Lutte étudiante au Chili

Chili : La lutte étudiante continue et l’État répond en montrant son vrai visage avec des mesures dignes de l’ère Pinochet

Au Chili, la lutte des étudiants pour la gratuité de l’éducation, contre la marchandisation de la vie et l’ombre de Pinochet continue alors qu’une nouvelle journée de manifestations et de grève nationale était appelée pour le 4 août. L’État a répondu en niant officiellement le droit de toute manifestation à travers le pays.

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À Santiago, les flics ont fermés les rues menant à la Plaza Italia où la manifestation devait avoir lieu. Quiconque ayant l’air jeune s’est fait systématiquement fouillé. Les porcs, stationnés dans les stations de métro, ont refusé l’accès aux jeunes pendant que d’autres sont entrés dans les bus pour fouiller les « étudiants ». Comme le droit de manifester a été refusé, le peuple a confronter les porcs dans les rues à travers le pays en lançant des pierres, des bâtons, des bombes de peinture et des Molotovs et en érigeant des barricades spontanées pour ensuite s’échapper, se réunir ailleurs et recommencer. Les batailles de rues ont duré tard dans la nuit, surpassant tout autre jour de manifestation « autorisé », où les choses se calmaient dans l’après-midi. Encore une fois les banques, multinationales et grandes entreprises on été la cibles de vandalisme et de sabotage. Vers 21 heures, suite à l’appel à des « cacerolazos » (manifestations de bruits avec des casseroles communes au temps de la dictature militaire), des milliers de personnes ont répondu avec leurs casseroles depuis la rue ou leurs fenêtres et balcons. Plusieurs personnes ont commenté pendant la journée que c’était comme s’ils revenaient aux jours de la dictature militaire. Parallèlement le soutien envers le gouvernement est en chute libre.

Dans la matinée, des représentants du gouvernement ont confirmé 874 arrestations et 90 porcs blessés.

Anonymous d’Amérique latine a également participé à la solidarité en faisant tomber les sites de CNN Chili, le Sénat chilien et le métro de Santiago et a annoncé que les actions se poursuivent avec l’opération #OpChile.

La réponse de solidarité internationale a déjà commencé avec des manifestations en Argentine, au Pérou et au Mexique.

Le lendemain, de nombreux étudiants se sont barricadés dans les différentes écoles et universités déjà occupées depuis plusieurs semaines, suite à des rumeurs voulant que le gouvernement prévoit de les déloger de force sous peu. Les cacerolazos ont continué durant la journée et des étudiants ont aussi occupé l’édifice d’une chaîne de télé universitaire.

SabotageMedia, 5 août 2011.

 

Répression du mouvement pour l’éducation au Chili

Jeudi 4 août, Valparaiso, 23h – Ayant vu passer peu d’infos en français sur les évènements actuels au Chili, je me permets de publier ce texte, qui vise à vous donner une idée de ce qui se passe ici…

LE CONTEXTE : UNE MOBILISATION MASSIVE ET DURABLE DU SECTEUR DE L’ÉDUCATION

Les étudiants et lycéens, mobilisés depuis trois mois pour le droit à l’éducation, subissent une répression qui ne cesse de s’intensifier. Leur principale revendication est la création d’un véritable service public d’éducation, gratuit et de qualité, mettant fin au profit dans le secteur éducatif et à l’endettement comme passage obligé pour financer leurs études.

Leur mouvement a connu plusieurs journées de manifestations d’une ampleur inédite depuis le départ du dictateur Pinochet en 1990, auxquelles s’ajoutent les occupations d’universités et de lycées, et d’innombrables actions dans tous le pays : flash-mob chorégraphique face au palais présidentiel de La Moneda ; course de relais autour de ce même palais, d’une durée de 1800 heures, correspondant aux 1800 millions de dollars annuels qui permettraient de garantir l’éducation gratuite ; die-in ou assemblées sur la voie publique ; tentatives d’installation de campement à la manière « Puerta del Sol » ; blocage des principaux axes des villes avec des barricades…

