[Un nom et une adresse] « Expulsons les politi-chiens »

Sainte-Croix-aux-Mines. Des tags sur la résidence secondaire de Roland Ries

La maison de villégiature du maire de Strasbourg Roland Ries, située à Sainte-Croix-aux-Mines, a été couverte de plusieurs inscriptions, vraisemblablement au cours du week-end dernier.

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La maison secondaire de Roland Ries a été tagguée à la bombe, selon toute vraisemblance dans la nuit de dimanche à lundi.

Ce matin, on pouvait lire les mots « Solidarité face aux expulsions », « Squats roms Rie expulse (sic) » et « expulsons les politi-chiens » en noir et en lettres capitales sur les murs du pavillon. Un sigle abscons a en outre été tracé sur la porte d’entrée.

Roland Ries, qui est aujourd’hui en déplacement et injoignable, a été informé de cet acte de vandalisme. Une plainte devrait être déposée à la gendarmerie. La brigade de Sainte-Marie-aux-Mines est en charge de l’enquête.

Ce n’est pas la première fois que le maire de Strasbourg est ainsi visé. En janvier 2010, son domicile strasbourgeois avait été tagué, notamment d’une croix celtique.

Publié par des larbins de la maison Poulaga (DNA.fr, 12 novembre 2012)


La résidence secondaire de Roland Ries taguée et les serrures obstruées…
« Ça vous coûtera cher de nous foutre en l’air. »

La feuille de chou a reçu ces photographies prises ce matin par un correspondant bénévole [merci à lui] :

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« Un sigle abscons a en outre été tracé sur la porte d’entrée. » (DNA, 12 novembre 2012)

Le maire de Strasbourg possède une résidence secondaire au Petit Rombach, commune de Sainte Croix aux Mines (68160). Des tags y ont été apposés cette nuit, la porte obstruée et les serrures noyées dans la mousse et le silicone…

La feuille de chou, 12 novembre 2012


Roms contre Romains ? ça suffit !

Au matin même du 30 octobre 2012, au cours de notre expulsion, on a pu entendre des messages de compassion à notre égard, messages au contenu des plus douteux : nous expulser, nous, les Romains, alors qu’on laisse les Roms tranquilles !

On pourrait laisser croupir ces témoignages touchants de générosité là où ils le méritent s’ils n’avaient qu’un caractère exceptionnel.

Hélas il semble qu’ils revêtent les puants atours de la banalité.

Les Roms sont au centre des préoccupations de ceux qui n’ont pour autre but que de protéger leur pré carré, où déjà ils pourrissent. L’expulsion du 2, route des Romains constitue pour eux une aubaine de taille : faire sortir de l’égout leurs récriminations en s’appuyant sur des squatteurs qu’ils n’auraient pas plus aimés ni tolérés si la haine qu’ils vouent aux Roms n’avait été plus grande. Squatteurs, peut être, mais au moins ils sont blancs, devine t-on en filigrane sur certaines lèvres.

L’égoïsme, c’est le contraire de la solidarité. On a beau retourner dans tous les sens ce type de témoignage, on n’y trouve aucune trace de solidarité : en quoi instrumentaliser une expulsion pour en réclamer d’autres, plus massives, constitue t-il un acte de solidarité ? Dans une ville qui s’enorgueillit de ses kilomètres de pistes cyclables, certains, au pouvoir, dans l’opposition, ou dans la rue, semblent désirer plus de vélodromes…

Nous n’avons que faire des « soutiens » dont le seul but est de manifester haine, peur ou égoïsme : les larmes d’émotion que nous procurent ces témoignages de sympathie ont par trop le goût de la lacrymo.

Que faire dans ce bourbier ?

Ceux qui nous ont jeté dehors ont voulu au préalable nous diviser ; il n’en a pas été ainsi. D’autres s’indignent de notre expulsion afin de séparer le bon grain de l’ivraie. Les vendanges 2012 sont calamiteuses !

Mais nous ne cesserons de le répéter : une expulsion, locative ou pas, d’un quartier ou d’un territoire, est une expulsion de trop !

