actuelle qu’avait dénoncé le président de la CNCIS Jean-Marie Delarue. Celui-ci s’inquiétait en effet du fait que les informations soient gérées par chacun des services, obligeant les agents de la CNCTR à demander à chacun d’entre eux l’autorisation avant de pouvoir consulter directement les fichiers.

Un autre amendement déposé par le socialiste Pascal Popelin propose lui que « la politique publique de renseignement » « relève de la compétence exclusive de l’État ». Derrière cet amendement se dissimule en fait l’un des autres enjeux de ce texte : à qui seront confiées les opérations de surveillance, notamment sur Internet.

Le projet offre en effet de nouveaux pouvoirs particulièrement importants pour collecter, potentiellement en masse, les données de connexion, ou métadonnées, de suspects. Outre le « recueil immédiat, sur les réseaux des opérateurs », il prévoit la possibilité d’installer, directement chez les opérateurs ou fournisseurs de services, des algorithmes prédictifs censés être capables d’analyser une masse de données pour « prévoir » des passages à l’acte terroristes. Or beaucoup craignent que cette tâche ne soit sous-traitée à des entreprises privées employant des technologies particulièrement intrusives, comme par exemple le « deep packet inspection », une technologie proposée par exemple par la société française Qosmos.

Ces craintes sont loin d’être sans fondement. Comme l’ont déjà rapporté plusieurs journaux, dont Mediapart, une société comme Qomos est déjà liée au gouvernement par plusieurs contrats classés « secret défense » et dont l’objet est, à ce jour, inconnu. De plus, lors d’auditions préparatoires de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas avait invité des représentants de Blue Coat, une société américaine spécialisée dans la surveillance du Net grâce au DPI très défavorablement connue des associations de défense des droits de l’homme, notamment pour avoir vendu ses services aux régimes birman et syrien. L’audition de Blue Coat a finalement été annulée à la dernière minute, et sans explication.

Le risque « d’une collecte massive et d’un traitement généralisé des données »

Cette troisième loi sécuritaire du mandat de François Hollande, après la LPM de 2013 et la loi antiterroriste votée à la fin de l’année dernière, a déclenché tout comme les précédentes une vague de critiques émanant d’organisations de défense des droits de l’homme, comme Reporters sans frontières, La Quadrature du Net, Amnesty International, Ligue des droits de l’homme, mais également d’organisations professionnelles comme le Syndicat de la magistrature, l’Union syndicale des magistrats, le Syndicat des avocats de France ou encore la CGT-Police. Elle a également essuyé les critiques d’organismes officiels comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), le Conseil national du numérique (Cnnum), du président de la CNCIS Jean-Marie Delarue ainsi que du défenseur des droits, Jacques Toubon.

Au niveau politique, jusqu’à présent, seul le groupe EELV a annoncé, dans un communiqué publié jeudi 2 avril, qu’il s’opposerait à « une loi dangereuse pour la démocratie et la citoyenneté ». « En amputant nos concitoyens de plusieurs droits fondamentaux, on offre aux terroristes ce que les armes n’ont pu obtenir : ces nouveaux pouvoirs de surveillance et donc de suspicion généralisée touchent aux valeurs et aux droits fondamentaux qui font qu’une démocratie peut se revendiquer comme telle », écrivent les élus écologistes. « EELV encourage les députés et sénateurs français à rejeter ce blanc-seing qu’ils s’apprêtent à offrir à l’État au prétexte de répondre. »

La commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, composée de députés et de personnalités (dont Edwy Plenel, cofondateur de Mediapart), a de son côté publié une série de recommandations. « La légalisation de pratiques de surveillance jusqu’alors peu encadrées ne doit pas être l’occasion d’étendre à l’excès le périmètre de cette surveillance », affirme la commission. Celle-ci demande notamment à ce que « la protection des données à caractère personnel » collectées sur les citoyens soit reconnue comme « un droit fondamental à part entière », protégé comme le sont les correspondances et les domiciles privés.

La commission s’inquiète également de la mise en place des algorithmes prédictifs ouvrant « la possibilité, à des fins de prévention du terrorisme, d’une collecte massive et d’un traitement généralisé des données ». Elle se dit ainsi « fortement préoccupée par l’usage préventif de sondes et algorithmes paramétrés pour recueillir largement et de façon automatisée des données anonymes afin de détecter une menace anonyme ».