Le gouvernement a donc dû faire des propositions, et a même fait quelques pas timides vers une réforme de la Constitution afin d’y inscrire le droit à l’éducation… Mais les réponses restent largement en-deçà des exigences portées par le mouvement : saupoudrage de quelques bourses et facilitation des prêts étudiants (encore ! ), jeu avec les chiffres pour des crédits supplémentaires dont on ignore sur combien de temps ils s’étalent (méthode éprouvée en France par Valérie Pécresse, vague promesse d’un meilleur contrôle sur les profits des établissements privés — qui rappelle celle de moraliser l’industrie financière…

Ce qui se passe ici est important et sûrement historique, par l’ampleur de la mobilisation, sa diversité et ses différentes « radicalisations »… Par la violence de la répression… Mais aussi en raison de l’importance des débats, qui au-delà du droit à l’éducation — déjà crucial — interrogent la répartition et l’utilisation des richesses (notamment celles issues des activités minières) et la représentativité d’un système politique largement hérité du régime pinochetiste. Petit détail : un sondage sorti hier donne 26 % d’opinion favorable au Président Piñera, le résultat le plus bas depuis le retour à la « démocratie ».

Les étudiants ont reçu l’appui d’autres secteurs mobilisés, comme les employés portuaires menacés par une réforme centralisatrice qui risque de détruire de nombreux emplois, ou les mineurs qui demandent la renationalisation du cuivre (comme l’avait fait Allende).

RÉPRESSION ET RÉACTIONS SPONTANÉES

La mobilisation se poursuit donc, et de nombreuses manifestations avaient lieu aujourd’hui dans tout le pays. Mais le gouvernement est passé à un nouveau stade de répression, et a décidé d’interdire les manifestations, en particulier dans le centre de Santiago. Ainsi, les lycéens qui ont tenté de se réunir ce matin pour manifester dans la capitale se sont heurtés à un millier de policiers, leur empêchant l’accès à l’emblématique Plaza Italia. S’en sont suivis de violents affrontements, dans une ville en état de siège, qui ont débouchés sur de nombreuses arrestations dans une pluie de gaz lacrymogènes et de coups de matraque.

À Valparaiso, les flics ont empêché les manifestants d’avancer vers le Congrès national, barrant la route avec de nombreux véhicules tirant eau et gaz lacrymogènes. Comme lors des manifestations précédentes, les manifestants ont alors occupé les avenues principales du centre-ville, parfois accompagnés d’une fanfare bon-enfant, à d’autres endroits en élevant des barricades. Les policiers les ont délogé violemment mais ont connu quelques problèmes d’effectifs, recevant même en fin d’après-midi l’appui de la police militaire chargée de protéger le port…

À 18h30, une seconde manifestation était prévue à Santiago, appelée par les étudiants et professeurs. Elle était également interdite, et la tension est montée d’un cran : les étudiants qui tentaient de rejoindre la Alameda (avenue centrale de Santiago) afin de manifester, ont été repoussés par la police avec des grenades lacrymogènes en grande quantité. Depuis, des barricades s’élèvent sur les grandes artères de la capitale.

Un groupe d’étudiants (plus de 200) a occupé pendant une heure les locaux de la chaîne Chilevision, qui appartenait au président Piñera jusqu’à son élection. Ils ont été délogé par la police à l’instant. Le nombre officiel d’arrestations dans tout le pays s’élève maintenant à 552, et les autorités annoncent également 29 policiers blessés.

Un groupe de députés et sénateurs de l’opposition parlementaire (communistes, socialistes et démocrates-chrétiens) annonce un recours constitutionnel contre le ministre de l’Intérieur, pour la violation des libertés de réunion, de manifestation et d’expression.

21H00. Les étudiants ont appelé dans la soirée à un « cazerolazo » et de nombreux habitants de la capitale font du bruit avec poêles et casseroles, dans la rue ou par les fenêtres… La même scène se déroule à Valparaiso et probablement dans d’autres villes du pays : les gens sortent spontanément, souvent en famille, pour manifester leur refus face à la répression et soutenir le mouvement. Cette forme de mobilisation rappellent les années de dictature, où elle était utilisée par la population pour exprimer son mécontentement depuis les fenêtres malgré les interdictions de manifester.