2, route des Romains, 11 novembre 2012


30 millions d’amis

Un inconnu nous a adressé un message via le Fessebouc de soutien au 2 route des Romains. Ses admins nous l’ont fait suivre. Outre son style fleuri, ce message condense une série de malentendus auxquels il nous donne l’occasion de répondre. Le voici in extenso :

« TU VEUX ETRE MARGINAL ? TU VAS A LA CAMPAGNE AVEC TON GROUPE DE BOUFFONS DANS UNE CABANE AVEC DES VACHES Alors ke ton papa est ingénieur,  VOTRE GROUPE D’ABRUTI est un parasite, vous troublez l’ordre public BANDE DE CONARD, ALLEZ VIVRE COMME LES ROMS QUI ONT PLUS DE MERITE QUE VOUS !

la ville de Strasbourg vous a donné la chance de vous héberger alors qu’un loyer d’une maison comme ça est de 1000 € par mois et vous, vous en avez profité pour y faire des fiesta, MENACER DES GENS DE MORT, je tiens à préciser que DEPUIS L’EXPULSION, ce groupe dort encore dans la maison alors je vais prévenir les FORCES DE L’ORDRE et là, ça sera à coup de matraque que l’on vous dégagera, VOUS ETES DES MICROBES DANS MA VILLE QUE J’AIME : STRASBOURG

LA VILLE VOUS A OFFERT UNE MAISON POUR HEBERGER DES GENS EN DIFFICULTES ET VOUS, vous en avez profitez pour faire la fête avec merguez, bières … MOI, JE SUIS HEUREUX QUE DES FILS DE PUT COMME VOUS, SONT FOUTU DEHORS allez crever 1 par 1 de froid, je le souhaite ; Moi aussi, je pourrai être marginal comme vous pauvre crétins avec tes 3 dents et la Flora, cette putin

VOUS AVEZ SIMPLEMENT PERDU UN ENDROIT OU VOUS POUVIEZ FAIRE LA FETE, C’EST TOUT !

et votre banderole, apprenez à écrire ! tous les gens se foutent de votre gueule PAUVRE CONARD QUI VIENNENT D’AUTRES REGIONS !

SALE PROFITEUR, ALLEZ CREVER DESORMAIS ! JE SAIS QUE VOUS DORMEZ ENCORE DANS LA MAISON MAIS JE VAIS LA BRULER DANS QUELQUES JOURS DURANT VOTRE SOMMEIL, DONC JE VOUS CONSEILLE DE VOUS TENIR SUR VOS GARDES

avec vos fleurs en marquant : « à notre maison Chérie »

VOTRE MAISON ? TU ES CULOTER, C LA MAISON DE LA MAIRIE PAUVRE CRETIN, JE TE FOUETRAI DES POINGS DANS LA GUEULE SI T’ETAIUS DEVANT MOI AVEC TON GROUPE DE BLEDARD

CASSEZ-VOUS OU JE VOUS CREVE ! JE PENSE AVOIR ETE CLAIR ! « 

signé : X

Cher X,

merci pour ta gentille lettre. Nous pensons que tes informations sont erronées sur certains détails.

Nous ne souhaitons pas spécialement être marginaux.

La Ville ne nous a absolument pas « offert » une maison, elle l’a au contraire achetée il y a sept ans et demi pour qu’elle reste vide, disponible pour les travaux d’aménagement futurs. Il y a maintenant six ans qu’ils essayent de nous déloger, et dès le début ils ont argué de l’imminence des travaux. Nous nous sommes donc logés par nous-mêmes et c’est bien ce qu’ils nous reprochent.

Nous n’habitons plus dans la maison puisque nous avons été expulsés par les forces de l’ordre, conformément à tes vœux. Si tu vois encore de la lumière en passant devant, c’est que la boîte de sécurité qui surveille les lieux ne s’habitue pas à l’obscurité. Si donc tu brûles la maison, préviens Polyguard avant, tu risques de te tromper de victimes.

Par contre, et la franchise nous oblige à le reconnaître franchement malgré la honte que ces révélations font peser sur nos familles : C’est vrai, certains d’entre nous sont originaires d’autres régions. C’est vrai, nous avons parfois fait la fête dans cette maison. Nous y avons même bu de la bière.