Leur presse (Jérôme Hourdeaux, Mediapart, 3 avril 2015)

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[Mettre en échec l’impunité et la violence policière] Communiqué de l’Assemblée des blessés, des familles et des collectifs contre les violences policières

CONDAMNÉ POUR VIOLENCES VOLONTAIRES ET FAUX ET USAGE DE FAUX : UN POLICIER PERD DEUX POINTS SUR SON PERMIS DE TUER

Dix ans au moins que nous nous faisons tirer dessus à coup de flashball et de lanceur de balles en diverses circonstances.
Dix ans que s’accumulent les blessures, les mutilations irréversibles et parfois la mort.
Dix ans d’humiliation, à vérifier l’impunité dont bénéficient les policiers à coup de classements sans suite, de non-lieux et de relaxes.

Le 20 mars dernier la cour d’assises de Mamoudzou, à Mayotte, a condamné un gendarme pour avoir éborgné un enfant de 9 ans en 2011 – c’est une première pour une cour d’assises. Il a été reconnu coupable de violences volontaires ayant entraîné une mutilation et une infirmité permanente et condamné à deux ans de prison avec sursis.
Aujourd’hui, Jean-Yves Césaire, le policier qui avait tiré sur Geoffrey Tidjani à Montreuil en 2010 alors qu’il participait à un blocus devant un lycée pendant le mouvement contre la réforme des retraites, a été reconnu coupable par le tribunal correctionnel de Bobigny de violences volontaires aggravées et de faux et usage de faux. Il a été condamné à un an de prison avec sursis, deux ans d’interdiction de port d’arme et un an d’interdiction d’exercer.
Si les lignes semblent bouger, ces peines sont finalement bien symboliques. Dans le premier cas, dès le lendemain du verdict le gendarme a pu reprendre sa triste fonction et son arme, et de nouveau tirer. Aujourd’hui en suspendant et désarmant temporairement Jean-Yves Césaire, la justice n’a fait que retirer au policier quelques points sur son permis de mutiler et de tuer, points qu’il pourra récupérer dans 2 ans. Dans deux ans il pourra tirer et mentir à nouveau.
Nous nous réjouissons cependant pleinement de la condamnation pour faux et usage de faux. Malgré une vidéo invalidant totalement les déclarations policières, Geoffrey et sa famille avaient dû longuement batailler pour que cette plainte pour faux soit instruite. Aujourd’hui la juge a dû reconnaître que les procès verbaux des policiers étaient un tissu de mensonges assermentés. Même si elle a réussi à ne jamais le dire explicitement, parlant avec prudence d’« habillage de la vérité », pour une fois la justice a admis que la police ment pour se couvrir, ce qui n’est pas une exception mais la règle.
Sans cette vidéo, c’est Geoffrey qui aurait été condamné sur la base des mensonges des policiers, et ceux-ci jamais poursuivis. Nous nous félicitons donc que les charges contre Geoffrey aient été abandonnées, et qu’il n’ait pas eu à subir l’affront d’une relaxe. Le policier bredouillant et mal à l’aise, et au delà tous ses collègues venus remplir la moitié de la salle en soutien, a dû rendre des comptes et subir les assauts que le procureur réserve habituellement aux petits délinquants. Ce sont eux, cette fois, qui ont dû écouter en silence un verdict en forme de rappel collectif à la loi et la déontologie. Que les policiers ne puissent plus tirer en se disant qu’ils seront couverts de toutes façons, qu’ils aient eux aussi quelque chose à perdre, que la peur les habite un peu, constitue une petite victoire.
Petite victoire quand tant de proches de personnes tuées par la police doivent faire face au déni de justice, aux mensonges policiers, aux non-lieux. Quand au sein de l’Assemblée des blessés, des familles et des collectifs contre les violences policières, on a vu les policiers ayant tiré sur Pierre, Casti, Quentin, Yann, Davy, Ayoub – tous blessés ou mutilés par des lanceurs de balles – blanchis par la justice, le plus souvent sans procès ni réelle instruction.
À propos des flashballs et LBD, la juge a admis qu’il « convient de s’interroger sur la pertinence du recours aux armes de type flashball » : « arme dangereuse », à la « fiabilité douteuse », dont l’usage est souvent « aventureux » et dont le « statut d’arme collective tend à déresponsabiliser ses usagers ». Elle a enfin pointé la banalisation de l’utilisation de ces armes, tout en insistant sur le fait que le tireur n’avait pas à l’utiliser hors contexte de « violences urbaines », laissant supposer que dans ce cas le policier aurait pu mutiler en toute impunité.
Ce procès a ainsi jeté une lumière crue sur les pratiques de la police en général, plus spécialement dans les quartiers populaires et tout particulièrement en Seine St-Denis. Déclaration de Jean-Yves Césaire : « le flashball ce n’est pas quelque chose d’inconnu en Seine-St-Denis ». Aurait-on assisté à de telles méthodes pour lever le blocus d’un lycée dans le centre parisien ?
Nous le répétons : dans la rue ou dans les manifestations, il n’y a pas de bon usage d’une arme comme le flashball. Blesser et terroriser sont ses objectifs et non ses dérives. Il n’y a qu’une seule manière d’arrêter la multiplication des mutilations qu’elle entraîne : désarmer la police.