22h30. Les barricades brûlent encore dans Santiago, ainsi qu’un grand magasin. Dans le centre, les lacrymos rendent l’air irrespirable, et les ambulances évacuent des personnes évanouies.

ÀA Valparaiso, en début de soirée, une centaine d’étudiants a essayé de manifester en direction du Congrès, et s’est heurtée à la police.

Indymedia Paris, 5 août 2011.

 

La jeunesse chilienne est dans la rue

Manifestations interdites, nombreuses arrestations : les étudiants ont lancé jeudi soir un ultimatum de six jours au gouvernement pour des propositions « sérieuses, concrètes et cohérentes ».

Le gouvernement de droite de Sebastian Pinera vit sa crise sociale la plus grave depuis son arrivée au pouvoir en mars 2010, avec l’explosion du malaise structurel de l’éducation au Chili: un système à deux vitesses, dont le pan public est le parent pauvre de la réussite économique du pays depuis 20 ans.

C’est dans ce contexte que des manifestations monstres, en juin, ont réuni jusqu’à 80.000 personnes, les plus spectaculaires depuis le retour de la démocratie au Chili en 1990.

Étudiants, lycéens et enseignants, qui réclament de l’État des moyens accrus pour l’enseignement public et supérieur, avaient annoncé deux manifestations pour jeudi. Le gouvernement n’a pas autorisé ces marches, un refus perçu comme une « provocation » par les manifestants.

Plus de 550 personnes ont été interpellées jeudi dans plusieurs villes du Chili, lors de heurts répétés entre étudiants et forces de l’ordre au cours d’une nouvelle journée de mobilisation étudiante, la plus violente d’une crise qui s’envenime depuis trois mois.

La majorité des personnes interpellées (284) l’ont été à Santiago, pour « trouble à l’ordre public, ports d’armes ou de matériel explosif », a précisé le vice-ministre de l’Intérieur Rodrigo Ubilla,

À Santiago, les violences sont survenues en deux temps en une journée chaotique. Dans la matinée, la police a usé de gaz lacrymogènes et de lances à eau, pour disperser une manifestation naissante Plaza Italia, et dégager des carrefours névralgiques que des étudiants paralysaient avec des barricades de pneus enflammés.

Le calme était revenu en milieu de journée dans le centre de la capitale, patrouillé par des policiers à cheval et des fourgons anti-émeutes.

Mais les troubles ont repris en soirée, quand la police a empêché la tenue d’une seconde manifestation non autorisée. Un groupe de 200 étudiants a brièvement occupé les studios de la télévision privée Chilevision, exigeant de passer en direct, avant de quitter les lieux une fois un message enregistré.

« Les étudiants ne sont pas propriétaires des rues », s’est exaspéré le porte-parole du gouvernement Andres Chadwick.

Les étudiants ont lancé jeudi soir un ultimatum de six jours au gouvernement pour des propositions « sérieuses, concrètes et cohérentes ».

Le président Pinera a vu sa côte de popularité chuter à 26 % d’opinions favorables, selon un sondage publié jeudi : un seuil record qui fait delui le président le plus impopulaire depuis le retour de la démocratie en 1990.

EITB, 5 août 2011.

 

Chili/mobilisation : 550 arrestations

Plus de 550 personnes ont été interpellées hier dans plusieurs villes du Chili, lors de heurts répétés entre étudiants et forces de l’ordre au cours d’une nouvelle journée de mobilisation étudiante, la plus violente d’une crise qui s’envenime depuis trois mois.

Pas plus de 5.000 personnes ont pris part aux manifestations, à Santiago et dans une dizaine de villes, mais « on a atteint le total de 552 interpellations et 29 policiers blessés, dont un dans un état grave », a annoncé à la presse en soirée le vice-ministre de l’Intérieur Rodrigo Ubilla, selon qui il n’y avait pas de « civils blessés ». La majorité des personnes interpellées (284) l’ont été à Santiago, pour trouble à l’ordre public, ports d’armes ou de matériel explosif, a précisé M. Ubilla.

