La justice atomise. Solidarité avec les inculpés de la presqu’île du nucléaire

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Mailing – 19 septembre 2012


Réponse au Cran

Je viens de recevoir par mail, du Cran, « La justice atomise », du collectif de soutien aux inculpés de la presqu’île, à commencer par les trois qui sont poursuivis suite à l’affaire du blocage du train de poubelles nucléaires à Valognes. Après de multiples lectures et mûres réflexions, j’ai décidé de ne pas le diffuser. Non pas parce qu’il est minimaliste, ou que les inculpations m’indifférent, mais parce qu’au nom de la solidarité contre les persécutions exercées par l’État, il continue à défendre des positions déjà critiquées, en particulier par moi dans le texte « À propos de l’appel de Valognes », positions reconduites, certes avec des réserves et des réticences envers l’appellisme, dans « Valognes et après », comme je l’ai signalé dans des « Notes » disponibles sur le Web.

En effet, bien que « La justice atomise » reconnaisse le côté médiatique de l’opération de Valognes et de ses suites, et n’appelle pas à quelque campagne de soutien opportuniste dans la lignée de Tarnac, les auteurs, comme ceux qui rédigèrent « Valognes et après », n’en tirent pas toutes les conclusions. Pire, ils laissent entendre que des « personnes » durent endosser le rôle de porte-parole. Or, le rôle en question, elles avaient la possibilité de le refuser. Bien d’autres rétifs, y compris les rétifs opposés au nucléaire, le refusent, parfois depuis longtemps. La nécessité de n’avoir, en règle générale, pas de relations avec les médias a déjà été abordée mille fois, y compris à la veille de Valognes, à Paris et ailleurs. La chefferie appelliste, épaulée par des membres d’associations écologistes et de lobbies comme le réseau Sortir du nucléaire, nous a traités de sectaires, au prétexte que la couverture médiatique était l’un des moyens utiles pour assurer la visibilité de l’action et en faciliter la compréhension auprès des populations que le nucléaire inquiète, mais qui rejettent l’idée d’actions effectuées sur le mode conspiratif. Au local de la rue des Pyrénées, à Paris, à la veille de Valognes, les apologistes de l’appel du même nom affirmèrent même que ladite « couverture pouvait participer à gripper les dispositifs de la justice ». Ce qui constitue le comble du crétinisme républicain. Comme toujours, nous voyons aujourd’hui le résultat de telles tentatives d’utilisation des médias. En acceptant de jouer au jeu de la représentation face aux caméras, les futurs inculpés oubliaient qu’elles constituent aussi des caméras de surveillance et que la mise en spectacle est aussi affaire de police. Accepter d’être reconnus comme porte-parole par les médias, c’est en fin de compte accepter d’être reconnu également comme tels par l’État. Ce qui est logique puisque les médias participent, en démocratie, à l’action de l’État. Tel est donc pris qui croyait prendre, hélas.

Loin d’être l’un des accidents de parcours de l’opposition au nucléaire initiée à Valognes, l’affaire révèle au contraire l’un de ses vices de forme et de contenu essentiel, à savoir son esprit citoyenniste. Par suite, la moindre tentative d’avancer réellement passe par la rupture avec « l’esprit de Valognes », en d’autres termes avec la posture d’indignés du nucléaire, identique à celle de bien d’autres indignés, qui contestent tel ou tel aspect de la domination actuelle, au nom de la démocratie. Problème que « La justice atomise » ne soulève pas. Bien au contraire. Les auteurs affirment presque l’inverse, présentant, dans l’optique de « Valognes et après », la tentative de bloquer le train et le reste comme « l’expression » potentielle d’oppositions « excluant toute illusion citoyenne ». Si les illusions citoyennes sur l’État nucléariste étaient en cours de liquidation, on ne comprend pas pourquoi des gens ont tenu à être reconnus par les médias, c’est-à-dire, en dernière analyse, par le pouvoir d’État. Car la question de la représentation, et donc celle de la reconnaissance par l’État, est bien plus large que celle de la reconnaissance comme interlocuteur et négociateur. Il est possible d’être reconnu à titre de trublions, voire de dangereux rétifs, en particulier lorsque des individus acceptent de monter sur les planches du spectacle en live. Nul besoin de votes, à notre époque, pour être représentatif. Il suffit d’être reconnu tel par les médias. Par leurs propos, les auteurs montrent qu’ils partagent encore en partie les illusions qu’ils croient avoir dépassées, en prenant de la distance, sans le dire, envers le show que nous prépare, dans la tradition de Tarnac, les appellistes regroupés à Rennes. Bref, comme d’autres appels de la même veine, « La justice » reconduit, au nom de l’anti-répression,  des thèses indéfendables, ici sur Valognes et ses suites, en particulier sur le désastre prévisible de l’opération du Chefresnes, sorte de répétition, mais en pire encore, de celle de Malville. Ce qui n’est pas acceptable.

Peter Vener
Le 20 septembre 2012

Infos Anti-autoritaires en Cévennes à l’Assaut des Montagnes !

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Une réponse à La justice atomise. Solidarité avec les inculpés de la presqu’île du nucléaire

  1. schizosophie dit :

    Encore un coup de Peter-« j’vous l’avais bien dit que c’était pas la peine »-Vener. A croire que l’idéologie du blocage est celle de l’inactif. Personne ne l’incite à se mouiller, mais se moquer de ceux qui ont bu la tasse quand on a gardé son Perfecto au sec n’est pas une attitude que je qualifierais de camarade, et encore moins d’amicale. C’est celle du spectateur bien informé, du spéculateur ex ante ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Ex_ante ) des luttes. Parier sur les luttes, faire du tricot communicant est un loisir.

    Que le procureur que se couvre digniment l’épaule de sa toge en hochant la tête dédaigneusement est la réaction logique de qui juge les contradictions après avoir décidé, « mûres réflexions » aidant, de ne pas y participer plutôt que de les éprouver telles qu’elles sont vécues. Si au moins la critique contemptrice élaborée au sec améliorait celle des acteurs, elle pourrait s’avérer contributive, mais ce n’est pas le cas.

    Le texte ne « laisse » pas « entendre » que « des « personnes » durent endosser le rôle de porte-parole », il l’affirme, et explique que ce fut la conséquence de s’être laisser prendre « au jeu du coup d’éclat spectaculaire », ce qui conduisit à passer « de l’explicitation à la publicité ». Le procureur glose sur la même critique, mais décide de ne pas relayer le texte.

    Pourquoi ? Parce que le texte « continue[rait] à défendre des positions déjà critiquées, en particulier par [lui] » ? Parce qu’il en aurait eu la préscience* ? Parce qu’il faudrait lui en léguer le copyright ? Parce qu’il a l’apanage de cette critique ? Parce qu’il n’est pas de lui ?

    Que Peter Pépère ne soutienne pas les inculpés le 9 octobre à Cherbourg, le public numérisé s’en tape. Qu’il le fasse savoir en méprisant « ceux qui ont ont fait l’expérience »**, maintenant tout le monde le sait.

    * »D’autre part, le souci d’horizontalité et l’absence de hiérarchie dans la prise de décisions qui ont offert la possibilité d’une action directe collective. » (La justice atomise)

    ** »Bien qu’il soit possible de faire des rencontres intéressantes à Valognes et sans faire preuve de mépris envers ceux qui veulent tenter l’expérience, parfois en prenant de la distance envers l’appel, je ne veux pas participer à des réunions et à des opérations placées sous le signe de la hiérarchie et destinées à favoriser l’autovalorisation des leaders autoproclamés. Je préfère m’abstenir. » (A propos de l’appel de Valognes).

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