[In memoriam Nabil Mabtoul] Pas d’armistice contre la police

Péage gratuit à Millau – Pas d’armistice contre la police !

Ce mardi 11 novembre, 150 personnes ont mené une opération de péage gratuit à Millau pour l’arrêt total du projet de barrage à Sivens et le désarmement des forces de polices. Les fonds collectés seront reversés pour soutenir les inculpés de la lutte du Testet.

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Ce mardi 11 novembre, nous avons été 150, venus de tout l’Aveyron et au-delà, à nous retrouver à Millau pour « stopper le barrage et désarmer la police ».

Nous nous sommes rassemblés près du lieu où Nabil, un jeune de Villefranche-de-Rouergue, fut froidement abattu par la BAC en juin 2012. Et là avons partagé quelques mots qui affirmaient notre profonde colère suite au meurtre de Rémi Fraisse, notre détermination à ne pas céder à la peur que le pouvoir tente de produire à chaque manifestation, en nous enfermant, en nous mutilant, ainsi que notre solidarité avec toutes les ZAD qui naissent dans les bocages, dans les forêts, dans les esprits.

Suite à ces quelques prise de parole et lectures de textes nous avons convenu à mots couverts (les oreilles mal-intentionnées n’étant jamais loin) d’aller de ce pas rendre visite à un de ces grands groupes promoteur d’infrastructures dévastatrices, et d’en profiter au passage pour, en plus d’en entraver le fonctionnement normal, détourner la taxe qu’il ponctionne au profit de la lutte du Testet et de ses inculpés.

Après un bout de route, voitures en file indienne, arrivés sur les lieux un joyeux cortège se mis en branle, sa cible en vue à quelques 200m : le péage du viaduc de la société Eiffage.

De menus obstacles franchis, nous nous sommes répandus le long des barrières et avons commencé notre collecte en musique.

Plusieurs banderoles furent déployées en hommage à Rémi et Nabil, et pour arrêter leurs projets destructeurs.

Dont une de 8m sur laquelle on pouvait lire « Arrêt du barrage de Sivens. DÉSARMONS LA POLICE ».

Une heure plus tard, nous nous sommes retirés au cris de « Rémi, Nabil. On n’oublie pas ! », « La police mutile ! La police assassine ! », et avant de nous séparer une assemblée s’est formée, fermement décidée à continuer le mouvement.

Parce que nous ne sommes pas calmes !
que nous ne rentrerons pas gentiment chez nous !
et que nous leur feront payer le saccage et la répression ! Et cher !

 

Un des textes lu au rassemblement (lui aussi fruit d’une collecte) :
Pas d’armistice contre la police !

Il y aurait mille manières de reprendre l’Histoire. Un discret cliquetis, une goupille qui tombe au sol. Quelques secondes plus tard une explosion. Un anonyme, un ami, au sol. Il est mort. Puis le silence. Il s’agit pour eux de préparer la seconde explosion, celle qui aura lieu dans la rue, dans les médias. Trouver la manière, rapidement, de disjoindre l’annonce de l’événement et ses conséquences probables : la peur, la tristesse, la colère, la vengeance. Une cellule de crise, des conseillers, des professionnels de la communication. Il faut aller vite, garder l’initiative, imposer les mots et le langage à même de désactiver les sentiments, donc les actes. Anesthésier les cœurs et les âmes. Les noyer. Les noyer dans un flot de bavardages… de mensonges… d’arguments. On pinaille sur le modèle de la grenade, sur la contenance du futur barrage, sur l’innocuité du petit personnel de gendarmerie. Casseurs, pacifistes, non-violents, anarchistes, autopsie, bouteille, responsabilité, alcool, cagoules, accident, laboratoire, analyses, non-létale, harcèlement, mauvais endroit, nuit, mauvais moment. Tout une cacophonie orchestrée afin que personne ne puisse dire ni entendre cette simple phrase : Rémi Fraisse a été tué par des gendarmes car il protestait contre la construction d’un barrage. Lorsque des gendarmes tirent plus de 400 grenades en l’espace de quatre heures et que l’une d’entre elles finit par tuer Rémi Fraisse, ce n’est pas plus une bavure qu’un accident mais une manière radicale de maintenir l’ordre. Il faut se le répéter : Rémi Fraisse a été tué par des gendarmes car il protestait contre la construction d’un barrage.