En novembre dernier, nous avons décidé de constituer l’Assemblée des blessés, des familles et des collectifs contre les violences policières, pour se soutenir mutuellement et trouver ensemble les moyens d’entraver l’usage de ces armes. Nous n’avons pas peur. Nous poursuivrons tous les policiers responsables de blessures par des procédures pénales et attaquerons également devant le tribunal administratif l’autorité politique qui les arme. Faire qu’à chaque blessé, les policiers tireurs craignent pour leur poste et que l’État soit condamné. Dans les tribunaux ou dans les manifestations, dans les commissions parlementaires ou devant les usines d’armement, nous serons-là, déterminés à mettre en échec l’impunité et la violence policière.

LES POLICIERS NOUS BLESSENT
POURSUIVONS-LES !

Assemblée des blessés, des familles et des collectifs contre les violences policières, le 2 avril 2015

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[Opération Piñata] Cinq compagnons incarcérés, dix en contrôle judiciaire, et des tonneaux de merde

Opération Piñata : cinq compagnons incarcérés, dix en contrôle judiciaire, et des tonneaux de merde

Le juge de l’Audiencia Nacional Eloy Velasco a renvoyé en prison préventive mercredi 1er avril en début d’après-midi 5 des 15 arrêtés lors de l’opération policière nommée Piñata du lundi 30 mars (24 autres ont été arrêtés pour « résistance et désobéissance » lors des 17 perquisitions puis relâchés) qui s’est déroulée à Madrid, Barcelone, Palencia et Grenade.

Le juge a renvoyé en prison les 5 compagnons suivant…
Paul Jara Zevallos (de Madrid),
Jorge Linares Izquierdo (de Madrid),
Javier García Castro (de Madrid),
Javier Grijalbo Adan (de Palencia)
Enrique Balaguer Pérez (de Madrid)
… et relâché les 10 autres (trois de Barcelone et sept de Madrid) en liberté conditionnelle sous contrôle judiciaire (confiscation de passeport, interdiction de sortie du territoire et pointage tous les 15 jours). Ils restent accusés d’appartenance aux GAC.

Tous les cinq sont inculpés de participation à une organisation terroriste (de type « insurrectioniste-anarchiste » rajoutent les journaux), soit du délit d’ « organisation criminelle » selon l’article 570bis du code pénal, avec la circonstance aggravante de « visant à subvertir l’ordre public et altérer gravement la paix publique ». Le nom de cette organisation serait les Groupes Anarchistes Coordonnés (GAC), à laquelle est reprochée la « coordination et la promotion de sabotages », dont ceux de 114 distributeurs de billets, et d’être possiblement liée aux attaques explosives contre les cathédrales d’El Pilar à Saragosse (pour laquelle Mónica et Francisco sont en préventive depuis plus d’un an) et de La Almudena à Madrid (7 février et 1er octobre 2013).

Les éléments matériels cités par le juge sont ceux retrouvés lors des perquisitions comme « des manuels pour confectionner des engins explosifs et de tactique de guerilla », des bonbonnes de camping-gaz, des « photos de policiers et de commissariats », des « manuels d’auto-défense et de technique pour éviter les filatures », des « dispositifs techniques d’accès chiffré au wifi pour rendre la navigation internet anonyme », … Bref, du papier, beaucoup de papier comme d’habitude, alors que Velasco se targue d’avoir embastillé « les leaders des GAC de Madrid, Barcelone et Palencia ». Le compagnon de Madrid, Enrique « Kike », accusé d’être le pseudo chef national des GAC, venait à peine d’être relâché le 30 janvier de prison avec les autres coinculpéEs de l’Opération précédente, Pandora. Les quatre autres ont reçu les titres de « responsables de l’appareil financier, de propagande et d’action directe » des GAC ou celui de « chef des GAC » de Madrid et de Palencia !! L’État regarde sa sale gueule dans un miroir et projette sur des compagnons sans maîtres ni esclaves sa propre face faite de hiérarchies, de leaders et de spécialisation. Au total, cette descente policière est la troisième depuis plus d’un an avec pour prétexte les attaques attribuées aux Groupes anarchistes coordonnés, et le nombre de perquisitions se monte désormais à une trentaine et les mises en examen à au moins 28.