Cette journée d’action étudiante, la huitième depuis le début des mobilisations en mai, a été de loin la plus violente, mais la moins suivie. Des manifestations monstres, en juin, ont réuni jusqu’à 80.000 personnes, les plus spectaculaires depuis le retour de la démocratie au Chili en 1990. Etudiants, lycéens et enseignants, qui réclament de l’Etat des moyens accrus pour l’enseignement public et supérieur, avaient annoncé deux manifestations pour hier. Le gouvernement n’a pas autorisé ces marches, un refus perçu comme une « provocation » par les manifestants.

À Santiago, les violences sont survenues en deux temps en une journée chaotique. Dans la matinée, la police a usé de gaz lacrymogènes et de lances à eau, pour disperser une manifestation naissante Plaza Italia, et dégager des carrefours névralgiques que des étudiants paralysaient avec des barricades de pneus enflammés. Le calme était revenu en milieu de journée dans le centre de la capitale, patrouillé par des policiers à cheval et des fourgons anti-émeutes.

Les troubles ont repris en soirée, quand la police a empêché la tenue d’une seconde manifestation non autorisée, a constaté l’AFP. Un groupe de 200 étudiants a brièvement occupé les studios de la télévision privée Chilevision, exigeant de passer en direct, avant de quitter les lieux une fois un message enregistré. Le gouvernement avait interdit les manifestations en estimant le temps du dialogue venu, après une série de propositions transmises lundi, notamment sur des bourses accrues et des crédits avantageux aux étudiants, dont la majorité s’endettent pour étudier. Propositions rejetées comme « insuffisantes ». « Les étudiants ne sont pas propriétaires des rues », s’est exaspéré le porte-parole du gouvernement Andres Chadwick.

Le gouvernement de droite de Sebastian Pinera vit sa crise sociale la plus grave depuis son arrivée au pouvoir en mars 2010, avec l’explosion du malaise structurel de l’éducation au Chili : un système à deux vitesses, dont le pan public est le parent pauvre de la réussite économique du pays depuis 20 ans. Le président Pinera a vu sa côte de popularité chuter à 26 % d’opinions favorables, selon un sondage publié hier : un seuil record qui fait de lui le président le plus impopulaire depuis le retour de la démocratie en 1990.

Une image dans les rues de Santiago a d’ailleurs rappelé hier l’ère des manifestations contre la dictature Pinochet: des habitants qui exprimaient leur soutien aux manifestants en tapant sur des casseroles, de leur fenêtre ou sur le pas de leur porte. Les étudiants ont lancé hier soir un ultimatum de six jours au gouvernement pour des propositions « sérieuses, concrètes et cohérentes ». Ils réclament en particulier des garanties constitutionnelles sur une éducation publique gratuite et de qualité. « On n’impose pas ainsi au gouvernement », a répliqué M. Chadwick.

Leur presse (Agence Faut Payer), 5 août 2011.

 

Les étudiants maintiennent la pression

Entre 5000 et 10’000 personnes ont manifesté dimanche 7 août dans le centre de Santiago malgré l’interdiction gouvernementale, relate le quotidien chilien La Nación.

La contestation étudiante est très forte depuis près de trois mois au Chili. Les étudiants réclament un accès plus facile à l’université, alors que le système demeure très inégalitaire. Il y a deux semaines, le président conservateur Sebastián Piñera a été forcé de remanier plusieurs postes clés de son gouvernement pour contrer la colère des étudiants, mais aussi celle des ouvriers, des écologistes et même des militants homosexuels. Malgré ces mesures, la contestation ne faiblit pas.

Jeudi 4 août, 874 personnes ont été arrêtées lors d’une manifestation interdite par le ministère de l’Intérieur. Le 7 août, la manifestation s’est déroulée dans le calme. Les étudiants ont appelé à défiler à nouveau mardi 9 août. La Nación salue « ce réveil de la citoyenneté ». « La population, contrairement à d’autres époques [la dictature de Pinochet, de 1973 à 1990], formule ses demandes et s’attend à ce qu’on l’entende », écrit le journal, qui souhaite néanmoins que les contestataires ne perdent pas de vue le débat principal, à savoir la réforme de l’éducation.

Leur presse (Courrier international.com), 8 août 2011.

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