L’histoire nous jugera.

2, route des Romains, 9 novembre 2012


Rencontre avec le Maire

Monsieur le Maire était ce soir en goguette à la Scala du Neudorf, afin d’aller à la rencontre de ses administrés, d’écouter leurs doléances et de les assurer de son total engagement dans toutes les affaires qui les préoccupent. Jusqu’à la semaine dernière, nous étions des habitants de Koenigshoffen, mais il se trouve que notre expulsion nous a déracinés de ce quartier, c’est donc en tant qu’habitants de la C.U.S., et par voie de conséquence du Neudorf entre autres, que nous nous sommes invités à cette petite sauterie. Depuis l’irruption des Huissiers et autres sbires dans notre quotidien, c’était la première fois que nous avions ces élites en face de nous. Nous avons pu ainsi leur faire part de notre colère d’avoir été jetés à la rue.

http://juralib.noblogs.org/files/2012/11/0221.jpgPour la petite histoire, il se trouve également que nous avons eu au téléphone l’assistante de Maître IRION huissier de justice, afin de savoir quand nous pourrions récupérer nos petites affaires restées prisonnières au 2 route des Romains. Nous avions cru comprendre que l’article 65 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 nous permettait pendant un mois consécutif à l’expulsion de nous mettre en contact avec cette aimable personne pour cela. Or notre interlocutrice nous informa avec une compassion non dissimulée que cette loi avait été entretemps abrogée, et qu’une mystérieuse audience avec un non moins mystérieux juge traiterait de cette question épineuse le 12 décembre.

Vae victis, comme dirait l’autre. Double peine, en quelque sorte.

Le jour de l’expulsion, nous aurions du penser à emmener nos lits.

On ne se laissera pas faire, rogntudju !

2, route des Romains, 8 novembre 2012


Marche fun et funêbre

En petite procession, nous avons hier déposé une très jolie couronne mortuaire (bravo les fleuristes) sur la porte de la maison. Ce fut l’occasion de boire un petit coup ensemble, mais aussi de troubler la quiétude de la boîte de sécu attablée dans nos couverts et se mouchant dans nos draps. Le bruit de la visseuse a du les faire sursauter, ce qui a déclenché une série de coups de fil et un mitraillage photographique intensif, le tout à l’intention de leur employeur, la Ville.

http://juralib.noblogs.org/files/2012/11/106.jpgCette petite sortie fut également l’occasion d’admirer les petits mots de soutien gravés à même les funestes planches vissées sur les fenêtres. Merci, puissent-ils recouvrir la maison entière.

Souvenez-vous par ailleurs qu’une enquête publique est en cours afin de déterminer précisément les responsabilités de chaque politicien, de chaque administratif, de tous les minuscules rouages de cette merde, qui peuvent chacun à leur tour dire « je n’ai fait que mon boulot. » Leur job entraîne des conséquences qu’ils devront assumer. Nous avons déjà reçu quelques témoignages rigolos, nous recueillons ce que chacun dit ou fait publiquement, bref un petit dossier se construit. À vos plumes, les corbeaux !

À tout à l’heure.

2, route des Romains, 4 novembre 2012


Témoignage : Expulsés, et après ?

Si le 30 octobre 2012 se présente a priori à mes yeux comme une triste date, je ne souhaite pas m’abandonner à l’idée d’avoir été vaincu par la force aveugle d’une escouade de policiers mieux équipés que nous. Si nous faisons les comptes, nous voyons qui a l’avantage : 6 ans d’occupation contre 3 heures d’expulsion, une centaine de personnes venues en soutien.

