[Lutte contre le flashball et son monde] Déclaration de Clément Alexandre

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Face aux armes de la police

J’ai été blessé de manière presque anecdotique, ou en tout cas dans des conditions qui ne méritent pas qu’on s’y attarde, le 21 juin 2009 à la fête de la musique à Paris. Des gens font la fête, en nombre, occupent la place de la Bastille et bloquent la circulation — la police arrive et la situation se tend, elle tire dans le tas : vingt-deux fois disent les fiches d’enregistrement. J’y laisse une dent, une joue arrachée et une double-fracture de la mâchoire. Dans la cohue, je croise une personne qui a l’oreille en sang.

Nous avons alors lancé avec notre avocat Étienne Noël une procédure au Tribunal administratif qui attaque directement la responsabilité du préfet de police. Sur le plan strictement juridique, l’intérêt de cette procédure par rapport aux procédures pénales c’est qu’elle vise la logique qui arme les agents de police et plus seulement le policier qui tire en pleine tête, même si celui-ci mérite tout notre détestation. Plusieurs personnes nous ont depuis rejoint sur cette procédure.

Il est évident qu’il n’existe aucune réparation possible et que nous ne nous faisons aucune illusion sur le droit car aucune décision de justice ne sera en mesure de désarmer effectivement la police. Et s’il peut y avoir une petite satisfaction dans la condamnation du préfet et dans le fait de les voir cracher de l’argent, elle laisse intacte notre rage et notre désir de vengeance pour nous et pour nos compagnons blessés ou mutilés.

L’intérêt véritable de cette affaire c’est quelle rend visible la manière dont la police maintient l’ordre. Chaque fois derrière les blessés et leurs noms propres, il y a des bandes, des complicités et des amitiés — des luttes. À Nantes, des manifestants occupent un rectorat à la suite d’une manifestation contre la LRU. À Toulouse, des dizaines de personnes sortent d’un monop’ sans payer pour lutter contre la précarité. À Montreuil, d’autres se rassemblent contre l’expulsion d’un squat. En banlieue (Villiers-le-Bel, Montbéliard, Trappes, Villemomble, etc.), des habitants s’opposent à la violence policière dans leur quartier. À Montpellier, c’est un groupe de supporters qui est visé. À Notre-Dame-des-Landes, ça résiste contre un projet d’aéroport en occupant et défendant un territoire. À Strasbourg, des métallos bien équipés manifestent contre Arcelormittal.

Ce que la langue policière appelle littéralement « neutraliser une menace » désigne de toute évidence la nature réelle de cette opération politique qui consiste à écraser et faire taire ce qui s’oppose à l’ordre. Le flashball est le nom d’une technique politique qui repose sur la peur et la mutilation. Présenté comme défensif, le flashball est donc clairement une arme offensive.

Si les blessures se produisent toujours dans des moments de tension, de luttes ou d’affrontement, se défendre de la violence policière devient une question pratique dont la nécessité a pu être éprouvée à Notre-Dame-des-Landes où la violence policière déployée et les armes utilisées marquent une nouvelle étape. Face aux risques de blessures, il y a des gestes à trouver pour se protéger. À la ZAD, on a vu apparaître des boucliers et des banderoles renforcées.

Quand on engage une bataille, n’importe laquelle, on préfère toujours gagner que perdre. Mais l’enjeu ce pas vraiment de savoir combien vaut un œil crevé sur le marché des mutilations policières. Si nous on a voulu lancer cette procédure et monter un collectif, c’est pour être capable de penser et contrer les pratiques policières ensemble. Et ça, on ne le fait pas dans l’enceinte d’un tribunal administratif mais avec tous les gens qui les subissent. Pour l’heure, nous lançons donc un appel à toutes les personnes blessées. Nous avons plus à partager que nos blessures.

Nous contacter : Mail / 07 81 10 81 85

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