[Compaoré dégagé au Burkina] La volaille françafricaine

Pauvre Blaise !

Le vendredi 31 octobre 2014, l’Afrique de l’Ouest a fait un grand pas vers la paix et la stabilité. Ce jour-là, la France exfiltrait son garde-chiourme Blaise Compaoré. Cette fuite clôt vingt-sept ans d’un règne despotique sur le Burkina Faso, finalement emporté par une déferlante de citoyens sans armes.

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Durant ces vingt-sept années, l’assassin de Sankara, fauteur des monstrueuses guerres civiles du Liberia et de la Sierra Leone, de la déstabilisation de la Côte d’Ivoire et du Mali, vit les marionnettes françafricaines se succéder dans ses fauteuils faux Louis XV, sous les dorures de son palais en toc au milieu du Sahel. Et chacune d’y aller de son caquetage :

c’est Ségolène Royal saluant « la sagesse, l’expérience, la volonté toujours renouvelée, et les ambitions du Président Blaise Compaoré de toujours faire avancer son pays, la sous-région et l’Afrique […]. Le Burkina peut compter sur moi dans sa volonté de redorer son image à l’étranger » ;

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Jean-Michel Ribes, directeur de théâtre, proche de François Hollande : « j’ai été charmé par la timidité mystérieuse du président Blaise Compaoré, chef d’Etat pacificateur après avoir été un guerrier » ;

Gabriel Cohn-Bendit, solliciteur, « Monsieur le président, le plus beau cadeau que vous puissiez m’offrir pour les 75 ans que j’aurai en avril 2011 c’est de faire de moi un citoyen burkinabè » ;

Stéphane Hessel, compatissant, « Il souffrait de l’injuste image d’usurpateur que lui infligeait la façon dont il avait mis un terme au règne de son prédécesseur, ami, compagnon des premières années de la révolution, Thomas Sankara, dont il avait condamné les excès et redouté l’évolution dictatoriale ». Que de délicatesse dans ce « mettre un terme » pour éviter de dire « assassiner » ! Cette grande conscience satisfaite et bavarde d’indigné professionnel, ayant abdiqué en Afrique toute capacité d’indignation, était la plus belle prise du plan médias de Compaoré : « J’avais pu me mettre à sa disposition pour réfléchir sur les institutions démocratiques dont il souhaitait doter le Burkina Faso. Je n’oublierai jamais l’accueil généreux qu’il m’a réservé en me proposant de participer aux travaux d’une Commission de futurs responsables à qui seraient transmis le respect des Droits de l’Homme et le souci de la pluralité démocratique. »

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Après cela Élisabeth Guigou, recevant flatteusement Blaise Compaoré le 5 juin 2013 devant la commission des Affaires étrangères, semble économe dans le compliment « Monsieur le Président de la République, merci. Ces applaudissements, qui ne sont pas systématiques dans notre Commission, témoignent de notre gratitude pour le rôle que vous jouez et pour la vision que vous avez du développement de votre pays et du continent africain. »

Pauvre Blaise ! Comme le héros du roman éponyme de la Comtesse de Ségur, qui jouait avec les enfants de ses maîtres et payait pour leurs bêtises, Compaoré apprend enfin que toutes les gentillesses et flatteries à son égard ne s’adressaient pas à sa personne mais au rôle irremplaçable qui était le sien d’être l’exécuteur des basses besognes de la Françafrique et d’en porter seul la honte. Il y a peu de chance que les premiers responsables soient punis, tous ceux qui, après avoir crié pendant quatre ans au risque d’ »évolution dictatoriale » de l’intègre Sankara, se réjouirent pendant vingt-sept ans de voir Compaoré « réfléchir sur des institutions démocratiques », jusqu’à ce que le peuple tape du poing sur la table, que l’usurpateur saute par la fenêtre et que la volaille françafricaine se taise.

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Odile Tobner, éditorial de Billets d’Afrique 241, 6 décembre 2014

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