La perte du 2 route des Romains est grande mais la défaite est petite, et la « victoire » de nos expulseurs, commanditaires et exécutants, est aussi minuscule qu’eux-mêmes. Les politiciens, toujours avides de vouloir s’élever un peu plus haut que le bout de leur nez, en sont à se crêper le chignon pour un mystérieux pompon : celui de prétendre savoir mieux que d’autres ce qu’il faudrait faire de modes d’action, de gens et de pratiques qu’ils ne comprendront jamais. Qu’ils se tirent dans les pattes, qu’ils tirent encore, qu’ils visent toujours plus haut !

http://juralib.noblogs.org/files/2012/11/113.jpgLe relogement de Papier Gâchette montre encore une fois qu’on n’obtient rien sans donner des coups aux gestionnaires de ce vieux monde. Que ceux qui, tenants d’une moralité 100% pure lutte, voudraient croire que ce relogement est le fruit d’une compromission avec la ville de Strasbourg, n’oublient jamais que la première sortie de Papier Gâchette fut une manifestation sauvage, que le 30 octobre 2012 les portes du 2 route des Romains ne se sont ouvertes qu’à la force de la disqueuse, et que malgré les tentatives répétées de la mairie de vouloir nous diviser nous sommes restés unis. Avoir de grands locaux, de belles maisons n’est pas une affaire de chance : les mètres cubes de dossiers déposés pour des projets qui doivent pourrir dans une salle d’archive de Strasbourg en témoigneront. Celui que nous avons rédigé il y a 5 ans pour la forme en fait partie !

Il n’y aura pas de conclusion parce que je n’en trouve pas ; pas plus que de bilan car nous n’avons pas dit notre dernier mot. Pour que le phénix renaisse encore faudrait-il qu’on l’ait réduit en cendres.

Merci à tous ceux et celles qui nous ont soutenus, et qui soutiendront et initieront des projets où nous nous sentons un peu plus chez nous.

François
2, route des Romains, 4 novembre 2012


Ouais, on a reçu un tract de soutien !

Nous avons reçu ce tract, qui a le grand mérite d’élargir la question du soutien à notre situation particulière à une problématique plus large.

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TÉLÉCHARGER LE TRACT

Si ce tract vous parle, vous pouvez le télécharger, en discuter, le diffuser, etc.

Si vous avez des critiques, des apports ou d’autres propositions, n’hésitez pas, elles seront relayées en commentaires de cette page.

Nous avons mis le doigt dans l’engrenage. Ça fait un peu mal, mais ça peut nous mener loin.

À tout de suite.

2, route des Romains, 3 novembre 2012


DERNIER AVIS AVANT COUPURE !

Monsieur RIES,

nos services ayant constaté un détournement de fluides, nous vous sommons par la présente de régulariser votre situation avant le

LUNDI 5 NOVEMBRE 2012

http://juralib.noblogs.org/files/2012/11/132.jpgEn effet, notre association a quitté le local sis 2, route des Romains le 30 octobre. Or, nous avons constaté au cours des jours suivants que des lumières étaient allumées dans le grenier, ainsi qu’un puissant spot éclairant la porte latérale. Notre contrat avec l’Électricité de Strasbourg ne saurait être détourné de la sorte.

C’est la raison pour laquelle nous ferons procéder à une coupure d’électricité dès lundi, la trêve hivernale ne s’appliquant pas en ces conditions ainsi que le stipule la loi U-58j, art. 683 ter et séqu.

En cas de difficultés financières, il vous appartiendra de contacter les services sociaux.

Veuillez agréer, monsieur, l’expression de notre passion sans borne.

2, route des Romains, 3 novembre 2012


Amère défaite !

Vous le savez peut-être déjà, nous avons perdu.

Le 2 route des Romains a été expulsé. Nous sommes dehors.

Un récit parmi d’autres peut-être :

Mardi 30 octobre.

Nous sommes prêts à l’assaut, debout à 5h comme la veille.

Le petit déjeuner parvient quand même à être joyeux.

On observe les mouvements dans la rue, les badauds circulent anodinement et nous font de petits signes d’intelligence de temps en temps. C’est drôle. Il leur manque le journal devant la gueule avec de petits trous. Leur mission est de repérer les éventuels signes confirmant la venue des pandores, pour lancer les appels à soutien le plus tôt possible.

7 heures. Ça y est. Un homme, sur le trottoir d’en face. Il vient de sortir de sa voiture et attend au passage piéton. Un costard, plutôt cher. Une tête d’ancien militaire. Il traverse, passe devant la maison, puis repasse et se plante devant la porte. Les messages sont envoyés illico. Certains hélas n’arriveront que deux heures plus tard.

