[L’histoire du terrorisme est écrite par l’État] Justice pour Ayoub Boutahra

Tir de Flash-ball : quatre ans de douleur pour un Montbéliardais

Le 7 février 2011, Ayoub, un Montbéliardais de 17 ans, perdait un œil suite à un tir policier. Sa famille attend et espère toujours une réponse de la justice.

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Les parents Bouthara sont soutenus par un comité réclamant l’interdiction des flash-ball, dont en, 2006, Nicolas Sarkozy avait dotés la police. Rien qu’en 2014, en France, les tirs ont entraîné des blessures sérieuses chez treize personnes.

« La police est là pour nous protéger. Elle l’a montré encore récemment. Nous le savons et nous y croyons encore. Mais nous voulons aussi, encore et toujours, que justice soit faite. » Dignes et posés, Najat et Otmane Bouthara. Cette année, au regard du contexte — les attentats de Charlie Hebdo — les parents d’Ayoub, 21 ans, n’ont pas voulu d’un défilé dans les rues de la Cité des Princes comme cela se faisait habituellement pour commémorer l’accident ou la bavure dont a été victime leur fils.

Lycéen, Ayoub, un Montbéliardais de 17 ans sans histoire, attendait son bus ce 7 février 2011 près de la place du temple à Audincourt. Importante rixe à ce moment-là. Intervention policière en force. Un des fonctionnaires va alors sortir son flash-ball, visant un manifestant. « Au mauvais endroit, au mauvais moment », Ayoub, qui n’a rien à voir avec l’émeute, comme l’enquête le démontrera, reçoit une balle de cette arme dans l’œil gauche. Il perdra totalement ce dernier.

La voie de la guérison ?

Aujourd’hui, le jeune homme, qui poursuit un BTS commerce à Strasbourg, en est à sa quatrième prothèse. « Le contour de son œil se rétrécit, c’est douloureux et lui pose problème », explique son père, plus ennuyé encore par l’autre séquelle : la souffrance psychologique de son enfant. « Il a des jours avec, d’autres sans. Il ne parle jamais de ça. Et il a du mal à revenir à Montbéliard, où il a l’impression que tout le monde ne voit que sa blessure. » « Il est courageux toutefois, veut s’en sortir », ajoute la maman, toute heureuse que son garçon s’épanouisse actuellement dans un stage qu’il effectue, toujours en Alsace, dans un magasin. « Mais, c’est vrai : il n’a toujours pas surmonté tout cela. »

Pour cette mère mais aussi pour Odile Banet, Djilali El Rhaz et Gérard Delavelle, du comité de soutien, Ayoub — qui jusqu’ici n’a pas souhaité être accompagné par un médecin psychologue — ne peut surtout aller mieux que quand son statut de victime sera totalement reconnu. Donc quand les responsabilités seront actées. « Cela fait quatre ans qu’on attend, c’est long », soupire Otmane Bouthara. Un policier donc a été mis en examen. Trois juges successifs ont instruit ce dossier délicat. En octobre dernier, le parquet de Montbéliard a requis une ordonnance de non-lieu. En clair : il préconise de ne pas poursuivre, « en l’absence de faute pénale » le fonctionnaire. Le juge d’instruction — le quatrième — doit maintenant trancher : lui seul est à même de décider soit d’une ordonnance définitif de non-lieu, soit d’un renvoi devant le tribunal correctionnel. Précisons que dans la majorité des cas (pour l’ensemble des juridictions), le juge suit l’avis du procureur…

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Une question de société

Malgré cela et malgré l’absence de nouvelles depuis octobre, la famille et le comité de soutien continuent à garder espoir. Si la décision est défavorable, ils ont d’ores et déjà décider de porter l’affaire en appel. Par ailleurs, un recours va être déposé devant le tribunal administratif afin d’obtenir des indemnités. « Ce n’est pas tant pour l’argent mais afin que l’État soit condamné à payer pour l’utilisation de cette arme dangereuse », souligne Odile Banet. Il y a eu un précédent : blessé en 2009 à Paris (lors de la fête de la musique !), un jeune homme a reçu quelque 5000 € du tribunal administratif fin 2013.

« On respecte la police mais on ne comprend pas l’utilisation de ces armes », concluent les parents d’Ayoub. « Nos inquiétudes sont d’autant plus vives que certaines communes parlent aujourd’hui, alors que treize personnes ont été sérieusement blessées cette année par des tirs de flash-ball, d’en doter les policiers municipaux », ajoute Odile Banet. Aujourd’hui structuré au niveau national, le comité de soutien et Ayoub seront prochainement entendus par une commission parlementaire présidée par Noël Mamère : elle planche sur le maintien de l’ordre dans les manifestations.

Presse antiémeute (Sophie Dougnac, EstRepublicain.fr, 7 février 2015)

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