Sa mort n’est pas une bavure. Et c’est le ministre de l’Intérieur lui-même qui le dit. Il faut toujours écouter les experts quand ils vous parlent de leur sale travail. Il y aurait bavure si la grenade avait été mal employée, ou hors d’un cadre légal, or ce n’est pas le cas. Les gendarmes mobiles avaient le droit de balancer leurs petites boîtes de TNT dès lors qu’ils faisaient face à des opposants déterminés. De la même manière que tous les flics qui ont crevé l’œil d’un jeune ou d’un badaud à coup de flash-ball ont toujours été mis hors de cause par la justice. Comme une ritournelle du maintien de l’ordre : en frapper un pour les terroriser tous…

Ce qui a voulu être dispersé par les gendarmes ce week-end là, c’est une certaine manière de donner corps à des perceptions du monde radicalement opposées à celle des aménageurs. Rémi a été tué pour s’être opposé en actes à l’avancée de leur désert, alors qu’il aurait été confortable de rester chez soi. Rémi est mort parce qu’il n’est pas seulement allé aux concerts organisés à deux kilomètres de la zone de chantier, il est allé à l’affrontement, avec d’autres. Comme la veille une petite foule avait déjà bousculé les vigiles et incendié du matériel de chantier, ou affronté la police pour que la réoccupation de la ZAD du Testet soit effective, pour lui faire de la place, donner de l’espace et du temps à tout ce qui pourrait s’inventer et se partager là.

Ce qui s’invente au cœur des ZAD, c’est une manière tout autre de penser la vie, de penser la politique : comment se nourrir, se loger, cultiver, produire de l’énergie, inventer des moyens de productions, habiter… Mais aussi apprendre à vivre ensemble et s’inventer des futurs. Là, au milieu des champs, aux abords des forêts et le long des rivières, ce ne sont pas des réponses aux questions de gouvernement que nous cherchons, mais des manières de n’être plus gouvernés. Cette recherche commune, au sein d’espaces de liberté arrachés de haute lutte, nous procure à la fois le sentiment d’une intense liberté et d’un attachement sans bornes aux lieux occupés. Nous sommes reliés à ces prés, ces jachères, ces êtres, ces bêtes, par mille fils invisibles et pourtant d’une solidité inouïe. Et nous savons qu’à travers et au-delà de nous s’initie un vaste mouvement souterrain de réappropriation de la vie. C’est aussi pour cela que sans nous connaître, sans bien sûr appartenir à des réseaux organisés fantasmés par des journalistes en manque « d’affaires », nous nous levons ensemble lorsque l’un d’entre nous est tué.

Depuis la mort de Rémi, des centaines de manifestations en France et en Europe prennent la rue aux cris de « désarmons la police ». Dans nombre d’entre elles, nous avons pu constater où en était rendu ce bon vieux « droit à manifester » : arrestations préventives, nasses pour empêcher physiquement les départs des cortège, tirs de flash-ball au visage, nez arrachés, usage abondant de ces grenades-soi-disant-suspendues qui ont coûté la vie à Rémi. On prétexte qu’il faut bien faire face aux casseurs, aux sauvages. Ce faisant, la police dévoile sa fonction essentielle : empêcher toute véritable révolte. Maintenir l’ordre. Mais elle dévoile également l’absence totale de légitimité de cet ordre dont elle est désormais l’ultime argument.