Un groupe, qui fumait des clopes au fond de l’impasse se dirige à présent vers la maison, armé de pinces monseigneur et de pieds de biche. Cet inquiétante bande organisée sonne à la porte. Nous ouvrons une fenêtre. Qu’y a-t-il pour votre service. « Vous n’êtes pas surpris ? » nous assène celui qui manifestement est le chef militaire de ces joyeux drilles. Non. Mais on ne s’y habituera jamais.

Les premiers soutiens arrivent, tournent autour des agresseurs, sifflent, houspillent, prennent des photos (ce qui n’est pas du goût des expulseurs). Ils ne sont pas beaucoup, les plus tôtifs, mais ils envoient ! Pour l’instant, les suppôts de la Ville tournent autour du pot. Ils ne savent pas bien par où ils vont entrer par effraction. Par le jardin ? Non, il y a de l’herbe par terre, c’est sale. Par la porte latérale sur ses grosses glissières métalliques. Bof. Par la porte avant, vieux portail de bois rappelant l’époque où toutes ces baraques étaient de petites fermettes ? Oui, pourquoi pas ? Les outils sont dégainés.

Le groupe de soutien, qui s’est un peu étoffé, se précipite devant la porte, rempart d’amitiés diverses et accumulées contre les sbires. Ces derniers, malgré leur brutalité, veulent garder le contrôle de la situation et appellent du renfort, bleu de préférence. Un petit temps après, trois camionnettes de casqués, armés et harnachés débarquent, se précipitent sur les amis entassés et enlacés devant la porte et les jettent un par un dans le chemin, avant de les enserrer derrière un cordon bleu étanche.

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C’est le moment de tester l’efficacité de nos barricades. 1830 et 1848 sont loin, les Socialistes ont bien changé depuis, et nos savoirs-faire ont un peu décliné. Mais chaque minute passée par la dream-team de la C.U.S. à s’acharner en pestant sur nos petits bricolages nous remplit d’allégresse. Qu’ils en chient : c’est normal, puisque c’est une besogne de merde. La porte résiste un temps à leurs assauts, ils se démontent l’épaule en essayant de foncer dedans, puis après avoir eu l’idée de se servir du pied de biche, une planche finit par sauter. À leur grand dam, elle découvre un petit bout du lit de ciment disposé et bordé au pied du portail. Quelle déconvenue ! Ils optent alors pour la fenêtre, arrachent un volet, puis deux. Il y a des barreaux. Pince monseigneur, groupe électrogène, disqueuse gros format… Débauche de matériel, c’est facile, pour eux, d’ouvrir des squats.

Tout a cédé, je ne sais pas combien de temps on leur a fait perdre. Pas beaucoup. Pas assez. Mais évidemment, ce ne sera jamais assez. La partie est perdue : un flic rentre par la fenêtre, flash-ball à la main (vous savez, ces armes non-létales qui ne font que casser les rotules et crever les yeux…). Nous optons pour la fuite, plutôt que de nous faire traîner lamentablement par des flics heureux de nous dominer, plutôt que de prendre le risque que l’un ou l’une d’entre nous se fasse isoler du groupe et coincer par un affreux. Par une porte dérobée, nous réussissons à rejoindre le groupe de soutien toujours bloqué par le cordon bleu. Nous refermons la lourde porte latérale sur ses glissières et nous quittons cette maison qui nous a accueilli pendant presque six ans.

Des journalistes étaient là, qui voulaient faire un « papier » sur ce qui s’était passé ce matin. L’un d’eux me fond dessus, caméra et micro en avant, avide d’une déclaration. À qui veut-il que je parle ? Que pourrais-je dire à une caméra et à un micro, inertes, qui me mettent en lien avec des spectateurs passifs qui distraitement vont zapper pendant quelques secondes d’un sujet à un autre ? Pourquoi ne me parle-t-il pas d’abord, lui, simplement, sans tout son attirail ? Pourquoi ne me demande-t-il pas d’abord quels sont nos moyens de communications, et si éventuellement nous pouvions avoir besoin du sien ? Est-il touché par la situation, ou est-ce un simple sujet d’actu pour lui ? Est-il possible de filmer la détresse ou la colère sans un minimum d’empathie ? Pourquoi ces questions sont-elles totalement absentes de leur démarche, au point qu’ils nous regardent toujours comme des martiens quand nous leur posons ? J’ai regardé son reportage plus tard, il traduit cela par une sorte de « les squatteurs refusent de communiquer ». Si c’est cela, la communication, oui, je la refuse.