Lors de leur sortie du bureau du juge, un rassemblement d’une soixantaine de solidaires se déroulait, lors duquel les journalistes ont notamment été pris à partie aux cris de « charognards ». Un nouveau rassemblement solidaire est prévu ce soir mercredi 1er avril à Madrid à 21h, place Tirso de Molina, dont le texte d’appel pose clairement la donne : « Solidarité. Entr’aide. Action directe. Mort à l’État et vive l’anarchie ». Lors de la manif au même endroit hier, quatre personnes ont été interpellées et les affrontements avec les flics ont fait douze blessés légers (dont huit keufs).

Ni innocents ni coupables,
Liberté pour toutes et tous !
Solidarité offensive !

[Synthèse de la presse espagnole et de sites du « mouvement »] Brèves du désordre, 1er avril 2015

Anarchistes en détention pour « sabotages »

Cinq anarchistes ont été placés en détention mercredi, soupçonnés d’être impliqués dans des sabotages de distributeurs de billets.

Ces criminels supposés sont également soupçonnés d’avoir placé un engin explosif dans la cathédrale de Madrid en 2013, selon une source judiciaire.

Dix autres personnes avaient été arrêtées lundi lors d’une opération de police menée simultanément à Madrid, Barcelone (est), Palencia (nord) et Grenade (sud-est). Elles ont été laissées libres sous contrôle judiciaire, selon cette source.

Lors des arrestations visant ces 15 personnes, les forces de l’ordre ont saisi des manuels de confection d’engins explosifs et de tactiques de guérilla urbaine, des photos de policiers et de commissariats et des revendications d’attaques à l’engin explosifs.

Les cinq détenus, Paul Jara, Jorge Linares, Javier García Castro, Javier Grijalbo et Enrique Balaguer, sont poursuivis pour « appartenance à une organisation terroriste de type anarcho-insurrectionnelle », a-t-elle ajouté.

Membres des « Groupes anarchistes coordonnés (GAC) dont trois sont les chefs présumés de cette organisation à Madrid, Barcelone et Palencia, ils sont soupçonnés « d’actes de coordination et d’organisation de sabotage et de dégradation de 114 distributeurs » de billets de banque.

« Vive l’anarchie »

La justice enquête également sur leur éventuel lien avec le placement d’un engin explosif désamorcé dans un confessionnal de la cathédrale de l’Almudena à Madrid le 7 février 2013 et celui ayant explosé dans la Basilique Pilar de Zaragosse (centre-est) le 2 octobre suivant, causant des dommages matériels.

Le placement de l’engin avait été revendiqué par le « Commando Insurrectionnel Mateo Morral », du nom de l’anarchiste ayant mené un attentat contre le roi Alphonse XIII et la reine Victoire Eugénie le jour de leur mariage, le 31 mai 1906, manquant le couple mais faisant 24 morts.

À leur sortie de l’audience nationale, compétente en matière pénale, les personnes laissées libres ont été accueillies par un groupe de jeunes aux cris de « Mort à l’État ! Vive l’anarchie ! »

Publié par des larbins de la maison Poulaga (Agence Faut Payer, 1er avril 2015) via Brèves du désordre

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[Adresse aux zadistes] L’État s’appuie toujours quand il peut sur des complices locaux

L’État s’appuie toujours quand il peut sur des complices locaux

Tout d’abord, pour lever toute ambigüité, nous sommes solidaires avec les luttes avec occupation menées contre différents projets industriels et capitalistes qui, plus qu’aménager le territoire, contribuent à aménager nos vies. Nous sommes non seulement solidaires, mais nous y contribuons activement même si nous ne nous définissons pas comme zadistes.Toutefois, nous ne nous retrouvons pas toujours avec ce qui y est porté. C’est assez logique, étant donné la diversité des gens qui luttent. Nous passerons aujourd’hui sur la question de la composition et de la manière de composer, sur laquelle nous reviendrons peut-être plus tard. Nous avons décidé de rédiger cette première adresse dont le but n’est pas de donner des leçons que nous serions bien peu légitimes à tenir, mais de partager nos remarques, nos doutes et nos inquiétudes.