Ce n’est pas à ceux qui organisent une répression meurtrière de définir ce qu’est « la violence » en pointant du doigt quelques vitrines brisées. Si s’opposer physiquement, si refuser de plier, si faire éclater sa colère, c’est être un casseur, alors oui nous sommes tous des casseurs. Il n’y a de toute façon aucune commune mesure entre ceux qui défendent ce qui les attache au monde (une vallée, un bocage, une forêt…) et ceux qui, par profession, défendent sa destruction méthodique.

À la suite de chaque crime policier, les responsables nous appellent au calme. Nous savons que ces appels ne sont que l’exigence de notre soumission, de notre tacite acceptation. Le but de la longue chaîne du travail policier. Nous ne sommes pas calmes. Nous n’attendrons pas en silence que les noms de nos frères et sœurs viennent allonger la liste des crimes policiers. Nous n’attendrons pas de l’État qu’il muselle sa police, comme nous n’attendrons pas sagement qu’il suspende son barrage. Nous construisons et défendons dès aujourd’hui les mondes que nous désirons. Nous crions ZAD partout. Car la ZAD ce ne sont plus simplement 2000 ha en Loire atlantique, c’est un esprit, c’est une révolte, c’est un mouvement qui dit : nous sommes debout et nous ne plierons pas ! Pas plus devant les aménageurs que devant les matraques et les grenades.

Indymedia Nantes, 12 novembre 2014

 

Millau : les Zadistes ouvrent le péage du viaduc

Ils étaient une centaine à manifester, mardi à Millau (Aveyron), pour dénoncer les violences policières et les « projets inutiles ».

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Le rassemblement était fixé près du lieu où Nabil Mabtoul a été tué en 2012.

« Nous aussi, on célèbre nos morts », lâche un manifestant. En ce 11 novembre, à 15 heures, une centaine de manifestants se rassemblent sur le parking de la piscine millavoise. À quelques mètres de là où, le 26 juin 2012, Nabil Mabtoul, 26 ans, a été tué par balle lors d’un contrôle policier auquel il a tenté de se soustraire. « Ils ont tué Rémi à Sivens et Nabil à Millau, lance une jeune femme, Justine, au micro. La police a tué, encore ! »

Venus des quatre coins de l’Aveyron

C’est à la suite du décès de Rémi Fraisse, 26 ans lui aussi, tué par une grenade lancée par les gendarmes le 26 octobre dernier sur le site du projet de construction du barrage de Sivens, que le mot d’ordre de ce rassemblement est lancé. Qui sont-ils, ces militants ? Écologistes, protecteurs des Zones à défendre (Zad), comme celle de Notre-Dame-des-Landes ou du Testet, ces Zadistes ne revendiquent aucune appartenance politique ni syndicale. Ils sont venus des quatre coins de l’Aveyron à l’appel du comité saint-affricain. Après les prises de parole, ils décident d’agir…

En cortège de voitures, ils prennent la direction du péage du viaduc. Tout le monde se gare au rond-point de Saint-Germain. À 16 h 15, un portail forcé et un grillage coupé à la pince monseigneur plus loin, la centaine de manifestants, certains le visage masqué, se glissent entre les voies de péage. Sous les yeux d’une poignée de gendarmes déjà sur place, ils empêchent l’abaissement des barrières. Durant près de trois-quarts d’heure, les automobilistes ne paient plus leur écot à Eiffage, mais reçoivent des tracts et sont invités à participer pour soutenir la lutte. « C’est une action non-violente, menée avant tout pour informer les gens, indique Camille. Pour dénoncer les violences policières et les projets inutiles. »

Côté Eiffage : vers une plainte

Comme à chaque fois face à ce type d’action, la Compagnie Eiffage du viaduc de Millau envisage de déposer plainte. « Il y a du matériel qui a souffert, explique le directeur général délégué, Emmanuel Cachot [sic – NdJL]. Et aussi une perte de recette… Je n’ai pas d’avis sur leurs revendications, je ne comprends pas pourquoi le péage a été pris en otage. »

Presse à détruire (Mathieu Lagouanère, MidiLibre.fr, 12 novembre 2014)

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