http://juralib.noblogs.org/files/2012/11/143.jpgNous aurions pu alors partir immédiatement en manif dans le quartier, comme un au-revoir, comme une dénonciation de ce qui venait de se passer, et dont les responsables n’étaient pas là. Scander les noms des BIES, des EL KOUBY et autre BOUDJEMA pour que la honte soit plus honteuse encore. Mais il était pour nous extrêmement difficile de nous arracher à la contemplation de ce qui était en train de se passer. Comme une envie morbide de céder à la fascination devant les mureurs, les tueurs d’espace, les urbanistes et leurs petites mains. Nous n’avons rien pu proposer d’autres. Puis, comme certains signes perçus à gauche à droite semblaient indiquer que les flics auraient bien effectué un petit prélèvement de manifestants soigneusement sélectionnés, nous avons choisi de nous replier, d’aller hors de leur présence pour nous retrouver avec ceux qui nous avaient soutenu, et parler, parler de ce que nous avions ressenti, de ce que nous avions pu faire ou pas, et de ce que nous allions faire plus tard.

Merci à tous ceux qui ont décidé de passer avec nous ces derniers moments, tous ceux qui nous ont aidé à leur manière et en leur nom, tous ceux qui nous ont rendus plus forts.

Merci aussi à tous ceux qui ont proposé de nous héberger, le temps de pouvoir se retourner et envisager autre chose.

Mais la lutte continue. À présent, nous allons lancer une enquête publique pour déterminer précisément les responsables de ce gâchis, et les livrer en pâture. Restez curieux.

À bientôt.

2, route des Romains, 31 octobre 2012


[2, route des Romains ] Récit subjectif d’un-e soutien

En allant vers la maison, on voit 4 fourgonnettes de flics qui déboulent devant nous. Juste le temps de garer nos vélos, et on se rend devant la grande porte… Je fais la bise à quelqu’un-e. Soudain, les copa-i-n-e-s s’agglutinent devant la porte en criant. Pas le temps de penser, je les rejoins, je tiens des bras, je tiens ce que je peux. « Casse-toi ! » je hurle à un type encravaté.

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La personne à ma gauche se fait éjecter, on est plusieurs à essayer de la rattraper, mais on n’y arrive pas. Trop tard. On ressert nos liens, on crie, on regarde à droite et à gauche pour voir qui il faut tenir en priorité. Y’a un mec par terre, tiré par les flics, je sais pas s’il est KO ou quoi mais ça me fout la trouille. Ensuite je vois plus trop ce qui se passe autour : j’agrippe une amie et un mec que je connais pas, j’ai l’impression qu’on est plus que tous les trois contre la porte, mais en fait j’en ai aucune idée. Autour y’a les flics, ils essayent de nous séparer mais ils galèrent. On crie. Ils galèrent toujours alors on se tient encore plus. J’ai les bras qui fatiguent, je sens que le flic me cogne sur la main mais j’ai pas mal. Je prends un coup au visage mais pareil, j’ai pas mal. Pas encore. Je fatigue putain faut pas que je lâche. À gauche y’a un flic qui tient mon amie et qui fait un mouvement de balancier, il s’applique méthodiquement, efficacement… C’est dur de tenir. Merde, je fatigue, j’ai plus de bras, faut que je tienne… D’un coup on est éjecté je crois tous les trois.

Y’a un flic qui me balance par terre dans le chemin, je me relève, je l’insulte. On est plusieurs dans le chemin, ils ont dégagé la porte. Y’a d’autres copa-i-n-e-s qui sont arrivé-e-s. Je tourne en rond. Les flics nous poussent, tonfa dégaînés. On est déjà bloqué-e-s ? Y’a des gens qui essayent d’aller sur la route, faire chier la circulation. Illes sont dégagé-e-s direct. Les flics traînent le mec qui est allongé, et le jettent devant nous. On lui demande si ça va, il dit que oui. Ok, il s’était vraiment allongé. On tourne, on gueule un peu, j’ai l’impression que les gens ont pas envie de formuler des slogans, plutôt crier la rage, l’amitié, dire on est là, comme ça.