Ces derniers temps, la rage nous a évidemment saisis quand nous avons eu connaissance que des « pro-barrages » à Sivens, ou des « pro-Center parcs » à Roybon, se sont organisés contre les « zadistes » : barrer les routes pour empêcher l’arrivée de nouvelles personnes en lutte et réduire l’approvisionnement logistique, dégrader les véhicules des zadistes ou les cabanes des campements, menaces, insultes, agressions etc. Solidaires des gens sur place, les réactions et les discours de certains et certaines zadistes nous ont parfois laissés perplexes. À Sivens, certains et certaines s’indignaient que les flics ne s’interposent pas et ne protègent pas au moins les véhicules amis et les personnes. À Roybon, certains et certaines s’indignaient du fait que les gendarmes ne prennent pas le temps d’enquêter sur le site suite à un jet de molotov, alors que c’est le fait même qu’on les laisse pénétrer sur le site qui ne devrait pas être une évidence. Là-bas aussi, on soupçonnait en s’indignant que les flics aient laissé faire sans s’interposer… L’État se retrouve tout d’un coup relégitimé, appelé à s’interposer en casques bleus entre pro et anti et à arbitrer le conflit, à travers ses flics, ceux-là mêmes qui ont déjà frappé et n’attendent qu’un ordre pour raser les ZAD, ceux-là mêmes qui ont assassiné Rémi Fraisse il y a quelques mois. C’est une erreur de croire qu’il y a la FNSEA ou les petits patrons de Roybon d’un côté, et l’État, avec ses élus, ses services et ses flics de l’autre ; Vinci et Pierre et Vacances d’un côté, et l’État de l’autre. Il y a juste une unité d’intérêts convergents. Par ailleurs, les communautés rurales impactées par les projets ne sont pas des entités homogènes. Paraîtrait même qu’il y a des enjeux de classes, des hiérarchies, des emprises morales, matérielles, idéologiques, religieuses… État et capital trouvent des complices par intérêt ou adhésion idéologique. Il ne faut donc pas s’attendre à ne voir que des gens en uniformes nous faire face.

État et Capital avancent ensemble. Ces projets ne peuvent voir le jour qu’avec la complicité de l’État, mais au-delà avec son appui administratif, politique, financier et à travers des infrastructures qu’il est seul habilité à autoriser. Et au besoin, avec ses flics. Au Chefresne, qu’une ligne THT devait traverser, les flics ont délogé un propriétaire de son champ pour permettre à l’industriel RTE de continuer ses ravages, alors même que l’industriel en question n’en avait pas l’autorisation de la Justice, qui elle-même fermera évidemment les yeux… « Police nationale, milice du capital », « Justice, complice ». En l’occurrence, certains slogans tapent juste, mais à force de les répéter par réflexe, on ne prend plus acte de ce qu’ils signifient réellement.

Il est curieux qu’alors que tout devrait amener à prendre acte et assumer une lutte contre l’État et le Capital, l’État redevienne tout d’un coup une sorte d’entité neutre. Prendre acte, ça veut dire aussi essayer de s’organiser au mieux pour défendre la zone et les activités de lutte par nous-mêmes. Évidemment, la situation sur le terrain est compliquée, et l’autodéfense, c’est poser quelque chose d’ambitieux. Mais avons-nous véritablement d’autres choix ? Nous imaginons qu’il peut exister chez certains et certaines des stratégies médiatiques – « regardez comme les pros et l’État sont méchants, et nous gentils » – qui visent à légitimer la lutte, mais là encore c’est oublier le rôle des médias dans ces histoires, leur complicité avec les donneurs d’ordre, leur soumission idéologique et matérielle à l’ère [sic – NdJL] du temps. Il nous semble plus pertinent de proposer des analyses et de riposter à partir d’une position claire d’opposition à l’État, plutôt que de lui redonner quelques couleurs, en passant en plus par une communication dont la critique serait tout aussi essentielle à faire, y compris au sein d’une presse « alternative » qui, plus elle se développe, moins sa dimension subversive nous paraît incarnée. Redonner vie ainsi à l’État, c’est succomber à l’idéal abstrait du citoyen, celui qu’on administre. Le citoyennisme radical, stade suprême de l’aliénation ?

Mais ce n’est pas seulement qu’État et Capital marchent ensemble. L’État s’est toujours employé à trouver des relais, des notables locaux, des franges réactionnaires, allant jusqu’à les laisser s’organiser en milices. Créer une situation pourrie est tout bénef pour lui. Laisser d’autres que lui faire le sale boulot aussi. Il favorise un climat de tension peu propice au développement du mouvement, maintient la pression et la peur sur les gens qui luttent, sème le doute chez certains et certaines quant à la légitimité de ces luttes. Ajoutons que les premiers à subir les pressions, que ce soient des flics ou de leurs substituts citoyens, ce sont les gens qui luttent et habitaient déjà là avant le début du conflit. Ce n’est pas une raison pour s’interdire de porter certaines positions ou de mener certaines actions, d’aseptiser ses activités de lutte, mais s’organiser ensemble c’est d’abord prendre conscience des réalités différentes de chacun et chacune, et essayer de dégager du commun sans taire les divergences.

L’État et les industriels s’appuient quand ils peuvent sur des populations locales.C’était déjà le cas lors de l’implantation de la centrale nucléaire de Flamanville, dans la Manche, de 1975 à 1977. Plusieurs sites en Basse-Normandie étaient alors en ballotage pour accueillir les bienfaits de l’atome. C’est finalement Flamanville qui a été choisi, moins pour des raisons techniques, que du fait de mobilisations immédiates d’oppositions sur les autres sites (dans le Calvados, des engins de chantiers avaient immédiatement cramé) et surtout du soutien d’une partie de la population locale. En effet, certains notables étaient acquis au nucléaire, depuis l’implantation de l’usine de retraitement de déchets nucléaires de la Hague à quelques dizaines de kilomètres. Même des curetons relayaient la bonne parole atomique. Mais surtout, à Flamanville, il y avait une population ouvrière qui avait perdu son boulot. Une mine de fer avait fermé ses portes quelques années auparavant. Évidemment, l’implantation d’une centrale a été vue d’un bon œil par une partie d’entre eux. La falaise dans laquelle ils plongeaient pour débusquer le fer allait laisser place à un chantier titanesque, puis à une centrale qu’il faudrait bien entretenir. Chantage à l’emploi. De fait, les opposants et opposantes, qui déjà menaient une occupation du site, ne se sont pas heurtés qu’à l’État et EDF, mais aussi à des citoyens locaux remontés et prêts à en découdre. Quoiqu’il en soit, les industriels et l’État choisissent les sites en fonction des mobilisations qu’ils rencontrent et des relais possibles au sein des populations locales.

Le site de Notre-Dame-des-Landes fait peut-être exception, du fait de sa longue histoire d’oppositions. Dans ce coin, il y a eu de nombreuses luttes dans le passé, des liaisons entre paysans et ouvriers de 68 aux luttes antinucléaires contre les centrales du Carnet et du Pellerin. C’est aussi pour cela que ça s’est « enkysté », comme dirait Valls. Mais ce n’est pas reproductible à l’identique partout, sans prendre acte des situations locales. Cela veut peut-être dire que ces luttes sont plus difficiles à faire vivre et surtout à étendre qu’on ne le croit. Mais qu’importe. Déjà à Chooz au début des années 1980, sidérurgistes et antinucléaires avaient compris qu’une hypothétique victoire (quelle victoire ?) n’était pas forcément le seul but d’une lutte. Leur mot d’ordre était « ça coûtera cher de nous foutre en l’air ». C’est aussi cette lucidité qui a parcouru la reprise de la lutte anti-THT dans la Manche, après le camp de Valognes de 2011. En l’occurrence, il semble bien que des documents internes des industriels concernés confirment un certain effet des sabotages et des diverses activités de lutte. Que cela se généralise, et les effets se feront d’autant plus sentir.

Caen. Mars 2015.
Laura Blanchard et Émilie Sievert.
Brèves du désordre

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[Les sociologues travaillent] « Des tactiques pour éviter les dominations »

«Les précaires développent des tactiques pour éviter les dominations»

Face aux nouvelles normes de travail, de moins en moins stables, certains inventent des relations à l’emploi différentes, dans une recherche d’autonomie qui valorise l’individu. Le sociologue Patrick Cingolani décode ces modes de vie alternatifs.
Faut-il travailler pour être heureux ? Entre ceux qui ont le sentiment de perdre leur vie à la gagner et ceux qui peinent à sortir du chômage endémique, les formes d’emploi dégradées se multiplient. Face aux nouvelles normes de travail, certains développent des arrangements, préfèrent avoir plusieurs activités car ils recherchent davantage d’autonomie dans leur vie professionnelle ou privée. Selon Patrick Cingolani, sociologue, enseignant à l’université Paris-VII-Denis-Diderot, l’expérience précaire peut comporter un aspect alternatif face à la subordination propre au salariat et au consumérisme. Dans
Révolutions précaires : essai sur l’avenir de l’émancipation, sorti le mois dernier aux Éditions La Découverte, il souligne le potentiel libérateur de ces expériences.

Qui sont ces «précaires» dont il est question dans votre livre ?