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Ça dure je sais pas combien de temps, puis je vois les habitant-e-s qui sont parmis nous, sacs sur le dos ou à la main. Illes sont sorti-e-s sur le côté. Je suis soulagé-e qu’illes aient rien et en même temps ça me fait pleurer. Ça veut dire que les flics, les huissiers, toute cette merde, ont réussi à ouvrir et à pénétrer aux Romains. Et quelque part ça veut dire que c’est fini. On voulait pas qu’ils entrent et ils sont entrés, en nous marchant dessus. Les flics rigolent et menacent. « La règle c’est la règle » grinçait Bies, avec ses circuits de technocrates.

Y’a quatre connards qui regardent la porte coulissante des Romains. Des officiels. Ils reviennent vers nous. Ils croient quoi ces bâtards ? Qu’ils peuvent revenir comme ça dans la rue, comme si on n’existait pas ? On les bloque, on les insulte, mais direct les flics nous dégagent. Les quatre connards filent derrière les uniformes bleus. Y’en a un qui nous gaze deux fois, les deux fois pour le fun. Ça le fait tripper, il rigole. On voudrait le choper dans un coin, histoire de lui faire ravaler son sourire. En tout cas j’oublierai pas son visage.

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Apparemment ils ont gazé aussi l’autre groupe. J’ai pas vu. On me dit qu’il y a un mec dans les vappes, et effectivement y’a un truc de pompier de l’autre côté de la rue. De là où je suis, je vois pas ce qu’il se passe pour la maison. J’entends juste les bruits de verre, de marteau ou de je sais pas quoi. Y’a des gens qui crient dans l’autre groupe. Je me penche pour essayer de voir, un flic me repousse : « reste loin de moi ! ».

Pas mal de gens ont les larmes aux yeux. Et, j’imagine, la rage au cœur.

Six ans d’amitié et de vie face à la froideur technocratique, aux flash-ball, tonfas, disqueuses, aux méprisables légitimations… Au fond on gagnera toujours, parce que nos liens perdurent et se renforcent à chaque coup qui nous est porté. Et on n’en oubliera aucun. De Ries à Nisand en passant par Irion ou M. Olivier, et de tout ce qu’ils représentent de ce système de merde…

On va bientôt se rappeler à vos bons souvenirs, croyez-pas que ça va se finir comme ça. On est nombreu-ses.

Un-e soutien
L’Alsace Libertaire, 31 octobre 2012

 

Strasbourg / Koenigshoffen. Squat du 2, route des Romains : six ans et puis fini

Occupée depuis 6 ans par des habitants sans droit ni titre, la maison située au 2 route des Romains a été évacuée hier avec le concours de la force publique. Près d’une centaine de personnes sont venues soutenir – pacifiquement – les squatteurs.

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Au plus fort de la mobilisation, près d’une centaine de personnes sont venues soutenir, dans le calme, les habitants du 2 route des Romains.

Depuis mercredi dernier, les occupants du 2 route des Romains vivaient dans l’angoisse de l’expulsion. Ce jour-là, en vertu d’une décision de justice datant de 2011, un huissier était venu leur signifier qu’ils devaient quitter les lieux avant le 1er novembre, début de la trêve hivernale des expulsions. Depuis lors, ils attendaient. Et avaient suspendu une banderole à la façade de la bâtisse ainsi qu’une grosse poupée.

C’est finalement hier matin, vers 6h45, que l’huissier est revenu frapper à leur porte, accompagné d’une vingtaine de policiers du commissariat de Strasbourg, dirigés par le directeur départemental adjoint de la sécurité publique, Alain Winter.

Tandis que les occupants du 2 route des Romains étaient toujours à l’intérieur et les forces de l’ordre à l’extérieur, une dizaine de personnes sont venues soutenir les squatteurs et faire du bruit à l’aide de percussions, mais sans violence. Très vite, les policiers les ont contenues sur un chemin qui longe la maison, sans hésiter à user de gaz lacrymogène.