La plupart sont des jeunes – avec l’idée qu’aujourd’hui on peut être «jeune» jusqu’à l’âge de 40 ans – et souvent célibataires, car la contrainte monétaire sur les conditions de vie est moins lourde. Mais ils ne sont pas seulement issus des classes populaires, une partie des classes moyennes est aussi concernée. Ils considèrent le travail comme une atrophie des conditions de réalisation et d’expression de la personne, et développent ce que Michel de Certeau appelait des «tactiques» pour éviter les dominations. Confrontés aux désenchantements de la scolarisation de masse, les précaires dont je parle aspirent à des activités pouvant rendre compte de la dimension expressive de la personnalité. C’est ainsi qu’à travers des petits boulots, qui permettent de gagner du temps, ou des actions associatives, ils mènent des activités plus valorisantes et s’opposent à un mode de vie standardisé et consumériste. Il y a, au cœur de l’expérience précaire, deux dimensions qui prédominent : l’aspiration à l’autonomie et le désir d’autoréalisation. Dans le livre, je me suis plus particulièrement intéressé aux précaires travaillant dans le secteur de la culture ou des médias. Les interviewés sont à la recherche d’un régime d’existence opposé à la bureaucratie et à la technocratie. Ce milieu est emblématique des expérimentations de nouvelles sensibilités, mais aussi de nouvelles formes de domination.

Cette recherche de réalisation n’est pas une préoccupation propre aux travailleurs des industries culturelles…

Ces domaines se prêtent moins à la subordination et comportent donc un potentiel d’autonomie plus grand. La relation au travail, et plus largement au parcours biographique, passe par l’idée «de faire ce qui plaît», dans l’épreuve d’un parcours qui n’était pas joué d’avance et qui ne s’inscrit par dans une démarche carriériste. Par exemple, j’ai rencontré un photographe qui a d’abord été dans la gestion, puis dans l’informatique ; il découvre ensuite le cinéma, puis la photo qui le passionne. Aujourd’hui, il a fait le choix d’une activité extrêmement précaire en vendant d’une part ses photos et en faisant des images plus professionnelles d’autre part. Au-delà de la culture, c’est une certaine polyactivité en tension avec le salariat qui caractérise cet univers social.

La précarité est souvent assimilée à la pauvreté. Quelle est la différence ?

Le «précariat», c’est l’idée d’une pauvreté travailleuse. Dans les années 80, au moment où s’accentue la nouvelle pauvreté, on associe étroitement les deux notions. Cette mise en relation est fondamentale : elle rend compte d’une diversité de conditions qui concourent à un dénuement tout à la fois économique et social, et permet de comprendre de nouvelles polarisations à l’intérieur des sociétés développées. Mais cette dimension ne doit pas nous faire oublier qu’il y a un aspect alternatif du mot «précaire». Il ne faut pas comprendre cette notion polysémique sous l’unique angle d’un déficit d’intégration sociale et d’une crise identitaire.

Dans les années 60-70, on s’intéresse à l’activité précaire, aux nouvelles formes d’emploi, comme le travail intérimaire. Le sociologue Michel Pialoux a écrit un article fondateur sur les usages de l’intérim [«Jeunes sans avenir et travail intérimaire», «Actes de la recherche en sciences sociales», n° 26-27, mars-avril 1979]. Il s’agit aussi pour les jeunes ouvriers de négocier avec le travail, d’arracher du temps pour une autre vie, dans une stratégie d’évitement de sa condition. Le mot comporte une connotation alternative et subversive. Ceux qui à l’époque se désignent comme précaires sont des squatteurs qui vivent en collectivité. Ils sont contemporains des lieux alternatifs comme Christiania à Copenhague ou Kreuzberg à Berlin.

Il ne faut perdre aucune des significations et bien comprendre l’ambivalence du mot «précaire» qui, en plus de désigner l’ensemble des dérogations à une norme, englobe à la fois les stratégies d’assujettissement du travailleur, passant par la fragmentation des conditions de travail, et les pratiques de contournement de ces modes d’exploitation.

Les personnes que vous avez interrogées revendiquent-elles un mode de vie alternatif ?

Le danger d’une enquête sociologique est toujours de parler à la place des gens. Je me souviens d’un jeune homme tellement séduit par le monde des médias qu’il n’avait pas de distance critique, y compris par rapport à sa propre identité. C’était logique pour lui d’en passer par des risques économiques, et son parcours n’avait aucun lien avec une quelconque contestation. Soulignons ici que le travail gratuit est souvent perçu par bon nombre de jeunes travailleurs de la culture comme une possibilité d’accéder à une activité valorisante, alors qu’il peut aussi constituer un piège et un nouveau type d’exploitation.

Dans d’autres entretiens, le caractère alternatif apparaît plus manifestement. Un individu déclare qu’il est un résistant, autour de l’idée que sa condition et son style de vie sont opprimés et non reconnus, bien que porteurs d’une capacité de polyactivité et d’un certain refus des normes qui a sa validité et sa positivité. Et, en effet, dans la lignée du philosophe André Gorz, je pense que le débordement du travail par la multiactivité comporte une puissance de libération. Par exemple : mener une activité à côté pour être plus libre par rapport aux contraintes de l’entreprise, ou refuser un temps plein dans un travail alimentaire afin de se donner du temps pour une activité plus valorisante, créative ou civique. Ce type de configurations favorisant l’autonomie se multiplient dans une société où la question du «faire créatif» (travail ou activité) est un élément d’identification fort.

Certains collègues ont cherché à discréditer l’analyse de ces expériences alternatives en les qualifiant de «rationalisation» après coup, comme si ces personnes avaient raté quelque chose et ajustaient leur discours pour dénier leur échec. Je n’y crois pas. Il ne faut pas prendre ces gens qui essayent de se réaliser pour les dupes du capitalisme ou de la précarisation. Il y a d’autres enjeux, y compris dans une ambivalence des sens et des possibles.

Paradoxalement, vous invoquez la figure du plébéien : quel est son apport dans l’analyse de la précarité aujourd’hui ?

Il est fondamental de mobiliser la catégorie de plébéien car elle suppose un dispositif pratique, politique, par lequel l’émancipation se réalise. Au XIXe siècle déjà, des travailleurs se sont demandé comment vivre l’émancipation dans le cadre des rapports sociaux capitalistes. Jacques Rancière, à travers les récits de Louis-Gabriel Gauny (1806-1889), ouvrier parqueteur, lie la question de l’émancipation à celle de l’émancipation intellectuelle [«Louis Gabriel Gauny, le philosophe plébéien», textes rassemblés par Jacques Rancière, La Découverte, 1983]. Gauny cherche une échappée, des formes de travail où la question de la hiérarchie disparaît. Le plébéien mène une activité réflexive sur lui-même, il cherche un espace de jeu et de liberté dans son rapport au travail et à la consommation. Dans Critique de la raison cynique, de Peter Sloterdijk, le plébéien est celui qui va se soustraire de la relation à la consommation parce qu’elle relève de la domination. Une réflexion qui fait écho aux enjeux écologiques aujourd’hui, pour renouer avec la critique de la société de consommation.

Cette façon de chercher à s’émanciper de la norme n’est pas sans rapport avec la philosophie cynique de l’Antiquité. Les précaires d’aujourd’hui sont-ils cyniques ?

Dans l’Antiquité, les cyniques sont des contestataires des conventions sociales, mais ils ne s’inscrivent pas dans une critique économique. Aujourd’hui, la question de l’ironie à l’égard des conventions est toujours présente. Comme celle de la relation entre corps et critique sociale : je me souviens par exemple de chômeurs qui étaient entrés dans une grande surface avec des pancartes, demandant des prix régressifs au même titre que leurs indemnités. Mettre en scène son corps ou sa vie pour dénoncer l’injustice peut relever de la tradition cynique. Mais ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres.

Les petites «révolutions précaires» semblent individuelles. Peuvent-elles être le point de départ d’une politique du «précariat» ?

Il y a quelques pistes de réflexion. J’essaie de m’appuyer sur les diverses expériences collectives de l’autonomie, qui réactivent l’idée de coopérative et de formes d’auto-organisation des travailleurs dans le partage d’un lieu de travail : coworking ou hackerspace. Il faut par ailleurs sécuriser les mobilités professionnelles, mais aussi faire droit à ces nouvelles indépendances et à ces autonomies dans la précarité, élargir le droit du travail à l’activité. La multiplication des formes d’externalisation des travailleurs par l’entreprise ainsi que la sous-traitance – deux aspects décisifs de la précarisation et du travail précaire – ne doivent pas engendrer une marginalisation. Celles-ci doivent pouvoir être représentées et faire reconnaître la dissymétrie du rapport avec l’entreprise commanditaire. Il ne s’agit rien moins que de revitaliser l’idée démocratique dans la sphère du travail et dans celle de l’activité. On pourrait appeler cela – à l’ère des nouvelles technologies – une démocratie postindustrielle.

RÉVOLUTIONS PRÉCAIRES : ESSAI SUR L’AVENIR DE L’ÉMANICPATION de PATRICK CINGOLANI La Découverte, 148 pp., 13 €.

Leur presse (recueilli par Anastasia Vécrin, Liberation.fr, 12 décembre 2014)

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