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Depuis une semaine, les habitants du 2 route des Romains s’attendaient à être délogés.

Pendant ce temps, d’autres policiers sont entrés à l’intérieur du 2 route des Romains. Les occupants, préférant éviter le contact avec les forces de l’ordre, sont sortis par une porte latérale avec quelques bagages, afin de rejoindre leurs soutiens sur le chemin. Petit à petit, les rangs des amis des squatteurs se sont étoffés : au plus fort de la mobilisation, près d’une centaine de personnes se sont rendues route des Romains pour exprimer leur solidarité, dans le calme. Parmi eux, Éric Schultz, conseiller municipal (EELV) de Strasbourg (lire ci-dessous).

Les ex-squatteurs et leurs premiers soutiens ont finalement pu rejoindre leurs amis, sur le trottoir, toujours cernés par un cordon de policiers. Les automobilistes de passage sur la route des Romains ralentissaient, curieux, et les riverains affluaient sur le trottoir d’en face. Pas forcément heureux que les forces de l’ordre mettent fin à ce squat, bouillonnant d’idées subversives mais toujours courtois vis-à-vis du voisinage.

Pendant ce temps, des ouvriers de la CUS se sont employés à condamner les portes et fenêtres du bâtiment. Les anciens habitants du 2 route des Romains sont restés jusqu’au bout sur le trottoir. Vers 9h45, il n’y avait plus personne devant la maison et certains ex-squatteurs et amis se sont retrouvés à la Semencerie, ancienne fabrique qui abrite des ateliers d’artistes, dans le quartier gare.

Le 2 route des Romains, racheté par la CUS en 2005, doit être démoli prochainement, dans le cadre du réaménagement de l’entrée de Koenigshoffen.

Publié par des larbins de la maison Poulaga (Julia Mangold, DNA.fr, 31 octobre 2012)


Petit compte rendu [augmenté] de l’expulsion, du 2 route des Romains

Le CR a été trouvé sur : azqs.com/strasbourgsquats/2012/10/30/petit-compte-rendu-de-lexpulsion-du-2-route-des-romains – des précisions ont été faites en attendant un CR plus détaillé.

http://juralib.noblogs.org/files/2012/11/15.jpeg

L’expulsion a commencé à 7 heures, ce mardi 30 octobre 2012, d’abord par les huissiers, les représentants de la ville de Strasbourg et un ou deux représentants des forces de l’ordre.

Le groupe de soutien présent a utilisé des instruments et autres casseroles pour improviser une fanfare. Puis il eut une résistance passive devant la porte lorsqu’un technicien commença à attaquer la porte du squat à la pince monseigneur.

Une première vague policière est intervenue quelques dizaines de minutes plus tard.

La résistance passive réalisée par une quinzaine de personnes, par effet de groupe soudé devant la porte, fut rompue par les policiers casqués et armés de leurs matraques [ainsi que des jets de lacrymo, des coups, des balançages, etc].

Les personnes furent regroupées à l’écart.

Dans la demi heure suivante, nous fûmes rejoint par une petite centaine de personnes.

Une deuxième vague de la Nationale fit son entrée, dans cette triste pièce de théâtre.

Dans la demi heure qui a suivi les personnes parquées ont tenté une libération [tandis qu’en même temps l’autre groupe essayait de bloquer la remontée vers la rue de quelques officiels étant venus sans escorte regarder le résultat de leur boulot].

Le groupe a été gazé [le second groupe aussi], une personne a eu le visage tuméfié par le lacrymogène [une autre s’est prise un coup de poing au visage], elle a fait un tour aux urgences, son visage est encore rouge à l’heure du billet, mais ça se calme.

Vers 10 heures à la fin du murage du squat, la centaine de soutiens s’est replié dans un lieu à quelques centaines de mètres pour envisager la suite des actions à mener…

Pour la suite des évènements visitez le site des habitants
Ou le site de Papier Gâchette

[…]

Filou Curieux
Squats à Strasbourg / L’Alsace Libertaire, 30 octobre 2012

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